mercredi 12 décembre 2007

Sur la platine...



C'est peut-être la rigueur scandinave et les teintes austères de ce début d'hiver aux neiges abondantes. Ou c'est peut-être le plaisir sonore d'entendre une musique dynamique, vivante, qui dépasse par ses ambitions et son travail architectural le côté plus purement expressif du jazz et de la musique rock. Mais je me paye une diète abondante de classique ces jours-ci.

[C'est peut-être aussi parce que mes nouveaux câbles de hauts-parleurs en teflon et les interconnects que tomahawk m'a passé rendent les hautes fréquences des violons beaucoup plus fréquentables que mes vieux Monster Cables. Le plaisir de la musique est indissociable du plaisir du son]

Sur la platine hier, ce vieux mage finlandais de Rautavaara. Glissandos de violons éthérés, cloches tubulaires tintibulant, arpèges de piano qui cognent dans la conscience, choweurs éthérées, chants d'oiseaux migrateurs. La musique de Rautavaara (dur de se rappeler comment l'écrire) est parfois informe et insaisissable comme une vapeur trop rare. Mais ses concertos de piano ont une jubilation que ses autres pièces n'ont pas, et ses couleurs orchestrales, magnifiquement rendues dans les enregistrements Ondine de cette compilation, composent une palette harmonique riche, mouvante, souvent émouvante, qui vous plonge dans un monde étrange, peuplés d'anges dira Rautavaara, de daemons pourrait analyser Robertson Davies.
À la fois sensuel et désincarné, si ça s'peut!



Mais les tentatives de Rautavaara pour évoquer un monde spirituel et angélique font presque figure de romantisme ésotérique lorsqu'on pose Schubert sur la platine. Parce que Schubert, syphillitique, déjà en fin de course à 29 ans, était, vers la fin de sa vie, dans une autre dimension musicale et spirituelle. Je me suis remis à écouter, après presque 10 ans de hiatus, son dernier Quatuor, le 15e, en Sol Majeur. J'ai retrouvé, intacte, cette angoisse de l'âme, ce combat entre la sérénité et l'angoisse, entre la mélodie et la dissonance, entre l'élan et le rythme brisé. C'est surnaturel, inquiétant, et comme toujours avec Schubert, plein d'une grâce mélodique surnaturelle. Les deux premiers mouvements font partie de la plus extraordinaire musique, tout genre confondus, que j'aie jamais entendu.

La version que je possède, que je chéris profondément, enregistrée au début des années '80, est du Julliard String Quartet. J'ai lu quelque part que le Julliard était un ensemble qui donnait des couleurs contemporaines au répertoire classique et des couleurs classiques au répertoire contemporain. Parlant d'un enregistrement de ce même quatuor datant des années '50, un mélomane écrivait que Schubert n'avait jamais semblé plus près de Bartok que dans cette interprétation. Dommage que l'enregistrement des disques Columbia pose comme un voile plastique sur la sonorité du violon, parce que l'interprétation est extraordinairement riche et dynamique. J'hésite à en rechercher une autre, convaincu qu'une vision plus romantique de l'oeuvre en détruirait les dimensions spirituelles. Un disque à amener sur une île déserte.


En coda, un quatuor bref, angulaire, plein de détours, de ponctuations, d'air et de pointes; on dirait un dessin cubique à l'âme inquiète. 13 minutes de bonheur sonore, enregistrées de manière parfaite, avec Shostakovich, le Quatuor no 7, tel que joué par le St Petersburg String Quartet, que j'ai découvert par le biais du Quatuor Alcan, pour lesquels je faillis faire un clip de l'oeuvre. De penser que Shostakovich, comme tant d'autres artistes russes, poussait ses cris à travers le manteau noir de la censure... Il faudrait que je fréquente plus Shostakovich, mais c'est un compositeur qui demande toutes vos facultés d'écoute. Le vrai message est là, caché derrière un certain classicisme de la forme. L'inquiétude est bien celle du dernier siècle.

mardi 6 novembre 2007

MOVIES de Holger Czukay: le chef d'oeuvre méconnu de 1979



1979 fut une année capitale de la musique populaire; une année où le rock s'est relevé en serrant le poing après avoir reçu la méchante claque du punk-rock; renversées de leur socle les icônes prétentieuses du rock progressif et du hard-rock. Pendant que Led Zeppelin termine sa course par le décevant et inutile In Through The Outdoor, les Clash, les Talking Heads (période Brian Eno) et Police accouchent de leurs chefs d'oeuvre respectifs, les London Calling, Fear Of Music et Regatta de Blanc prouvant que le rock avait à la fois du coeur au ventre, de l'énergie, du rythme et de l'imagination. Robert Fripp revampait son songwriting et livrait un disque abrasif et intelligent, Exposure, qui ramassait sur elle-même l'agressivité de Red et lui donnait à la fois la légereté et le tranchant d'une arme. Même Pink Floyd accouche d'un album essentiel, The Wall, un opéra-rock qui clôt de manière parfaite la boursoufle du rock progressif/cosmique/orchestral en mettant en scène l'aliénation insupportable entre les rock stars et leurs fans et en en dénouant l'impasse: cri du coeur existentialiste qui semble répondre au disque confessionnal par excellence, le Plastic Ono Band de John Lennon qui avait ouvert la décennie, dix ans plus tôt.

Les années qui allaient venir s'annonçaient excitantes. David Bowie était à quelques mois de sortir son excellent Scary Monsters, qui le sortait de Berlin et le remettait sur les ondes planétaires; Peter Gabriel travaillait sur sa visionnaire fusion beats africains/rock contemporain (Peter Gabriel III) et l'équipe bipolaire de Eno et des Talking Heads allaient lui répondre par l'éblouissante fusion Remain In Light.

Et quelque part en Allemagne, dans la confidentialité, travaillait un alchimiste visionnaire à l'oeuvre tellement méconnue que c'en est une honte. Holger Czukay, c'était le bassiste de cette machine à beat métronomique Krautrock, le groupe Can. Et c'était tellement plus qu'un bassiste. Étudiant de Stockhausen, assembleurs de sons de génie mais avec un sens du beat qui va avec l'emploi, il faisait déjà, dès son premier album en 1970. des collages de musique etchnique, d'enregistrements radios et de beats percutants. Écouter Boat-Woman Song aujourd'hui et apprendre que ça date de la même époque que Let It Be, c'est prendre la mesure des qualités de visionnaires de Czukay, qualités qui ne durent pas être pour rien dans l'oeuvre de Can en devenir.

En 1979 donc sort Movies de Holger Czukay, une oeuvre confidentielle, un collage de génie. Et bien avant Gabriel, ou Byrne/Eno sur My Life In The Bush Of Ghosts, on a le présage des formidables fusions musicales à venir, déjà à un niveau d'épanouissement qui surprend et laisse songeur. Comment de tels albums peuvent-ils passer sous le radar?

Quatre longues pièces; passons le Cool In The Pool, étrange bête de commercialisme et d'étrangeté qui ouvre l'album. Après, Czukay donne sa pleine mesure: le beat métronomique de Can y résonne comme un coeur qui s'emballe, des collages d'enregistrements ne cessent de se répondre dans un étrange opéra cinématographiques (qui, BTW, précédait le Friends Of Mr Cairo de Jon & Vangelis, qu'il dut en partie inspirer) et les nappes de claviers et de guitares ne cessent de s'élever et de s'effondrer, comme des geysers sonores. Mouvant comme Jeux de Debussy, avec des glissandos incessants dans les nappes harmoniques, la construction sonore se cristallise un moment pour un 6 minutes d'une formidable beauté: Persian Love réussit le pari de l'étrangeté, de la beauté et de l'émotion. Si vous ne craquez pas pour cette pièce, vous ne pourrez jamais pénétrer l'étrange monde mouvant de Holger Czukay.

