Poetry and music are for those with straight connections between ears, eyes, heart, and gut. (Diane Dorr-Dorynek)
mardi 11 septembre 2007
1964. JOHN COLTRANE - A Love Supreme
1964.
Kennedy a été assassiné il y a un an. Le combat pour les libertés civiles ne cesse de se radicaliser. Un grand frisson traverse le monde: la Beatlemania vient de traverser l'Atlantique, et même si ce n'est que le germe des choses à venir, la contre-culture est déjà là, quelque part, à se nourrir de cette envie de liberté des futurs hippies. En voulant imposer une guerre à sa jeunesse gâtée, l'establishment américain vient d'allumer un feu qui mettra longtemps à s'éteindre (mais éventuellement, il s'éteindra, malheureusement).
Sur la planète jazz aussi les choses bougent. Le be-bop, le hard-bop, le soul-jazz, le cool-jazz ont déjà donné leurs plus beaux fruits, et les esprits ont besoin d'un jazz plus militant, plus engagé, plus rageur, plus rebelle. Le free-jazz d'Ornette Coleman a déjà opéré une certains scission entre le jazz et le maintream. Il reste pourtant une oeuvre de synthèse à venir qui va rassembler dans une dernière messe les mélomanes prêts à toutes les aventures, les musiciens épris de liberté et le public, qui ne s'est pas encore tout à fait lassé de l'exigence de l'écoute jazz. Les regards se tournent vers un quatuor fabuleux qui n'a de cesse d'évoluer dans un jazz toujours plus aventureux, remuant, prondément émouvant parce que absolument passionné: le quatuor de John Coltrane.
Venus du rock ou du pop, on aborde souvent le jazz par son oeuvre la plus irrésistible, sensuelle, la plus cool, la plus picturale: le Kind Of Blue de Miles Davis (auquel participaient déjà Coltrane et Bill Evans). Mais le choc de l'écoute jazz, la profonde émotion d'une musique aussi spirituelle que virtuose, l'envie de suivre les méandres d'un soliste en train de s'éclater l'âme, devient irrésistible une fois qu'on a goûté A Love Supreme. Feu incandescent, décliné en 33 minutes d'une passion dévorante, A Love Supreme, c'est une pulsation qui ne se relâche pas, qui court sur le rythme passionné du fabuleux batteur Elvin Jones, et de Coltrane, le protégé de Miles Davis que la critique éreintait 10 ans plus tôt pour son style frénétique et criard et qui, débarrassé de ses problèmes de drogues,
a trouvé sa voie/voix, dont ce quatuor est l'apothéose. À peine deux ans et demi plus tard, Coltrane est mort.
Mais son influence sur les saxophonistes contemporains demeure si immense qu'on continue de l'entendre dans les enregistrements de Joshua Redman, Kenny Garrett, Joe Lovano, nommez-les tous.
Il y a des albums de Coltrane plus gentils, plus conviviaux, mieux enregistrés. Mais celui qui risque de vous prendre aux tripes. Fermez les lumières and play it loud! Le feu des années soixante n'a jamais donné des braises plus chaudes.
John Coltrane, saxo ténor
McCoy Tyner, piano
Jimmy Garrison, basse
Elvin Jones, batterie
Enregistré le 9 décembre 1964
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