samedi 3 février 2007

Bill Frisell et ses miniatures


Journée de grippe... Journée pour enfiler de la laine, s'écraser dans un sofa, fermer les lumières...

En bande sonore, un régal auquel je ne reviens pas très souvent, peut-être parce que c'est un disque très simple, en mode mineur, un trio guitare-basse-batterie où la qualité d'écoute est essentielle, parce que tout se passe de manière nuancée, dans les demi-tons, dans la qualité d'exécution, l'interaction entre trois musiciens d'exception et la subtilité de compositions évocatrices, de vignettes sonores arrachées au tumulte habituel du monde pop d'aujourd'hui.

Bill Frisell est un guitariste exceptionnel, dont la sonorité hantée nappe d'une couche de brumes désertiques les chansons qu'il touche. Lorsque Marianne Faithfull a endossé le rôle de la chanteuse maudite à la voix rauque sur Strange Weather, c'est autant sa voix brisée et le choix des pièces que les textures sombres de Bill Frisell qui ont fait l'album.

Ses albums solos nous révèlent pourtant un artiste à l'univers plus large, aux ambitions à la fois plus modestes et plus sympathiques. Gone, Like A Train, c'est 15 vignettes qui semblent arrachés d'un roman sur le Midwest américain, ou 15 pages de Faulkner. Sa guitare, qui a souvent un son proche de la steel guitar (mais une steel cinématographique, avec du gros grain) est à la fois super-mélodique et super-sinueuse. Elle ouvre un thème, s'en sépare, s'égare, s'énerve, prend du coffre, se remplit de pleins de sous-textes parallèles, devient orageuses, puis revient couler, claire comme une eau de source sur la roche dure.

L'accompagnant sur cet album, une section rythmique d'enfer: le batteur Jim Keltner est apparu sur des centaines d'albums lors de sa longue carrière. Il joue son rôle merveilleusement bien, assoyant les longs glissements de Frisell sur une assise hyper-charpentée, dialoguant parfois, puis le poussant en avant, dans le spotlight, en assurant ses arrières: on dirait le grand frère protégeant le petit frère nerd et génial et le poussant à se dépasser. La basse de Victor Krauss est à l'avenant, parfois archi-mélodique, comme sur la merveilleusement poétique The Wife and Kid.

Un disque qui est un univers. Riche comme un roman. Et, ce qui ne gâche rien, merveilleusement bien enregistré.

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