Le disque passa donc inaperçu. Je fus initié par un mélomane de Sudbury en 1984, j'ai acheté l'album sitôt revenu à Québec, mais jamais je n'ai aperçu quelqu'un d'autre en possession de ce disque. Il faut dire que Czukay n'avait rien d'une rock star et que sa voix ne répondait en rien aux critères de l'interprétation. Ses plus grandes innovations sont passées par la suite dans le vocabulaire musical, et plusieurs têtes chercheuses ont travaillé avec lui , dont David Sylvian, avec qui il réalisa en duo de sombres disques de musique électronique. Mais le monde sonore de Movies demeurait inimitable; il fallut un autre disque de Czukay, moins envoûtant mais tout aussi intéressant, Good Morning Story, en 1999, pour ré-entendre le monde fusionnel passionnant du bassiste.

À noter que la réédition remasterée sur CD Mute est exemplaire au niveau sonore.

Holger Czukay. Movies. 1979
Sur étiquette Mute.

lundi 29 octobre 2007

Le LOUDNESS WAR: un organisme à la défense de la qualité du son

... pour ceux qui ne sont pas au courant....
votre hobby (le hifi) est menacé non pas par les ponctions fiscales du gouvernement ou par le réchauffement climatique (qui pourraient rendre les tubes gênant un jour), mais bien par les COMPAGNIES DE DISQUES
Mais un organisme vient de voir le jour et se porte à la défense des artistes et des amateurs de hi-fi:
TURN IT UP, BRINGING DYNAMICS BACK TO MUSIC

Regardez le brillant petit vidéo didactif qui explique le loudness war:




Le Gala de Félix: célébration de l'immobilisme

Je suis sans doute grincheux, mais le gala des Félix m'a semblé le reflet d'une industrie qui tarde à se renouveler et qui a besoin d'un bon coup de pied au c...

Isabelle Boulay est charmante et les Aïeux infiniment sympathiques, mais malgré tout l'amour que l'on peut porter à Claude Dubois, il est symptomatique que le Félix du meilleur disque pop-rock de l'année soit allé à un disque de reprises.

Peut-être que si l'ADISQ organisait un gala pour célébrer la meilleure musique québécoise plutôt qu'une séance d'auto-congratulation entre membres, peut-être qu'il y aurait beaucoup plus d'électricité dans l'air. S'il s'était mesuré aux Rufus Wainwright, Arcade Fire, Wolf Parade, Martha Wainwright, The Dears et autres suberbes artistes anglophones de chez-nous, je crois que Daniel Bélanger se serait départi de son air blasé en allant chercher ses trophées. Et avec raison. Qu'on le veuille ou non, nos Anglos ont créé ces dernières années des oeuvres musicales dont le rayonnement dépasse nos frontières. Le monde entier sait qu'il y a un fort courant novateur à Montréal. Malheureusement, les gens de l'ADISQ ne sont pas encore au courant.

dimanche 28 octobre 2007

Mon disque de la semaine: la réédition de Caravan de Art Blakey et les Jazz messengers

Vous aimez le hard-bop? Est-ce que quelqu'un n'aime pas le hard-bop! Mélange explosif de viruosité jazz, de swing, de beat tribal, de soul, de blues... Le hard-bop est au jazz ce que le classic rock est au rock: son incarnation la plus carnivore (?). Payez-vous une bonne tranche du hard-bop à son meilleur avec...



Le remaster 24-bits de Joe Tarantino de Caravan de Art Blakey et ses Jazz Messengers est explosif à souhait. Quel disque! Quelle fougue! Freddie Hubbard à la trompette, un tout jeune Wayne Shorter au saxo (très dynamique, avec du Coltrane dans le nez) et le trombone Curtis Fuller ont réchauffé les tubes de mon ampli et m'en ont mis plein les oreilles, propulsés par le drum de Blakey et sa pulsation à la fois sauvage et suave.

Au menu, deux originaux de Wayne Shorter, des thèmes accrocheurs qui nous rappellent qu'à la base, le hard-bop était une musique populaire; trois standards, dont Caravan, de Duke Ellington, qui donne beaucoup d'espace à Blakey, mais aussi deux ballades pleines de sentiments, In The Wee Small Hours of the Morning (prépondérance donnée au trombone de Fuller) et Skylark, où c'est la trompette de Hubbard qui prend (magnifiquement) l'avant-scène; le disque se conclut sur un autre titre original, et un de mes airs de hard-bop préféré, Thermo de Hubbard, très bien nommé, un 7 minutes de combustion rapide.

Ce remaster (de la série Keepnews Collection, du nom du producteur original, avec anecdotes à la clé dans le livret) est une réussite, et si tous les items de la Keepnews Collection ont cette gueule, il y a de quoi se faire une jolie petite collection de hard-bop à un prix vraiment pas cher. Je vous le recommance très fortement!

Autres items de la Keepnews Collection:
Full House de Wes Montgomery
Power to the People de Joe Henderson
In San Francisco du Cannonball Adderley Quintet
Chet de Chet Baker
Everybody Digs Bill Evans de Bill Evans

samedi 27 octobre 2007

Reverb digital vs reverb analogue: on s'ennuie des années '70



Expérience d'écoute tout à fait singulière hier soir:

- d'abord, L.A. WOMAN, le dernier disque des Doors, 1970, édition DCC. Les Doors ont fini leur course en beauté avec ce disque inquiet et décadent, nourri de blues et qui se conclut sur l'éthéré Riders on the Storm. Une écoute captivante, "involving", émouvante, où on perçoit très bien dans l'interprétation de Jim Morrison son déclin physique qui s'accélère. Sa belle voix de basse casse de plus en plus; c'est un disque qui permet aux autres musiciens des Doors d'arracher un peu du spotlight. Le son est immédiat, chaud, plein...



- je switche à Nothing Like The Sun de Sting, 1987, édition MFSL. Écoutez j'adore ce disque: les musiciens sont écoeurants et Sting atteint des sommets dans son écriture et dans la richesse des arrangements. Mais mais mais... bon sang... ce disque-étalon de la musique enregistrée DDD des années '80 ne tient pas la route, soniquement, tellement que ça en fait pitié.



Le saxophone de Branford Marsalis doit franchir des murs de digital processing, de reverb artificiel et de je ne sais quoi encore pour se rendre jusqu'à moi; les choeurs semblent s'être réfugiés dans une autre pièce, le snare sonne affreusement synthétique et il n'y a pas d'air entre les instruments... C'est beau, c'est parfait et c'est aussi inanimé qu'un galet sur la plage.

Pour moi, de juxtaposer ces deux disques qui, tous deux, présentent des musiciens au sommet de leur art dans des éditions audiophiles est une illustration sonore presque choquante de la perversité cachée des progrès technologiques.

mardi 16 octobre 2007

Dr House, Thelenious Monk , même combat

J'ai trouvé l'équivalent télévisuel de Thelenious Monk. Dr House. Absolument indispensable à l'esprit moderne! Humour oblique, esprit logique et une drôle de tronche!

Au fait, vous avez remarqué les trop beaux joujoux de House? J'ai cherché sur un site quelqu'un qui pourrait nous dire quelles sont ses goûts audiophiles. J'ai trouvé ceci:

Une table tournante Sota Cosmos, des hauts-parleurs Bella Luna de Dueval (Allemagne), ampli Thor Audio... avec aussi un Joule Electra à la maison...


Enfin un audiophile à la télévision!

29 novembre 1957



Ça se passait le 29 novembre 1957 au Canergie Hall.
Combien seriez-vous prêts à payer pour avoir une machine à remonter dans le temps???

Blue train de JOHN COLTRANE: une écoute frustrante (VIVE LE MONO)


Blue Train est considéré, semble-t-il, comme le premier chef d'oeuvre de John Coltrane comme leader. Enregistré en 1957, c'est à dire immédiatement après avoir résolu ses problèmes d'héroïne, qui lui ont valu son expulsion du quintette de Miles Davis, à l'aube d'un 10 ans de créativité folle.

