jeudi 27 septembre 2007

Dave Douglas: Charmes de l'automne et de la nuit

Ça y est. Le ciel, déjà noir, à 7 heures du soir. Il a beau faire 29, on sait que les oies tirent un courant d'air froid dans leur sillage. L'automne descend tranquillement sur nous. On rentre dans les tanières. Nos biorythmes ralentissent. La torpeur des soirées devient telle qu'il est inutile de la combattre. On passe à un autre beat. Et à une autre musique.

Charms of the Night Sky, de Dave Douglas et Garden of Eden de Paul Motian sont mes deux favoris de ce début d'automne. Les noms des leaders évoquent le jazz, à son plus haut niveau. Mais ce n'est pas du jazz. Parlons plutôt d'une musique post-bop, ou même no-bop. Ce sont des ambiances, ciselées par l'improvisation, mais riches d'une palette tonale qui renvoie à un autre univers que le jazz. Plutôt des bandes sonores composées par des musiciens hors-pair, comme des toiles impressionnistes. Oubliez le sacrosaint swing jazz: on est dans le domaine de la peinture abstraite: formes, tonalités, couleurs s'unissant selon des combinaisons innattendues, comme dans certains pièces sinueuses de Debussy.



Dave Douglas est un trompettiste qui top les polls jazz depuis quelques années. Mais je ne le connais que pour ce disque tout à fait particulier, entendu un dimanche entre 23h et minuit, à l'émission de Languirard. Charmes de la nuit nocturne. C'est bien de cela qu'il s'agit: une trompette élégiaque (mais attention, jamais sentimentale ou sirupeuse), au phrasé qui force l'attention, comme la mélodie étrange d'un oiseau nocturne qu'on entend pour la première fois: Douglas est un virtuose, ça s'entend tout de suite, mais sa virtuosité est tout à fait au service de son délire musical, de l'ambiance qu'il veut nous faire partager: des paysages sonores singuliers à l'instrumentation étrange: pas de batterie, pas de piano, mais plutôt comme support harmonique l'accordéon de Guy Klucevsek, à la palette extrêmement riche (oubliez le bal musette, on est dans un autre monde, très Europe centrale, gares de train, gypsies, prairies brûlant la nuit, cérémonies religieuse, musique klezmer). Et de temps en temps, en prime, un violoniste à la sonorité exquise, Mark Feldman, qui compose des solos absolument lumineux. Un peu de contrebasse (Greg Cohen) et vous obtenez un aéropage de haut niveau, sur des mélopées envoûtantes, dans une prise de son très détaillée aux timbres très vivants, d'une jeune étiquette de disques allemande, Winter & Winter (avec peut-être un léger manque de profondeur de soundstage, surtout lorsque violon, accordéon et trompette jouent dans les mêmes registres)... La pièce-titre, Dance In Thy Soul (for Charlie Haden), The Girl With The Rose Hips et Twisted sont les meilleurs titres d'un disque douloureusement et agréablement automnal.

Je reviendrai à Paul Motian plus tard.

Dave Douglas. Charms of the Night Sky. 1998.
Winter & Winter.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire