dimanche 28 décembre 2008

Mitch Mitchell, pas assez bon pour Wings??? Allons donc...


Cet après-midi, je regardais, machoîre pendante, l'édition Criterion de "Jimi Plays Monterey", un docu-captation réalisé par D.A. Pennebaker, le même qui a réalisé le fascinant documentaire Don't Look Back sur Bob Dylan... (évidemment, je ne résiste jamais à l'envie de glisser le nom de Bob Zimmerman partout sur ce blogue)

Ça se passait en juin 67 et ce fut une date marquante, non seulement de la carrière de Jimmy James mais aussi de l'histoire du rock. Le Monterey Pop Festival (organisé entre autres par John Phillips, le Papa des Mamas and Papas, California Dreamin', vous vous rappelez?) a révélé au public américain non seulement le Jimi Hendrix Experience, mais aussi Janis Joplin et les Who.

Dans le cas de Jimi, c'était un concert important: notre métis (il aurait du sang cherokee) virtuose qui fut guitare rythmique pour Little Richard entre autres, avait dû s'exiler en Angleterre pour permettre à son art de se développer; c'est là qu'il recrute Noel Redding (un autre guitariste rythmique qui dut migrer vers la basse pour parfaire le trio) et surtout Mitch Mitchell, un batteur à la fois puissant et subtil, et qui était le moteur parfait pour la rutilante carosserie Hendrix... Le concert de Monterey, c'est le retour en terre d'Amérique, et Jimi était drôlement pompé avant de monter sur scène...

Décidé d'en mettre plein la vue à ses compatriotes, Jimi a tout fait pour passer avant les Who... car il avait déjà décidé de sacrifier sa guitare pour célébrer son retour américain... et Pete Townshend avait le même plan: détruire sa guitare dans un océan de feed-backs rageurs... Ils durent tirer au sort, et les Who ont gagné...

Mais 40 ans plus tard, tout cela semble peu de choses... La performance d'Hendrix est passée à l'histoire, et l'image de notre halluciné de la six-cordes accroupi comme un amant sur sa guitare en feu est demeurée l'image emblématique du festival...

Logorrhée de mots... déclenché par une anecdote un peu triste que je viens de lire. Mitch Mitchell, le batteur magnifique qui propulse Jimi dans chaque solo à Monterey, ne s'est jamais remis de la mort de son leader... et je lisais l'anecdote selon laquelle, cherchant désespérément une gig, il avait auditionné pour Paul McCartney et les Wings au début des années '70... Dur de croire qu'il n'a pas été retenu. Probable que Paul anticipait une batterie trop présente et mal accordée aux ambitions de pop star qu'il nourrissait.

Trop bon pour les années '70 et le format pop corporate, Mitch Mitchell était né pour jouer au sein d'un power trio. Et aucun d'eux n'égala jamais Jimi Hendrix Experience.

vendredi 26 décembre 2008

Magnifique tricot de Noël


Noël peut vraiment être un chemin de croix musical; elle est partout la musique, avec les petits grelots, les arrangements cheap, le travestissement de la moindre ritournelle hivernale et la tornade de beaux sentiments dégoulinants comme une meringue.

Aussi, quand on trouve un beau disque de Noël, un vrai, on est soulagé, on le range en lieu sûr, juste à côté du Charlie Brown Christmas du Vince Guaraldi Trio et de Happy X-Mas de Lennon...

À ma très grande surprise, ma douce a ramené à la maison le mini disque de Noël du plus ludique des ensembles québécois de l'heure. Elle a craqué après l'avoir entendu à la radio. Nous n'avions pas vraiment d'atomes crochus pour l'approche CPE Passe-Partout de Tricot Machine aussi je craignais le pire, mais j'ai ravalé mes préjugés assez vite.

C'est beau dans ses mots, c'est d'une belle richesse orchestrale, ça m'a même rappelé par moments Illinoise de Sufjan Stevens, qui, j'en suis sûr, fait partie du playlist maison du sympathique duo et de leur producteur.