J'adore Coltrane. S'il était gourou, je communierais à son église. J'étais donc curieux d'entendre le disque pour la première fois. Il y a tant à découvrir en jazz. Aujourd'hui, je me donnais Coltrane. Version Mobile Fidelity, donc audiophile. Rien de moins.

Quelle déception! Pas la musique: c'est du hard-bop à son meilleur, et la pièce-titre est un thème typique du Coltrane à ses débuts comme leader: soul, chaleureux, irrésistible. Mais dans un souci délirant de netteté hi-fi, les gens de Mofi ont décidé d'opérer une stricte séparation stéréo entre les éléments: saxo, trompette, trombone et piano, à gauche tous; basse et batterie à droite. Pas de bavures entre les deux.

On a cette image bizarre en l'écoutant: on voit les trois souffleurs et le pianiste, coincés dans une boîte à sardines transparente à gauche, empilés les uns sur les autres pendant que le bassiste et le batteur, tout à leur aise, rigolent à droite en les regardant. On croirait entendre ces faux-disques stéréo des Beatles de leurs débuts, alors que les ingénieurs de Capitol ruinaient les mixages de George Martin pour faire plus "moderne".

C'est un enregistrement de 1957! Donnez-nous un mono bien mixé!

Je n'ai pas enduré deux pièces. J'ai été mettre Coltrane et Monk en concert. Même année, 1957. C'est mono, c'est lo-fi, mais ça swinge!


PREMIÈRE MISE À JOUR

Lorsque je veux pallier à mon ignorance crasse, je vais trainer dans le forum de Steve Hoffman, c'est le meilleur moyen d'apprendre le degré vertigineux de notre ignorance.

J'ai accusé Mobile Fidelity d'avoir ruiné mon écoute de Blue Train à tort. Le hard-pan qui consiste à localiser les instruments sur des canaux nettement séparés était une pratique courante dans les enregistrement jazz, fin des années '50.

Il semblerait que dans le cas de Blue Train, les bandes maitresses mono sont insurpassables, et que la version stéréo, sortie quelques années plus tard, fut "reprocessé" par l'ingénieur de son de l'époque, Rudy van Gelder, qui préférait adoucir le côté harsh de sa prise de son, en fabriquant un EQ dub (copie "égalisée").

Voici ce que Steve Hoffman, qui a eu accès aux bandes maîtresses pour ses sorties audiophiles 45-tours, avait à révéler dans ce fil de discussion:

As I've said many times, the MONO tape is the best sounding of all. Too bad no one will ever hear it on digital. Why, because it's mono.

Q: I've never heard the mono, Steve. What makes it special - was it a seperate "live" mix?

Well, the two-track "master" is an EQ dub copy with processing. The mono master is a first generation tape.

Q: Rudy didn't make a futzed-with "master" afterwards for the mono, only for the stereo

I guess because the original mono tape was used to make the LP back in 1957. Standard Van Gelder. The "twin-track" version probably sat on Rudy's shelf until years later when they wanted to do a stereo version of it. Rudy probably thought the original tape was too raw and too wide so he did a "mix" from the twin-track with extra EQ, compression, etc. Pretty good sounding but nothing like the mono.
Question: Mobile Fidelity a-t-il opéré à partir du master stéréo, ou du EQ dub utilisé pour les premiers longs jeux stéréo?


DEUXIÈME MISE À JOUR

Steve Hoffman, commentant les versions mono/stéréo de "Blue Train"
It's the same mix, just split. Actually the stereo tape feed sounds better, less distortion and compression. His mono Ampex always sounds to me like the recording head was warn to the nub by this recording date..

So, to crave the mono version of this album? To me, pointless. If you want mono, combine the channels; you will get more dynamic music, less distortion and less echo than the actual mono version from the mono tape.

TROISIÈME MISE À JOUR (22 octobre 07)

Studio de RVG, Englewood, 1960

Bon... Nouvelle journée, nouvelle version de l'histoire. Hoffman, qui est en train de préparer la sortie d'une série de disques vinyle Blue Note des années '50 a partagé ses impressions sur les masters tapes, les méthodes d'enregistrement de Rudy VG et la rage "mono" qui fait grimper les prix des disques mono Blue Note à des niveaux stratosphériques sur E-Bay.

"Engineer Rudy usually has carefully split a band with a horn on the left and a reed on the right, bass and piano in the middle and drums on the right with a nice bleed through to the middle and thick, swirling stereo reverb that encircles the band in a 360 degree angle. This was not done in a haphazard fashion; it was done in a delicate, deliberate manner, well thought out and well balanced for the best stereo impact...

Don't believe the legend, believe the tapes. Trust Steve on this...

As I wrote in the other thread and as I keep trying to explain to the folks, certain cues are lost when RVG stereo tapes are folded down to mono. Also, all of the out of phase information that occurs when recording live CANCEL OUT in L+R mono. They vanish, poof! Nobody knows this more than RVG himself. The monos were good enough for a 1961 Webcor phonograph but just because that sound was a compromise back then doesn't mean we are stuck with it now. The actual stereo (binaural) tapes reveal a sonic panorama "time machine" back to the past. We are lucky to have such a clear record of such amazing music.

If you must hear it in mono, get a double Y chord and combine the channels of your turntable to L+R. Problem solved. But don't gyp yourself and miss out on the fantastic lifelike stereo image that RVG created; it's quite wonderful for that time (or any time)".
Alors, Blue Train, version Mobile Fidelity?
S'agit-il de EQ dub ou de bandes stéréo de 1ère génération?
La version mono, qui n'existe pas commercialement, est-elle la meilleur, soniquement parlant, ou provient-elle de bandes stéréos réunies, avec tous les problèmes mentionnés plus haut?

À force d'user le soleil, on en oublie la musique. Alors je vais me contenter de gentiment "tilter" mes Nirvana vers ma chaise d'écoute, de me caler dans le soft spot et d'en profiter! Au diable le reste!

(Ah! Divin! Et quelle qualité sonore! Finalement, en stéréo, c'est très bien, très très bien. Bien que... ce trombone ne vous sonne pas étrangement doux... EQ dub????? Aaaargghh...)



RVG et sa Scully


Les différentes versions de Blue Train de Coltrane en vente:

  • la réédition, dans la série des remasters RVG qui, paraît-il, est pénible par ses choix EQ
  • the Ultimate Blue Train en CD, avec prises alternativces et contenu multimédia. Apparememnnt une amélioration sur le RVG. Possiblement discontinué.
  • une édition vinyle stéréo de Blue Note, 11$... à éviter
  • une édition vinyle stéréo 200 g de Classic Records, 30$
  • une édition vinyle mono 200g de Classic records, 30$
  • une édition SACD stéréo de Blue Note, 16$, à éviter à cause d'un EQ "brillant"
  • une édition HDAD stéréo de Classic Records, (24/92 et 24/192), 20$, très bonne paraît-il
  • une édition vinyle 45-tours stéréo de Classic Records, 50$!!!, ultime version actuelle semble-t-il
ADDENDUM (6 février 2009)
La version SACD de Analogue Productions, masterée par Steve Hoffman et Keivn Gray, ets maintenant sortie et s'imposerait comme la version digitale de référence.
Commentaires ici...

lundi 15 octobre 2007

THELENIOUS MONK QUARTET with JOHN COLTRANE


L'histoire commence en octobre 1956. Le quintette de Miles Davis est à son sommet, les quatre enregistrements Prestige qui vont assurer leur perrénité dans le panthéon jazz (Workin', Steamin', Relaxin' Workin' with the Miles Davis Quintet) sont enregistrés... Mais malgré l'équilibre exemplaire musical de la formation, tout ne va pas pour le mieux à l'interne: le bouillant saxophoniste ténor, si contesté par certains, mais défendu par Miles, John Coltrane, est un drogué.

