mardi 18 novembre 2008

Jimi Hendrix: guitar-hero? Bien plus...


Je ne suis pas tellement "guitar hero" dans la vie. Pour moi, le summum sonique de la six-cordes se trouve dans le solo de Steve Hackett sur "Firth of Fifth" (Genesis, "Selling England by the Pound"), mon moment musical anthologique par excellence. Envol mélodique, choix des tonalités, un artiste qui met tout ce que peut s'exprimer par la six-cordes. La vitesse et la technique? Who cares? Pas moi.

Aussi ais-mis beaucoup de temps à m'asseoir et à écouter Jimi Hendrix, le guitar-hero fauché prématurément et stupidement par un mauvais mélange pilules-alcool, après tout juste trois ans d'une éclosion artistique incandescente. Jimi était, pour moi, un des trois grands "J" fauchés dans la fleur de l'âge par les drogues en 1970 (avec Jim Morrisson et Janis Joplin, bien sûr). Je le rangeais dans une longue suite de virtuoses dont les prouesses pyrotechniques allaient m'ébahir et m'ennuyer. Quelle ignorance!

Alors que Jimi Hendrix peut, en quatre minutes bien tassées, vous assommer et vous élever en même temps, non seulement par sa technique époustouflante à la guitare et par l'imagination délurée qu'il met dans ses effets stéréo (psychédélisme, quand tu nous tiens), mais aussi par son lyrisme mélodique, comme dans le magnifique Little Wing (où il ne cède en rien à David Gilmour), l'arc-en-ciel de tonalités qui se succèdent, souvent à l'intérieur d'une seule pièce, toujours dictés par un feeling incroyablement sûr (écoutez-moi Bold As Love, qui peut même s'en approcher à ce niveau?), par les puissantes racines blues qui assoient son style (Voodoo Chile. Jimmy Page fait une révérence), par le groove puissant qui le propulse (Voodoo Child - Slight Return)... et une fois qu'on s'est remis de l'expressivité de sa guitare, on entend quel joyau est derrière: des mélodies débordantes d'un généreux soul, une voix magnifique, qui a gardé le grain black mais sans l'aspirité rauque des Otis Redding et James Brown ou même Prince; et que dire de l'imagination débordante de ses arrangements, bien servis entre autres par ce batteur cool et musclé à la fois qu'était Mitch Mitchell.

Oubliez les compilations, toujours décevantes parce qu'impossible à réaliser au niveau du pacing et à unifier au niveau du mastering (qualité d'enregistrement beaucoup trop variable). De toute façon, à peine trois albums en quatre éditions constituent le coeur du patrimoine artistique de Jimi Hendrix. Et c'est un patrimoine indispensable à quiconque aime le rock.

D'abord, l'incroyable floraison de 1967: après un 1er 45-tours canon en décembre 1966 (Hey Joe, trois mois seulement après la formation du Jimi Hendrix Experience!) et un 2e encore tout aussi hallucinant (Purple Haze, mars 1967), sortaient le très beau single The Wind Cries Mary et la version britannique de Are You Experienced (le 12 mai 1967), album qui ne comprenait aucun des singles, conformément aux usages de l'époque. Seul Sgt Pepper's empêcha le disque d'atteindre la 1ère place des palmarès de l'époque.



Puis, après le show marquant de Monterey, la compagnie Reprise prépare une sortie nord-américaine de Are You Experienced, avec plusieurs changements: remixages stéréo, nouvelle pochette, inclusion des singles déjà sortis et choix du "pacing" par Jimi, qu'on force cependant à abandonner le blues Red House (on lui dit, incroyablement, que le blues n'est pas apprécié en Amérique du Nord!). En tout, les deux éditions comprennent 17 pièces et 60 minutes de musique, mais ce n'était pas fini.




Dès décembre (nous sommes toujours en 1967!), nouvel album du Jimi Hendrix Experience, le magnifique Axis: Bold As Love. Lequel va encore plus loin dans le délire psychédélique, le raffinement sonore et la cohésion de groupe. Il offre à mon avis les deux titres les plus immortels de Hendrix: Little Wing et Bold As Love.




On est loin de s'en douter, mais le 16 octobre 1968 paraîtra le dernier album studio complété par Jimi dans sa vie. C'est un double, il s'appelle Electric Ladyland, et il trône au panthéon des grands albums-double de l'histoire, avec The Beatles (album blanc), paru la même année et Blonde on Blonde de Dylan. Augmenté par plusieurs musiciens, dont Al Kooper et Steve Winwood, le Jimi Hendrix Experience approche la désintégration en tant que groupe. Un album riche, bordélique, dominé par le formidable jam bluesy Voodoo Child, l'épique 1983...(A Merman I Should Turn To Be), la magnifique reprise du All Along The Watchtower de Dylan et l'incroyablement groovy Voodoo Chile (Slight Return).



Maintenant, le catalogue de Hendrix est un bordel total de rééditions, de remasterings (bons et mauvais), repackaging, out-takes, inédits et bootlegs officiels et non-officiels sur lesquels nous pourrons revenir...

Mais si, après avoir digéré la matière des trois albums principaux, vous voulez vous payer la "traite" en matière de prises alternatives et d'inédits, et vous perdre dans l'incroyable foissonnement Hendrix, il vous faut le coffret quadruple The Jimi Hendrix Experience (2000). J'ai à peine effleuré la surface, mais je me repasse déjà en boucle les versions instrumentales inédites de Little Wing et Bold As Love, où la guitare de Jimi est poignante d'expression. c'est un exemple de ce qui peut être fait à partir du catalogue inédit d'un artiste. Et le son est excellent.



Masterings de référence:
Are You Experienced (UK): Polydor West German, No. 825 416-2
Are You Experienced (USA): Reprise original (sans RE-1 dans la matrice) 6261-2
Axis: Bold As Love: Reprise 6281-2
Electric Ladyland: Polydor West Germany 823359-2, le "Naked Ladies Cover", avec le "cover art" non approuvé par Hendrix et avec un mauvais pacing (les faces défilant ainsi: face 1, face 4, face 2, face 3), mais avec un excellent son.

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