Un très beau 19 minutes que je vous recommande.


dimanche 14 décembre 2008

Systèmes neutres ou systèmes colorés?

Test à l'aveugle, objectivité, aller plus loin, trouver le Saint Graal sonore.
Je suppose qu'on cherche le système le plus neutre possible.
Pourtant, il y a entre la musique et nous toute une chaîne humaine et technique et cette chaîne est tout sauf objective.

On veut entendre le disque tel que l'artiste voulait nous le donner?
Problème...


The artist/producer's intent was determined on the playback system they used to listen to the recording. If you want *that* sound you would have to use their system and room. No guarantee that greater neutrality gets you closer to the artist's intent with any given recording. (Scott Wheeler)


Absolute neutrality in playback sounds good in THEORY but will really get you nothing unless you plan to play back only stuff that you have personally recorded and mixed on the system or something. Find gear that sounds good to you on as many recordings down through the years that you can find. Or else, you will be one of those people who have 2,500 records and only 5 sound good on the system. You keep playing those 5 to show off the sound, etc. and the rest gather dust. The most common mistake that newbie Audiophiles make (myself included). They read charts, specs, etc. and want razor flat response in all gear and this and that and don't LISTEN. It's the colorations in gear (and in recorded music) that make it involving and lifelike sounding. Don't get trapped into that neutral scene, it will make you unhappy. (Steve Hoffman)

mercredi 10 décembre 2008

Sur la platine: Jon Hassell

Musique des possibles? Ethno-beat d'un territoire imaginaire? Enregistrements à la fois primitifs et futuristes d'un peuple mythique? Comment décrire une musique absolument unique? C'est compliqué. Peindre des sons avec des mots. Fatalement, il faut y aller par analogie.



De tous les disques nés de la mouvance "ambiant" dont Brian Eno est bien sûr le fer de lance, aucun disque ne me transporte autant que ce disque étrange à la pochette rose, crédité à Jon Hassell et Brian Eno: Fourth World Vol. 1: Possible Musics. Dans l'écrin d'une mise en sons qu'on associe peut-être à tort aux manipulations électroniques de Eno plane un étrange instrument manipulé par un être à l'imagination fertile mais singulière: Jon Hassell, trompettiste, aux commandes d'un instrument dont le son est extrêmement difficile à décrire, mais inoubliable après quelques mesures: une trompette électronique, détimbrée, à l'éclat flou, aux mélopées circulaires, qui évoque à la fois l'eau d'une chute et la brume d'un crépuscule, ou alors le chant nocturne d'un oiseau inquiétant, à peine physique.

Plus prosaïquement, un interviewer plus allumé que moi (Jason Gross, Perfect Sound Forever) a mis le doigt dessus, en demandant à Jon Hassell si son style de jeu à la trompette n'était pas en fait très proche du chant indien. Réponse de l'Américain:

Just about everything I have, I owe to Pran Nath. For the first few months with him, I learned by singing. A phrase would be sung to you, you'd sing it back and if it was correct, you'd move on to something more complex. If not, you work on it again or do something simpler. It was aural/oral transmission.

Then I started to try to do that on trumpet. I had to completely forget everything that I'd ever been taught I'm still trying to forget it. It was a matter of trying to make the mouthpiece sound like a voice merged with a conch shell.

Charm, une longue mélopée de 21 minutes qui clôt l'album, demeure un de ces morceaux singuliers qui vous hantent, comme une image troublante dans un film peut vous hanter, vous habiter faire partie de votre imaginaire. Batteur africain, percus brésiliennes (Vasconcelos si ma mémoire est bonne) et la voix hantée de la trompette de Hassell qui passe comme un spectre... pas étonnnat qu'après l'avoir entendu, Brian Eno, qui, à l'époque, éclatait dans toutes les directions en compagnie des Talking Heads, ait voulu associer son nom à une si séduisante proposition, si proche de ses propres recherches: musique ambiante, rythmes ehtniques, recherche sonore... Une amitié était née, une collaboration artistique, mais des egos allaient souffrir...