Un soir d'octobre, après un concert, Miles frappe son jeune protégé; le pianiste iconoclaste et grand-prêtre du bebop, Thelenious Monk assiste à la scène et s'offusque; il offre immédiatement un emploi à Trane. Ce ne fut pas pour tout de suite. Mais ce serait pour bientôt.

Peu après, Davis dissous son quintette; Coltrane rentre chez lui, il chasse ses démons à la manière la plus difficile (cold turkey) et se lance dans une débauche de répétitions, un workaholisme forcené, qu'il accompagne d'un spiritualisme retrouvé.

En avril, il rejoint Thelenious Monk. Et apprend peu à peu, dans son appartement, le répertoire étrange, irrésistible, du plus excentrique compositeur de thèmes des fifties.

Monk. Le nom est étrange; la musique est irrésisitible. Mais elle avance bizarrement, à coups de sauts de puce; en cassant les dégradés tonaux; diffractant la tonalité; si le terme cubisme évoque quelque chose en jazz, ça pourrait référer à Monk. Si loin du blues chaleureux, incandescent, qui sous-tend la musique de Coltrane, et tout le mouvement du hard-bop auquel on l'associe.

Monk est angulaire, il avance selon une logique oblique, la sienne; il est au jazz ce que les Talking Heads sont au rock; une sorte de manière d'avancer de côté, la gueule souriante et avec une sorte d'intelligence d'enfant et un swing d'enfer. Il faut l'entendre jouer du piano: ces espèces d'anti-solos brusques et déréglés.

Si Miles et Trane sont la glace et le feu, Sphere Monk serait un cube de glace fondant dans un alcool raffiné, et qui tangue à la surface.

Coltrane vit donc sa renaissance, en 1957, nouvellement libéré du joug de l'héro, ayant redécouvert Dieu et un partenaire moins rigide, plus généreux en la personne de Sphere Monk. Et un soir de 1957, le thelenious monk quartet, avec John Coltrane à l'avant-plan, se produit au Canergie Hall.

C'est cet enregistrement qui a été redécouvert par miracle dans les voûtes de la Librairie du Congrès il y a deux ou trois ans, et qui a été réédité par Blue Note, remportant tous les polls de rééditions de l'année.

It's a gas, comme disent les Anglos. En six mois, Coltrane a assimilé la musique de Monk et peut maintenant la porter avec sa puissance de souffle si caractéristique; c'est encore un Trane première manière, celui qui fait des sheets of sounds comme disait un certain critique; des trombes d'arpèges qui coulent autour de la tonalité, en en épuisant toutes les possibilités, mais sans jamais perdre le thème de vue, mais sans jamais en être l'esclave; et dans le cas de Monk, on sait ce que valent ces thèmes: surprenants, et inoubliables à la fois. Seul cuivre, il porte le poids de l'expression mélodique.

Derrière lui, Monk est le même pianiste que d'habitude: saccadé, traçant sa ligne dans des silences soudainement heurtés par un accord plaqué. Moi je le trouve fatigant comme pianiste, Monk. Mais Dieu que sa musique est allumante. Et avec Trane en avant, qui la triture, il y a de quoi balancer de la tête. Et puis, il y a ce drummer, Shadow Wilson, pas sûr qu'il ait survécu à son époque, mais enfin il mène le train avec fougue et il est bien enregistré.

Deux sets, neuf pièces, un témoignage d'époque. Miles Davis va vite récupérer le prodige et ensemble ils enregistreront bientôt l'ultime chef d'oeuvre des fifties, Kind Of Blue. En attendant, Trane aura eu une liaison courte et intense avec un être étrange. Thelenious Monk.

Thelenious Monk Quartet with John Coltrane at Canergie Hall.

Blue Note. 2005. 0946 3 35173 2 5

mercredi 10 octobre 2007

En rotation... Radiohead, The Doors, Sonny Rollins

Pour ces premières vraies nuits d'automne, en rotation sérieuse...


Radiohead. In Rainbows.

La planète audiophile s'est donné rendez-vous aux petites heures de la nuit sur le site Web de Radiohead, pour le lancement Internet le plus attendu de l'histoire: In Rainbows vient de naître.. Au-delà de l'approche "pay what you want" et de la déception généralisée lorsqu'on a réalisé que les MP3 distribués sur le site ne pesaient que 160 kb/s, le lancement d'un album de Radiohead demeure une affaire sérieuse pour tous les amateurs de rock. Surtout après 4 ans d'attente.

10 pièces, tout juste 42 minutes: on se croirait revenu au temps du vinyle. Radiohead a vieilli et a maturé. Une sorte de majesté sereine a succédé à l'angoisse paranoïaque distillée à plein volume dans Hail To The Thief, leur précédent opus. 10 vraies chansons, pourrait-on ajouter, 10 performances du band dans son ensemble; pas de bidouillage électronique, de sculpture sonore abstraite, d'explorations auditives binaires. C'est l'album le plus immédiatement engageant, au niveau mélodique, du groupe depuis leur second, celui qui les a révélé à la planète rock, The Bends.

Comme le mentionnait un internaute du forum de Steve Hoffman, c'est comme si le groupe recommettait The bends, mais avec la palette sonore étendue par l'expérience des 4 derniers albums, 4 chefs d'oeuvres quant à moi.

La voix de Thom Yorke demeure émouvante de cette espèce de vulnérabilité d'ado halluciné; mais plus que jamais il en contrôle la musicalité.

Seule déception: pour la première fois depuis OK Computer, le groupe ne défriche aucun monde nouveau; explorant des planètes familières, le dernier Radiohead plaît immédiatement, ce qui n'est pas nécessairement leur norme. Le disque se fichera-t-il aussi profondément dans la peau que les autres? Aura-t-on envie de commander le package de luxe (2 CDs, 2 vinyles, 1 booklet) en décembre, après l'avoir écouté en boucle pendant six semaines?



The Doors - The Doors (1967)

1967 fut une année-charnière dans l'histoire du rock, dans l'histoire de la contre-culture, dans l'histoire de la jeunesse contemporaine. Une année qui a vu les Beatles produire deux albums-kaléidoscopes qui ont changé notre conception de l'album, comme entité artistique (Sgt Peppers, Magical Mystery Tour); qui a vu l'entrée en scène, avec deux albums lui aussi, d'un alchimiste de la 6-cordes qui entamait un spectaculaire et trop bref parcours, Jimi Hendrix.
Cream
atteignait son sommet avec Disraeli Gears, Pink Floyd se lançait en orbite, encore illuminé par le génie psychédélique de Syd Barrett; le Velvet Underground lançait sa banane à la figure du art-rock. Non, vraiment, 1967 fut une année comme le rock n'en a plus jamais connu. Une véritable révolution.

Et puis, il y eut l'apparition d'un autre météore: Jim Morrison et les Doors ouvraient les portes de la perception, à grand renforts de LSD, de mysticisme primitif, de références à la spiritualité indienne. Des textes qui sentaient le sable, le désert nu et brûlant, l'alcool et la douleur de vivre, le sexe et la mort; une voix chaude de ténor qui vous hypnotisait, sur les arabesques dessinées par Manzarek aux claviers. Les Doors avaient un son inoubliable, une naïveté décadente et une pulsation de mort qui évoquent Rimbaud, mais un Rimbaud marchant d'un pas dansant et halluciné sur les traces du rock et du blues le plus graveleux.

J'ai vu pour la première fois la semaine dernière le film The Doors de Oliver Stone, avec Van Kilmer qui, avec panache, resssuscite le roi-lézard dans toute sa fougue délinquante. Difficile de ne pas ressentir d'empathie pour ce gosse pourri de talent, arrogant à l'exême, qui ne cherche qu'à en finir avec la vie, mais le fait avec un tel art de la bacchanale, un tel panache, que l'on ne peut que le suivre, qu'admirer, même en sachant de quelle désolante façon l'épopée de Morrison va finir.

