mercredi 29 décembre 2010

Sur la platine: les premiers sédiments de "Little Wing"

En ce moment, sur la platine...


Jimi, en jeune musicien de session, sur un beau slow rhythm & blues des Isley Brothers, Have You Ever Been Disappointed?... Un beau titre que je ne connaissais pas, bâti sur le patron des plus beaux Otis Redding, et cette tonalité absolument "killer" du jeune Hendrix... De toute beauté...

Quelques minutes plus tard, surprise d'entendre une intro de guitare qui évoque irrésistiblement "Little Wing" sur un autre "slow" de facture plus "Motown", signé The Iceman, qui s'appelle (My Girl) She's A Fox.
Les deux font partie des meilleurs titres du premier CD du coffret quadruple West Coast Seattle Boy du grand musicien.

Je n'ai pas encore exploré ce coffret et ces multiples découvertes, remixages et excavations d’artéfacts sonores, mais ce premier disque, présentant Jimi en tant que musicien de studio, est une brillante idée de Experience Hendrix, la compagnie de la soeur de Jimi, qui "manage" maintenant l'héritage artistique du grand guitariste de Seattle. Allez, on leur pardonne même les étranges remixages des années '80 qui polluent l'excellent Valleys Of Neptune, sortis en mars cette années.

Et on espère une réédition explosive du célèbre concert de 1969 au Royal Albert Hall pour 2011.

J'adore ces coffrets qui nous amènent derrière la scène des albums officiels et explorent tous les sédiments du corpus officiel de grands musiciens. Pour Hendrix, c’est déjà le deuxième coffret, après le formidable Purple Box du début des années 2000. Il y a aussi l'excellent Anthology de John Lennon, la très célébrée Bootleg Series de Bob Dylan.

Si seulement l'art de la réédition pouvait atteindre de tels sommets ici, au Québec.

mercredi 22 décembre 2010

Pink Martini de Noël

Commentaire finalement assez acide d'Alain Brunet sur le dernier Pink Martini, best-seller de Noël de l'année auprès des mélomanes bien-pensants...



Parce que Pink Martini est au bon goût musical d’ajourd’hui ce que le Cirque du Soleil est au… cirque d’aujourd’hui. Ce que Gotan Project est au tango nuevo. Ce que Florence K est aux musiques du monde. Juste assez raffiné pour faire se sentir mélomane des dizaines de milliers de personnes qui ne le sont pas particulièrement. Juste assez tolérable pour que les «snobs» ne passent pas trop de remarques méprisantes lorsque ça flotte au-dessus des canapés et des apéros. Juste assez formaté pour se hisser au top des ventes commerciales sans que l’impression de format ne saute aux oreilles.

Vingt cinq ans plus tôt, il faut dire, cette façon de faire aurait été appréciée par des publics beaucoup plus branchés. Aujourd’hui, le grand public adulte à demi mélomane y voit un signe de bon goût, comme c’est le cas pour les émissions de cuisine haut de gamme.

mardi 21 décembre 2010

Robert Fripp et les femmes...


Hilarant "post" suivant un commentaire (fort pertinent) disant que King Crimson et les femmes ne vont pas ensemble.
I find Larks' Tongues in Aspic Part I very useful in terminating relationships with girlfriends.

If they're particularly stubborn, I move up to Part IV.

... de la business musicale, de l'empire Virgin et Mike Oldfield et de la condition d'artiste...

Faisant un peu de recherche sur les magnifiques rééditions de la 40th Anniversary Series de  King Crimson, que je ne peux que vous recommander chaudement comme exemplaire, ce bout du passionnant journal on-line de Robert Fripp...
10.51    Super Audio Mastering, Monks Withecombe, Chagford, Devon.

Our day began with Simon Heyworth, Mastering Master, indicating the copyright violations on theTubular Bells book… 

… within the new special release package by Mercury UMG; comparable to our own copyright violations with Island UMG & the Keep On Running Island book. Simon was the co-producer ofTubular Bells & supplied several of his photographs, taken at the time, to Mercury UMG for possible inclusion in the book. Simon’s photographs were used without formal permissions being obtained…
… and Mercury UMG are, Simon mentions, in receipt of his solicitor’s letter.
It would be interesting were the business relationship of the time, between Richard Branson & Mike Oldfield, to be made available to informed public debate. It would be interesting were all the managerial relationships of all the main bands of the time to be made public & subject to discussion.  But this is unlikely, often because of gagging orders & other activities that result in this information remaining outside the public arena. However, in his autobiography Mr. Branson explains the necessity of owning copyrights; that is, own the work of other people. And, in that frank account, Mr. Branson gave us a straightforward presentation of one good way to climb to riches: own the work of other people, in addition to owning the fruits of our own labours. 
How the transfers-of-ownership of copyright interests took place, generally & historically, historically is worthy of study & reportage. What! I can imagine innocent DGM visitors expostulating.Managements & record companies unwilling to reveal details of their personal & financial dealings! Surely artists have handed over their work entirely consensually & without any undue influence or disproportionate force being applied to them by their managers & record companies to persuade these artists to submit to the distributive justice being dished out? And happy to do so!
What is not in doubt is that Mr. Branson’s Virgin empire was founded on Tubular Bells; that Mr. Branson made more money at the time from Mike Oldfield than Mike Oldfield, has more money today than Mike Oldfield, and has always had more money than Mike Oldfield – dating from around the release of Tubular Bells.
It is interesting that management & record companies always seem to make more money than the artists whose interests they, nominally, represent. The argument that some artists do well may be true; in which case, look at the distribution of income between artist and management, record company, publisher & agency, and then decide who has done well
Well.
Chaque fois que je lis Robert Fripp, je l'aime un peu plus. Et l'image du Négatron lourdingue qui rendait les autres musiciens de King Crimson fou se complexifie joyeusement.

Ce n’est pas par masochisme que Bill Bruford a laissé tomber fortune et gloire pour suivre Fripp dans son odyssée musicale...

vendredi 17 décembre 2010

Beck et sa semaine de rêve au Ronnie's Scott



L'année s'achève, et pour les critiques du monde entier, c'est le temps de compiler les albums les plus marquants de l'année, d'en publier la liste et d'en découdre avec les mélomanes et autres exégètes de la scène rock, pop ou jazz... mais pour les blogueurs dans mon genre, c'est au contraire le moment d'un plaisir de glandeur: celui de simplement parler d'albums qui nous ont fait tripper dans l'année, qu'ils soient des éditions récentes ou de vieilles choses retrouvées, des découvertes de retardataires ou des choses sans importance qui, pour une raison ou pour une autre, sont devenues chères à notre coeur et à nos oreilles.
Parmi mes coups de coeur de l'année, indiscutablement, une fois n'est pas coutume, un DVD en spectacle: cette prestation "live" ahurissante de Jeff Beck au Ronnie's Scott de Londres, en 2008.


Ah, Jeff Beck... vous connaissez peut-être l'histoire. Deuxième des trois lead guitarist d'exception (le premier étant Eric Clapton, le troisième Jimmy Page) à s'être développé au sein des Yardbirds (1966), mythique groupe de blues-rock anglais, Beck semblait promu à un succès commercial massif lorsqu'il forma en 1968 le Jeff Beck Group,  avec comme "frontman" un charismatique ex-joueur de soccer du nom de Rod Stewart. Mais il apparut bien vite que Beck était un guitariste beaucoup trop excentrique pour se bâtir une carrière de guitar-hero. Le départ de Rod Stewart et de Ron Wood, partis former The Faces, un grave crash en voiture et la mort tragique de Jimi Hendrix amenèrent Beck à réfléchir à ses rapports avec l'industrie et la musique. Sans oublier que la vague anglaise de hard-rock, dont Page est le point focal, le laisse complètement indifférent... Il ne voulait pas ressembler à ça... musicien jusqu'au bout des ongles, et le contraire d'un poseur.

Après un passage à l'ombre, voici Beck qui s'enferme en studio avec le producteur des Beatles George Martin et le claviériste du Mahavishnu Orchestra, Jan Hammer (futur compositeur de l'inoubliable et insupportable thème de Miami Vice), un virtuose des claviers au style absolument unique (jamais vous n'oublierez son son après l'avoir entendu). En deux ans, deux albums de jazz-rock fusion absolument remarquables refont la crédibilité artistique du magicien de la 6-cordes et l'établissent comme le guitariste des guitaristes, le virtuose que les autres regardent avec ahurissement, tant pour sa virtuosité que sa superbe indifférence au succès-à-tout-prix: les albums s'appellent Blow By Blow et Wired, et Beck ne regardera plus jamais en arrière.