Brian and I went into the studio to do Possible Musics. At that time, Brian was known to me as a guy who did big washes, big watercolor sweeps. I imagined that he would be filling in that tambura part that I was talking about before.

This record could have easily been 'by Jon Hassell, produced by Brian Eno.' That would have been correct billing. But at the time, I was trying to pay the rent and I decided that I wanted it to say 'Jon Hassell/Brian Eno.' This later became a problem for me because he had such a high profile in the pop musical world, it often became 'his record', so to speak. That was painful.

The next thing was Bush of Ghosts, which came to me as a project that we all (Brian, David and I) were going to do together. We were starting from the premise of what the Residents had done with Eskimo, that idea of fake ethnic music. They were going to go out to the desert somewhere in California, get an 8-track and send for me. At the time, I was a 'downtown Soho composer' struggling to make the rent every month so I couldn't even get the plane fare to fly there. I got a tape back a month or so later and it was some North African vocal over a bass and drum loop.

I was outraged. This was clearly a not-too-subtle appropriation of what I was doing over rock drum and bass I thought it was a very unethical thing to do and the fact that I was never credited--even for being an inspiration--is a testament to the testosterone in the room at that time. Psychologically I imagine it went something like, 'We're rich and famous...we can get away with it, so we'll do it.' Maybe there was a self-hypnosis that permitted them to ignore the origin of the whole situation. That created a rift for awhile. This made the struggle for my own musical identity in the marketplace all that more difficult and I still run into the consequences of this arrogance.
[L'album en question, qui a si choqué Hassell, est évidemment le fameux My Life In The Bush Of Ghosts.]


Peut-être son ego meurtri (il se crédite aussi d'avoir entrainé Peter Gabriel sur la voie des rythmes africains; je le créditerais plutôt d'avoir précédé Gabriel, Eno, Byrne et les autres sur un chemin qu'ils empruntaient déjà) explique-t-il que la série des Fourth World disparut après un second album (Dream Theory in Malaya) que je n'ai jamais eu le plaisir d'entendre. Mais pourtant, un 3e tome existe presque. Il s'agit de Power Spot, une co-production du fameux duo Brian Eno/Daniel Lanois, avec entre autres Michael Brook à la guitare. Un disque ECM de 1986, qui semble le sequel de Possible Musics, tant les textures sonores et le jeu sinueux du musicien sont en continuité avec son fameux prédécesseur.



Hassell a aussi prêté sa trompette à un nombre considérable de disques, dont Brilliant Trees (le 1er et excellent disque solo de David Sylvian) et la bande sonore de The Last Temptation of Christ de Peter Gabriel. On ne s'étonne pas de savoir que dans ses années de formation (entre autres avec Stockhausen!), Hassell aura cotoyé d'autres figures marquantes des musiques contemporaines: le bassiste de Can, Holger Czukay (qui a lui-même cheminé sur les sentiers ethniques et les collages inusités, tant avec son groupe que dans ses albums solos), Terry Riley, etc.

Voici quelques mots tirés de l'excellente entrevue mentionnée plus haut, quelques mots par lesquels Hassell décrit avec poésie son Quatrième Monde...

I wanted the mental and geographical landscapes to be more indeterminate- not Indonesia, not Africa, not this or that. I thought I was more successful in trying to create something that COULD HAVE existed if things were in an imaginary culture, growing up in an imaginary place with this imaginary music. [...] 'If something really feels good, then why don't you do it all the time instead of only doing it on Saturdays?' Fourth World is an entire week of Saturdays. It's about heart and head as the same thing. It's about being transported to some place which is made up of both real and virtual geography. It's about a beautiful girl and a beautiful situation at the same time.