The Doors, le premier album, version DCC (pour plus de chaleur analogique) ou version remasterée 1999 (pour plus de verdeur) n'a rien perdu de son pouvoir incantatoire. Chaque pièce déballant son théâtre noir, avec détours par la comédie musicale bauhaus (formidable version du classique de Kurt Weill, Alabama Song) et le blues (Back Door Man) jusqu'à l'explosion violente de The End ("We want the world and we want it now!"), qui depuis Apocalypse Now de Coppola représente mieux qu'aucune autre pièce l'autre versant du rêve hippie: le désespoir d'une génération ayant enclanché son processus d'auto-destruction.

La sortie de Strange Days, à peine 9 mois plus tard, et à peine moins mémorable, confirmait que l'année 1967 n'appartenait pas qu'aux Beatles et à Hendrix. Les Doors venaient de graver leur nom dans la pierre (tombale) du mouvement hippie.

(À noter qu'une version remixée et multi-channel, et corrigeant une historique erreur de vitesse de déroulement de bande est sortie cette année, dans le coffret Perception, oeuvre de l'ingénieur de son d'origine, Bruce Botnick. Très curieux d'entendre cet album glauque et incantatoire en vitesse accélérée! Et la version mono sera rééditée en vinyle d'ici la fin de l'année 2007)




Sonny Rollins. Saxophone Colossus. 1956.
Prestige (OJC), mastering de 1988. OJCCD-291.

Depuis que j'ai lu quelque part que la série de CD Prestige OJC (Original Jazz Classics) des années '80 valaient leur pesant d'or au point de vue sonore, je les traque chez les disquaires usagés; j'ai renoncé à remplacer mes anciennes éditions par des versions remasterées, parfois SACD et ne m'en porte que mieux.

L'attrait des nouveautés technologiques peut être trompeur. Mon SACD asiatique de Waltz for Debby (Bill Evans) a beau donner une plus belle présence à la contrebasse de Scott LaFaro et étendre la plage de fréquences, le piano d'Evans n'a pas le punch, le mordant, la vivacité caractéristique de mon vieux OJC, que je pensais vendre, et auquel je suis plus attaché que jamais. Je ressors mes vieux Chet, Sonny Rollins, Bill Evans et autres poussiéreux albums mal séquencés et redécouvre leur indéniable punch, révélé par mon nouvel ampli à tubes Atma-Sphere, qui s'impose de plus en plus comme le plus beau cadeau d'audiophile que je me suis jamais fait (merci André, où que tu soies, je bois à ta santé et m'enivre de sons grâce à toi).

Bref, aujourd'hui, traînant dans les merveilleux rayons de jazz de la Bouquinerie, rue Mont-Royal, je tombe sur un disque que j'ai eu en vinyle, mais que je n'ai jamais pu apprécier à sa juste portée, et qui justement porte le label OJC dans ce pressing de 1987: Saxophone Collosus, de Sonny Rollins, l'album qui a imposé en 1956 le jeune ténor comme l'incarnation virile du bop, comme Coleman Hawkins avait été celle du swing, vingt ans auparavant. De retour à la maison, je le met immédiatement dans la platine. Et ça part...

Le son. le son, les amis. Le saxo de Rollins qui gicle des torrents de swing viril au micro, comme si on y était. Un son mono, avec tout ce que ça peut supposer de punch, de dynamique, de focus. Avec de brusques irruptions des peaux martelées par Max Roach, dont le style se marie si bien à celui de Rollins. Dur de décrire le son de Rollins: un son dur, ouvert, incisif, bon, oui, viril, mais aérien, genre joueur de rue sur-dynamité, mais avec quelque chose aussi de l'élégance racée de Lester Young. On est à mille lieux des transes spirituelles de Coltrane, le ténor de demain, qui va bientôt attirer sur lui toute l'attention. Pour l'heure, c'est Rollins le jeune maître, et ce disque est de la dynamite, de l'art tout en puissance. Et au soutien harmonique, comme en contre-point stylistique, le style élégant, raffiné, de Tommy Flanagon au piano, un homme qui découpe le temps au ciseau, ayant l'élégance de ne jamais se presser, et qui réussit à swinger en même temps.

5 pièces qu'on écoute très très fort.


jeudi 27 septembre 2007

Dave Douglas: Charmes de l'automne et de la nuit

Ça y est. Le ciel, déjà noir, à 7 heures du soir. Il a beau faire 29, on sait que les oies tirent un courant d'air froid dans leur sillage. L'automne descend tranquillement sur nous. On rentre dans les tanières. Nos biorythmes ralentissent. La torpeur des soirées devient telle qu'il est inutile de la combattre. On passe à un autre beat. Et à une autre musique.

Charms of the Night Sky, de Dave Douglas et Garden of Eden de Paul Motian sont mes deux favoris de ce début d'automne. Les noms des leaders évoquent le jazz, à son plus haut niveau. Mais ce n'est pas du jazz. Parlons plutôt d'une musique post-bop, ou même no-bop. Ce sont des ambiances, ciselées par l'improvisation, mais riches d'une palette tonale qui renvoie à un autre univers que le jazz. Plutôt des bandes sonores composées par des musiciens hors-pair, comme des toiles impressionnistes. Oubliez le sacrosaint swing jazz: on est dans le domaine de la peinture abstraite: formes, tonalités, couleurs s'unissant selon des combinaisons innattendues, comme dans certains pièces sinueuses de Debussy.



Dave Douglas est un trompettiste qui top les polls jazz depuis quelques années. Mais je ne le connais que pour ce disque tout à fait particulier, entendu un dimanche entre 23h et minuit, à l'émission de Languirard. Charmes de la nuit nocturne. C'est bien de cela qu'il s'agit: une trompette élégiaque (mais attention, jamais sentimentale ou sirupeuse), au phrasé qui force l'attention, comme la mélodie étrange d'un oiseau nocturne qu'on entend pour la première fois: Douglas est un virtuose, ça s'entend tout de suite, mais sa virtuosité est tout à fait au service de son délire musical, de l'ambiance qu'il veut nous faire partager: des paysages sonores singuliers à l'instrumentation étrange: pas de batterie, pas de piano, mais plutôt comme support harmonique l'accordéon de Guy Klucevsek, à la palette extrêmement riche (oubliez le bal musette, on est dans un autre monde, très Europe centrale, gares de train, gypsies, prairies brûlant la nuit, cérémonies religieuse, musique klezmer). Et de temps en temps, en prime, un violoniste à la sonorité exquise, Mark Feldman, qui compose des solos absolument lumineux. Un peu de contrebasse (Greg Cohen) et vous obtenez un aéropage de haut niveau, sur des mélopées envoûtantes, dans une prise de son très détaillée aux timbres très vivants, d'une jeune étiquette de disques allemande, Winter & Winter (avec peut-être un léger manque de profondeur de soundstage, surtout lorsque violon, accordéon et trompette jouent dans les mêmes registres)... La pièce-titre, Dance In Thy Soul (for Charlie Haden), The Girl With The Rose Hips et Twisted sont les meilleurs titres d'un disque douloureusement et agréablement automnal.

Je reviendrai à Paul Motian plus tard.

Dave Douglas. Charms of the Night Sky. 1998.
Winter & Winter.

dimanche 23 septembre 2007

Yes - Fragile



Yes, Fragile. Le genre d'albums qu'on a écouté à mort dans notre adolescence, mais qu'on ne ressort pour ainsi dire jamais. À moins d'être dans ce mood. Le mood de se faire marteler par ce trio d'attaquant véloces, précis, efficaces: Steve Howe, Bill Bruford, Chris Squire.