La carrière de Jeff Beck s'est donc déroulée à l'abri des modes, des succès trop massifs mais aussi des descentes abyssales et stupéfiées de plusieurs de ses frères de route. Apparitions remarquables de musicien de session (écoutez-le opérer sa magie sur Lookin' For Another Pure Love de Stevie Wonder... et c'est à lui que revient la lourde tâche de faire un tant soit peu oublier David Gilmour sur le meilleur Roger Waters, Amused To Death), tournées distancées, on aurait presque pu l'oublier, le ranger dans les "has been" avec les autres anciens demi-dieux de la scène anglaise des années soixante... jusqu'à cette semaine magique au Ronnie's Scott, un petit club de jazz londonien de 250 places, dédié entièrement au jazz acoustique.

L'idée semble audacieuse à Beck lui-même, qui confie sa nervosité dans une entrevue en bonus sur le DVD, lui qui n'aime rien autant que l'anonymat. Or, l'anonymat, dans un petit club de jazz, n'existe tout simplement pas; le public est à quelques pas, et ce n'est pas le public abruti de stades de rock, dopé aux shows de lumière et aux fumigènes de toutes sortes. 

Le quotidien des jazzmen représente pour n'importe quel rocker un défi incroyable. Improviser, bâtir chaque moment de la performance sans autre appui que son âme musicale et ses partenaires de scène... ouf!
Mais évidemment, l'art du jazz, (dérivé de jase... la conversation musicale) est aussi celle de l'écoute, de la générosité, du dialogue... et à notre regard nous est livré des moments inoubliables de complicité musicale entre ce grand musicien et son groupe... d'abord, un évident coup de coeur pour la superbe jeune contrebassiste Tal Wilkenfeld; l'admiration affectueuse que lui témoigne Beck lors de ses sensuels solos (écoutez-la sur Cause We've Ended As Lovers, Stevie Wonder encore) vous remplira les veines... cette fille est "the real thing"...

Ex-membre du groupe de Sting (musicien exigeant s'il en est un), le claviériste Jason Rebello accomplit quant à lui un exploit peu commun: lui qui était un musicien strictement de piano acoustique s'éclate sous nos yeux à triturer ses claviers électriques, créant une personnification de Jan Hammer absolument confondante... Il domine le fameux Scatterbrain de l'époque Blow By Blow avec une sorte de flair dramatique unique... Autre ex-compagnon de scène de Sting, le batteur Vinnie Colaiuta est une machine à rythmes enlevant. Bref... chaque moment de la performance est un plaisir musical total.

Mais évidemment, aussi modeste et joueur d'équipe soit-il, la vedette demeure cet interprète de choc, Jeff Beck... Le regardant imprégner chaque moment de son jeu avec un évident plaisir expressif, créant sans cesse de petits moments de magie, par la sonorité, par l'enchaînement des notes, par la manière sans cesse renouvelée qu'il a de partir en déséquilibre mélodique pour toujours retomber sur ses pattes, par ces moments de pure dérèglement des sens (accord furieux, ou arpèges déchaînés à la limite supérieure de l'instrument)  entrecoupés de solis magnifiquement lyriques (Angel) , Beck se révèle d'abord et avant tout un interprète , au sens le plus noble du terme: donnant vie à des mélodies empruntées de la plume d'autres d'une manière unique; un guitariste tout simplement trop personnel dans son approche pour jouer les dieux du stade plus de quelques secondes. Au contraire, authentique jazzman, il n'est que musique, et on devine quel leader inspirant il doit être pour ses partenaires.

Quant à nous, nous sommes, grâce à la magie du DVD, des témoins privilégiés de moments musicaux qui auraient pu disparaître dans le temps.

Qu'il se lance dans un jazz-rock furieux (Scatterbrain), dans les souvenirs de son passé avec Rod Stewart (le fameux Beck's Bolero) ou dans des interprétations plus lyriques (A Day In The Life des Beatles!),le plaisir est constant. Et nous qui ne sommes pas nécessairement fanas de jazz fusion endurons avec patience la présence occasionnelle des obligatoires vedettes invitées (Joss Stone, Imogen Heap, Eric Clapton) n'attendant que le moment de retourner à l'exubérance instrumentale...

Évidemment, je vous le recommande FORTEMENT!




Life is full...

Life is full of surface noises..
- John Peel


ps pour ceux qui se demandent ce que je fabrique, et pourquoi ce blogue est si désert ces jours-ci, je suis tout simplement en train de redécouvrir ma discothèque, comme ça arrive lorsque vous achetez une nouvelle pièce d'équipement.
Le Metric Halo ULN-2 est le seul responsable.