mercredi 7 février 2007

The Last Waltz... les dernières notes d'un grand trio


... ou le jazz en combustion lente...

En cette soirée glaciale de février, je me suis fait un plaisir rare: j'ai remonté dans le temps et je suis descendu au sous-sol du Village Vanguard de New York, un certain dimanche, le dimanche 25 juin 1961.

C'était, évidemment, une toute autre époque, une époque que je n'ai pas eu le bonheur de connaître, une époque où la musique n'était pas encore la machine à imprimer des dollars qu'elle est devenue.

À cette époque, il était possible à un trio comme celui de Bill Evans d'exister.

Le 25 juin 1961 était une journée heureuse pour le pianiste Bill Evans, le bassiste Scott La Faro et le batteur Paul Motian. Ils terminaient cette journée-là un engagement de deux semaines au célèbre Village Vanguard de New York, Peut-être n'avaient-ils jamais si bien joué ensemble. Leur manière de concevoir le trio, avec ce rôle si prédominant pour le contrebassiste, qui n'était plus tenu en laisse par l'obligation de tenir la rythmique, mais pouvait lui aussi s'exprimer à travers un vaste vocabulaire musical, leur permettait d'atteindre une plénitude sonore inédite à ce jour; leur son était poétique, soudé, avec de prodigieux moments de presque silence. L'écouter, c'était se laisser hypnotiser par la magie de ce pianiste junkie qui semblait avoir des visions, mais aussi par la prodigieuse splendeur de la contrebasse, sur un fond sonore brossé par le roulement doux des balais de Paul Motian. On a souvent dit de leur son qu'il était impressionniste. Mais c'est un impressionnisme dense, près du sfumato de Leonard de Vinci.

Et cet après-midi là, leur producteur, Orin Keepnews, débarquait au Vanguard avec ses Ampex. Il allait les enregistrer, à travers leurs cinq sets, de l'après-midi et du soir.

C'est ce cadeau que je me suis fait ce soir. Écouter, en séquence, ce que Keepnews a capté ce jour-là. Au milieu des tintements des verres, des éclats de rires et des conversations, le trio est entré en combustion lente. Commençant par le Gloria's Step de La Faro, et se terminant magiquement par cette mélodie en forme de "calligraphie choinoise" appelée "Jade Visions", toujours du prodigieux La Faro, chaque morceau évoque un trio arrivé précocement au sommet de son art. Prodigieux d'écoute et de cohésion sur les "Solar" et "Milestones" de Miles Davis; émouvant de simplicité sur "Porgy"; majestueux sur "My Man's Gone Now".

Dix jours plus tard, la voiture de Scott La Farro aboutissait dans un arbre, tuant instantanément le jeune prodige et mettant fin au Bill Evans Trio.

Dans la même année, derniers témoignages de ce parfait après-midi au Village Vanguard, deux albums live étaient édités: "Sunday At The Village Vanguard" et "Waltz for Debby". Le premier présentait, par choix de Bill Evans, des pièces qui mettaient particulièrement en valeur le talent de La Faro. Le second est tout aussi magnifique. Indispensables tous deux!

Sunday At The Village Vanguard
Gloria's Step / My Man's Gone Now / Solar / Alice In Wonderland / All Of You / Jade Visions (+ prises alternatives).
Waltz for Debby
My Foolish Heart / Waltz For Debby / Detour Ahead / My Romance / Some Other Time / Milestones / Porgy (I Loves You, Porgy)
(+ prises alternatives).

Sur double vinyle 45-tours 180 g, Analogue Productions. Mastering: Steve Hoffman 50$US (épuisé).
Sir vinyle 33 tours 180g, Analogue Productions. 20$US
Sur disque SACD hybride stéréo, Analogie productions. 25$US
Sur disque compact XRCD, JVC.
Sur disque compact ordinaire, Riverside.
The Complete Village Vanguard Recordings, 1961
Coffret triple, remastering K2

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