Yes ne donnait pas encore dans les longues suites conceptuelles. Yes passait encore dans les radios AM (Roundabout)! Jon Anderson n'était pas encore un concept ésotérique. Yes torchait simplement des pièces progressives parfaites, courtes, ramassées sur elles-mêmes, diablement efficaces, propulsées par la batterie de Bruford (Bruford est tout simplement génial à écouter), cardio-infusées par la basse sèche et puissante de Squire et allumées par cet espèce d'alchimiste à la fois agressif et céleste, Steve Howe, et sa six-cordes. Ajoutez à cela cet espèce d'instinct pop et cette voix remarquablement aérienne de Jon Anderson. Yes avait un son à nul autre pareille. Quand ils atteignaient le niveau de densité créatrice de South Side of the Sky, ils se posaient en égal de King Crimson. Oui oui!



Bien sûr, j'oublie Rick Wakeman. M'énerve. Virtusose, magnifiquement à sa place quand il la garde, sa place. Mais avec une tendance innée, énervante, à faire du flash quand la musique n'en demandait pas tant. Comme une fille qui bat des paupières, là, en en oubliant les choses sérieuses. M'énerve. Mais quel talent quand il s'y met.

Fragile, c'est d'abord quatre pièces écoeurantes à souhait de beat, de mood, de virtuosité (Roundabout, South Side of the Sky, Long Distance Runaround, Heart of the Sunrise), entourées de cinq pièces bouche-trou (une par musicien), du plus dispensable (un Brahms massacré par un Wakeman qui se prend pour Wendy Carlos) au plus efficace (Fish, de Squire, un petit fragment instrumental qui ressemble plus à un coda à Long Distance Runaround), avec en prime une petite merveille acoustique au mood hispanophone de Steve Howe (Mood For A Day).

Fragile, c'est un Yes ramassé sur lui-même, le poing fermé, qui se prépare à libérer une formidable énergie créatrice sur son album suivant, leur meilleur selon un paquet de monde: Close to the Edge. Un apéro qui cogne.

Que j'aimerais entendre la version vinyle concoctée par Steve Hoffamn. En attendant, la version gold CD de Mobile Fidelity fera très bien l'affaire. Elle ne manque pas de coeur.

Yes. Fragile. 1973.
Jon Anderson. Steve Howe. Rick Wakeman. Chris Squire. Bill Bruford.

vendredi 21 septembre 2007

Gidon Kremer & la Chaconne de Bach


Je venais de passer une bonne heure en compagnie de Bach, sous les doigts de Glenn Gould. Une compilation française qui enchaîne les Inventions, Suites, Variations et extraits du Clavier Bien Tempéré, avant de culminer sur une magnifique Toccata (BWV 915, pour ceux qui ont la mémoire des chiffres)... Énergisé par Gould, avec l'envie de construire des cités sur des piliers d'une mathématique efficacité, je n'en avais pas assez; j'eus soudain soif de mettre un peu de lyrisme dans la musique du Maître de Chapelle allemand... d'échapper à la percussive logique percussive du pianiste torontois... je suis tombé sur les Partitas et Sonates pour Violon Seul, interprétées par Gidon Kremer, étiquette ECM.

http://audioatrium.com/w/images/3/3e/KremerGidonBachJohannSe3328775_f.jpg

Deuxième disque, seconde partita, 5e plage: l'apothéose du violon baroque: la Chaconne. C'est la Chaconne de Bach qui m'a amené à JS, un soir, dans la salle des Médias de l'université Concordia, dans la spirale enivrante des notes que j'ai senti le tourbillon de passions dissimulées par le Maître dans chaque page de ses exercices et oeuvres de fonction. La Chaconne de Bach, c'est un voyage dans ce que la musique a de plus viscéral: l'expression de l'expérience humaine, tumultueuse, émotive, mais animée d'une pulsion de vie, de construction. Intelligente, mathématique, et passionnée.

Gidon Kremer. Pas votre violoniste blafard en queue-de-pie qui déroule les notes avec une souffrance de tuberculeux; plutôt une sorte de démiurge, de tzigane échappé de sa caravane et qui habite les pièces avec un plaisir sensuel. Je ne sais pas ce que les traditionnalistes du classique en pensent. Mais on ne s'ennuie jamais, à écouter un disque de Gidon Kremer.

La piste commence. L'intro est grinçante comme une ballade tzigane, l'archet frotte rugueusement sur les cordes, et j'ai peur pour un moment que le romantisme caché derrière Bach soit exacerbé; mais Kremer recule de quelques pas, laisse les notes se réverbérer avec une douceur lumineuse, il se met à jouer des tempi, accélérant, décélérant sans cesse, et soudainement, c'est comme s'il prenait sa voix la plus lumineuse pour raconter une histoire infiniment complexe, et douloureuse, mais aussi belle et émouvante. Il n'arrache pas notre attention à coups d'archets saccadés, ni ne force la note mathématique: c'est avec l'art consommé du conteur qu'il garde notre attention, ne laissant jamais les notes orphelines de sens; je veux dire que les notes ne sont pas seulement un chapelet de notes, comme parfois avec Bach; elles sont plutôt comme les mots d'un poème, et Kremer chante le poème avec le naturel, le rythme de celui qui est sûr que l'histoire qu'il raconte est saprement belle, et qu'il n'a qu'à la laisser s'épanouir par sa voix.

Et puis, bien sûr, il y a l'enregistrement ECM. Qui est devenu mélomane dans les années '70 garde forcément un "soft spot" dans son coeur pour l'étiquette allemande, qui a donné à tant de grands musiciens sans grand "appeal" commercial la possibilité d'endisquer dans le respect de leur art et dans une acoustique magnifique. Keith Jarrett, Eberhard Weber, John Surman, Metheny, Abercrombie, Jan Garbarek et tant d'autres. ECM n'a cessé d'élargir ses horizons; les disques d'Arvo Part de la série New Series ont amené plus d'un mélomane à écouter pour la première fois de la musique contemporaine. Ce disque sonne donc, évidemment, très bien. À mon goût très personnel, peut-être la salle, où. semble-t-il, Kremer tient un festival, a-t-elle un peu trop de réverbation. J'aime sentir le coeur d'un instrument, je me sens par moments un peu loin du musicien. Spectateur poliment assis à la 10e rangée, alors que j'aimerais sentir l'archet me frôler la peau. Mais quand Kremer laisse glisser une note et que l'acoustique de la pièce charge de miroitements acoustiques l'écair sonore... ah! c'est très beau.

Les Trois Partias et les trois Sonates sont toutes magnifiques: dansantes, chargées émotivement, et animées de cette pulsation qui rend si puissante la musique de Bach. Pas une seule note d'ennui. Nul doute que le reste du disque est à la hauteur de la Chaconne. Fermez les lumières. Chauffez les tubes. Partez.

Gidon Kremer.
Johann Sebastian Bach. The Sonatas and Partitas for Violin Solo.
2 CDs. ECM New Series 1926 Enregistré en 2002.

samedi 15 septembre 2007

1965. OTIS REDDING - Otis Blue - Otis Redding Sings Soul

(2e article d'une série couvrant les années 1964 à 2007)

Voici le disque de l'insomnie, voici la voix noir vinyle et les cuivres rutilants et apaisants à la fois qui vous cueillent au plus sombre de la nuit, alors que vous hésitez entre un expresso bien tassé ou un Scoth bien ambré. Vous hésitez entre l'envie de danser ou de vous allonger, et la voix de Redding résonne: Ole-Man Trouble...



Otis Redding habite le soul comme personne. Il n'a pas la voix de velours de Sam Cooke, le charisme ahurissant de Ray Charles ou l'énergie sexuelle de James Brown, mais son soul est patiné d'un blues profond qui vous attrape l'âme et la plonge dans l'eau noire des souvenirs. Voix rauque, expressive, cuivres qui jettent comme des éclairs lumineux sur les airs mélancoliques ou dansants. Il est facile de passer à côté de l'art de Redding, peut-être; mais ses traces sont partout. Les hymnes soul tout en montée, avec des cuivres qui gravissent les cimes de l'émotion par-dessus le martèlement des drums, c'est tout lui. Tous les chanteurs auraient voulu être Ottis Redding. Écoutez Peter Gabriel faire Sledgehammer. Même David Sylvian, avec Wanderlust. Ce sont des hommages à peine déguisés.

Payez-vous une tranche de soul bien noir avec ce Otis Blue... Dans un bon mastering comme le Mobile Fidelity, le son (mono) est glorieux; l'énergie de Respect (sa compo, rendue célèbre par Aretha Franklin), de Down In The Valley, de Shake (de Sam Cooke) ou de Rock Me Baby (de B.B. King) se module sur d'irrésistibles hymnes soul: Ole Man Trouble, A Change Is Gonna Come (de Sam Cooke), I've Been Loving You Too Long, et en finale, le magnifique You Don't Miss Your Water. (Vous pouvez cependant skipper le cover de Satisfaction des Stones, qu'il n'avait jamais entendu avant de l'enregistrer!)...

Cet album représenterait un sommet dans la courte carrière de Redding. Sa disparition, en décembre 1967 (la même année que Coltrane) , avec presque tout son fameux backing band, les Bar-Kays, dans un crash aérien, nous aura privé d'une carrière qui eut été à coup sûr fabuleuse: à peine trois jours plus tôt, Redding avait enregistré son inoubliable crossover: "(Sittin' on) the Dock of the Bay". Son seul numéro un en carrière!

mardi 11 septembre 2007

1964. JOHN COLTRANE - A Love Supreme



1964.

Kennedy a été assassiné il y a un an. Le combat pour les libertés civiles ne cesse de se radicaliser. Un grand frisson traverse le monde: la Beatlemania vient de traverser l'Atlantique, et même si ce n'est que le germe des choses à venir, la contre-culture est déjà là, quelque part, à se nourrir de cette envie de liberté des futurs hippies. En voulant imposer une guerre à sa jeunesse gâtée, l'establishment américain vient d'allumer un feu qui mettra longtemps à s'éteindre (mais éventuellement, il s'éteindra, malheureusement).

Sur la planète jazz aussi les choses bougent. Le be-bop, le hard-bop, le soul-jazz, le cool-jazz ont déjà donné leurs plus beaux fruits, et les esprits ont besoin d'un jazz plus militant, plus engagé, plus rageur, plus rebelle. Le free-jazz d'Ornette Coleman a déjà opéré une certains scission entre le jazz et le maintream. Il reste pourtant une oeuvre de synthèse à venir qui va rassembler dans une dernière messe les mélomanes prêts à toutes les aventures, les musiciens épris de liberté et le public, qui ne s'est pas encore tout à fait lassé de l'exigence de l'écoute jazz. Les regards se tournent vers un quatuor fabuleux qui n'a de cesse d'évoluer dans un jazz toujours plus aventureux, remuant, prondément émouvant parce que absolument passionné: le quatuor de John Coltrane.

Venus du rock ou du pop, on aborde souvent le jazz par son oeuvre la plus irrésistible, sensuelle, la plus cool, la plus picturale: le Kind Of Blue de Miles Davis (auquel participaient déjà Coltrane et Bill Evans). Mais le choc de l'écoute jazz, la profonde émotion d'une musique aussi spirituelle que virtuose, l'envie de suivre les méandres d'un soliste en train de s'éclater l'âme, devient irrésistible une fois qu'on a goûté A Love Supreme. Feu incandescent, décliné en 33 minutes d'une passion dévorante, A Love Supreme, c'est une pulsation qui ne se relâche pas, qui court sur le rythme passionné du fabuleux batteur Elvin Jones, et de Coltrane, le protégé de Miles Davis que la critique éreintait 10 ans plus tôt pour son style frénétique et criard et qui, débarrassé de ses problèmes de drogues,
a trouvé sa voie/voix, dont ce quatuor est l'apothéose. À peine deux ans et demi plus tard, Coltrane est mort.

Mais son influence sur les saxophonistes contemporains demeure si immense qu'on continue de l'entendre dans les enregistrements de Joshua Redman, Kenny Garrett, Joe Lovano, nommez-les tous.

Il y a des albums de Coltrane plus gentils, plus conviviaux, mieux enregistrés. Mais celui qui risque de vous prendre aux tripes. Fermez les lumières and play it loud! Le feu des années soixante n'a jamais donné des braises plus chaudes.

John Coltrane, saxo ténor
McCoy Tyner, piano
Jimmy Garrison, basse
Elvin Jones, batterie

Enregistré le 9 décembre 1964

lundi 26 février 2007

Forest Whitaker oscarisé!

Normalement, ce blogue, je me le réserve pour la musique. Surtout, je n'y parle jamais de cinéma ou de télévision. Je vais faire une exception, en ce lendemain d'Oscars.




Forest Whitaker est mon acteur préféré. J'ignore totalement pourquoi. Je l'ai même assez peu vu. J'avais été ébloui par son jeu dans "Bird" de Clint Eastwood, où il interprétait Charlie Parker. C'était à une époque où le racisme des Oscars était patent, et il n'avait même pas eu droit à une nomination. Mais c'est dans Ghost Dog, le film offbeat de Jim Jarmusch, sur un tueur samouraï avec un code d'honneur dans les rues de New York, vivant saur un toit au milieu de ses sabres et de ses pigeons, que toute la densité humaniste de son jeu m'avait pris l'âme. Forest Whitaker, avec son visage ravagé de presque Christ noir des rues de LA, sa bouille formidable qui semble avoir traversé toutes les strates de la misère humaine et en être sorti en arrondissant les épaules et en fermant (presque) un oeil, qui semble vivre sur un beat intérieur, et qui transporte chaque scène où il apparaît sur ses épaules comme une bête de somme, Forest Whitaker est mon héros sur pellicule. Chaque fois que j'entends Samurai Showdown, de la bande sonore, je revois l'étrange ballet de Whitaker, avec son sabre, sur les toits new-yorkais, force têtue et solitaire. Je m'arrête...

Alors de le voir aller chercher l'Oscar du meilleur acteur, contre toute attente, m'a fait chaud au coeur. Et son speech de remerciements était, de loin, le plus senti.

Le voici...
Thank you. Thank you. Just a second, just a second. OK. Take it. OK. I wrote something down, because I thought if it would happen that I would be a little overwhelmed and I am. So, OK. When I was a kid, the only way that I saw movies was from the backseat of my family's car. At the drive-in. And, it wasn't my reality to think I would be acting in movies, so receiving this honor tonight tells me that it's possible. It is possible for a kid from east Texas, raised in South Central L.A. in Carson, who believes in his dreams, commits himself to them with his heart, to touch them, and to have them happen.

Because when I first started acting, it was because of my desire to connect to everyone. To that thing inside each of us. That light that I believe exists in all of us. Because acting for me is about believing in that connection and it's a connection so strong, it's a connection so deep, that we feel it. And through our combined belief, we can create a new reality. So I want to thank my fellow believers in The Last King of Scotland. I want to thank Peter, Jeremy, Andrea, Lisa, Charles, Kevin, James McAvoy, Kerry, Stephen, Fox, DNA, Channel Four. I want to thank the people of Uganda, who helped this film have a spirit. And finally, I want to thank my mom and my dad. I want to thank my wife Keisha, my children, my ancestors, who continue to guide my steps. And God, God who believes in us all. And who's given me this moment, in this lifetime, that I will hopefully carry to the end of my lifetime into the next lifetime. Thank you.


mercredi 7 février 2007

The Last Waltz... les dernières notes d'un grand trio


... ou le jazz en combustion lente...

En cette soirée glaciale de février, je me suis fait un plaisir rare: j'ai remonté dans le temps et je suis descendu au sous-sol du Village Vanguard de New York, un certain dimanche, le dimanche 25 juin 1961.

C'était, évidemment, une toute autre époque, une époque que je n'ai pas eu le bonheur de connaître, une époque où la musique n'était pas encore la machine à imprimer des dollars qu'elle est devenue.

À cette époque, il était possible à un trio comme celui de Bill Evans d'exister.

Le 25 juin 1961 était une journée heureuse pour le pianiste Bill Evans, le bassiste Scott La Faro et le batteur Paul Motian. Ils terminaient cette journée-là un engagement de deux semaines au célèbre Village Vanguard de New York, Peut-être n'avaient-ils jamais si bien joué ensemble. Leur manière de concevoir le trio, avec ce rôle si prédominant pour le contrebassiste, qui n'était plus tenu en laisse par l'obligation de tenir la rythmique, mais pouvait lui aussi s'exprimer à travers un vaste vocabulaire musical, leur permettait d'atteindre une plénitude sonore inédite à ce jour; leur son était poétique, soudé, avec de prodigieux moments de presque silence. L'écouter, c'était se laisser hypnotiser par la magie de ce pianiste junkie qui semblait avoir des visions, mais aussi par la prodigieuse splendeur de la contrebasse, sur un fond sonore brossé par le roulement doux des balais de Paul Motian. On a souvent dit de leur son qu'il était impressionniste. Mais c'est un impressionnisme dense, près du sfumato de Leonard de Vinci.

Et cet après-midi là, leur producteur, Orin Keepnews, débarquait au Vanguard avec ses Ampex. Il allait les enregistrer, à travers leurs cinq sets, de l'après-midi et du soir.

C'est ce cadeau que je me suis fait ce soir. Écouter, en séquence, ce que Keepnews a capté ce jour-là. Au milieu des tintements des verres, des éclats de rires et des conversations, le trio est entré en combustion lente. Commençant par le Gloria's Step de La Faro, et se terminant magiquement par cette mélodie en forme de "calligraphie choinoise" appelée "Jade Visions", toujours du prodigieux La Faro, chaque morceau évoque un trio arrivé précocement au sommet de son art. Prodigieux d'écoute et de cohésion sur les "Solar" et "Milestones" de Miles Davis; émouvant de simplicité sur "Porgy"; majestueux sur "My Man's Gone Now".

Dix jours plus tard, la voiture de Scott La Farro aboutissait dans un arbre, tuant instantanément le jeune prodige et mettant fin au Bill Evans Trio.

Dans la même année, derniers témoignages de ce parfait après-midi au Village Vanguard, deux albums live étaient édités: "Sunday At The Village Vanguard" et "Waltz for Debby". Le premier présentait, par choix de Bill Evans, des pièces qui mettaient particulièrement en valeur le talent de La Faro. Le second est tout aussi magnifique. Indispensables tous deux!

Sunday At The Village Vanguard
Gloria's Step / My Man's Gone Now / Solar / Alice In Wonderland / All Of You / Jade Visions (+ prises alternatives).
Waltz for Debby
My Foolish Heart / Waltz For Debby / Detour Ahead / My Romance / Some Other Time / Milestones / Porgy (I Loves You, Porgy)
(+ prises alternatives).

Sur double vinyle 45-tours 180 g, Analogue Productions. Mastering: Steve Hoffman 50$US (épuisé).
Sir vinyle 33 tours 180g, Analogue Productions. 20$US
Sur disque SACD hybride stéréo, Analogie productions. 25$US
Sur disque compact XRCD, JVC.
Sur disque compact ordinaire, Riverside.
The Complete Village Vanguard Recordings, 1961
Coffret triple, remastering K2

samedi 3 février 2007

Bill Frisell et ses miniatures


Journée de grippe... Journée pour enfiler de la laine, s'écraser dans un sofa, fermer les lumières...

En bande sonore, un régal auquel je ne reviens pas très souvent, peut-être parce que c'est un disque très simple, en mode mineur, un trio guitare-basse-batterie où la qualité d'écoute est essentielle, parce que tout se passe de manière nuancée, dans les demi-tons, dans la qualité d'exécution, l'interaction entre trois musiciens d'exception et la subtilité de compositions évocatrices, de vignettes sonores arrachées au tumulte habituel du monde pop d'aujourd'hui.

Bill Frisell est un guitariste exceptionnel, dont la sonorité hantée nappe d'une couche de brumes désertiques les chansons qu'il touche. Lorsque Marianne Faithfull a endossé le rôle de la chanteuse maudite à la voix rauque sur Strange Weather, c'est autant sa voix brisée et le choix des pièces que les textures sombres de Bill Frisell qui ont fait l'album.

Ses albums solos nous révèlent pourtant un artiste à l'univers plus large, aux ambitions à la fois plus modestes et plus sympathiques. Gone, Like A Train, c'est 15 vignettes qui semblent arrachés d'un roman sur le Midwest américain, ou 15 pages de Faulkner. Sa guitare, qui a souvent un son proche de la steel guitar (mais une steel cinématographique, avec du gros grain) est à la fois super-mélodique et super-sinueuse. Elle ouvre un thème, s'en sépare, s'égare, s'énerve, prend du coffre, se remplit de pleins de sous-textes parallèles, devient orageuses, puis revient couler, claire comme une eau de source sur la roche dure.

L'accompagnant sur cet album, une section rythmique d'enfer: le batteur Jim Keltner est apparu sur des centaines d'albums lors de sa longue carrière. Il joue son rôle merveilleusement bien, assoyant les longs glissements de Frisell sur une assise hyper-charpentée, dialoguant parfois, puis le poussant en avant, dans le spotlight, en assurant ses arrières: on dirait le grand frère protégeant le petit frère nerd et génial et le poussant à se dépasser. La basse de Victor Krauss est à l'avenant, parfois archi-mélodique, comme sur la merveilleusement poétique The Wife and Kid.

Un disque qui est un univers. Riche comme un roman. Et, ce qui ne gâche rien, merveilleusement bien enregistré.

mercredi 17 janvier 2007

samedi 13 janvier 2007

RIP le Va-et-Vient




L'avenue Mont-Royal ne fut pas toujours le paradis du disque usagé qu'il est devenu.
Il fut une époque où seul le Va-et-Vient avait pignon sur rue, avec l'Échange aussi, qui vendait disques et livres.

Puis l'avenue Mont-Royal s'est transformée, le Va-et-Vient est devenu le Tuyau musical et le Tuyau fut envahi de compétitueurs qui l'ont peu à peu bouffé. La plupart avaient une spécialité, pas le Tuyau. L'un avait le prog (Free-Son), un autre les disques de collections (la boutique de Dennis Pantis), etc.


Maintenant le Tuyau ferme. Tout son stock est soldé. Une page d'histoire est tournée.
J'y ai trouvé quelques perles hier, mais je filais cheap en les payant des prix ridicules. Le Kronos Quartet et leur disque Bollywood, spectaculaire, juste 5 dollars et demi. Les Meditations on Mingus de Hal Willner et de sa bande éclectique. Un Pat Metheny/Roy Haynes/Dave Holland, 5 dollars. Hank Jones en mode fusion africaine, 5 misérables piastres, Dave Murray au Sénégal ou le SF Jazz Collective (Joshua Redman jouant du Coltrane avec des collègues de choc), 3 dollars chacun. Les disquaires ont exprimé leur enthousiasme pour mes trouvailles. Un d'entre eux a griffonné sur un bout de papier un disque que je devrais chercher: The Great Jazz Trio de Hank Jones, Live At Village Vanguard. La classe.

Merci à ceux qui à l'origine avaient eu le flash d'ouvrir une boutique de disques usagés sur Mont-Royal, au moment où personne ne s'y intéressait! Vous avez été mes pushers musicaux préférés pendant des années! Maintenant, une boutique de guenilles quelconque va venir déshumaniser un peu plus l'avenue, vendant des fringues cheaps à des étudiants argentés.