This is blues laxative. If this record doesn't make you lose your last meal out of one end or the other, nothing will. |
Poetry and music are for those with straight connections between ears, eyes, heart, and gut. (Diane Dorr-Dorynek)
mardi 23 novembre 2010
La chasse aux vieux bucks est ouverte!
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vendredi 12 novembre 2010
Le DIGITAL et les GIANT KILLERS! - Matrix Mini vs Behringer 'Légaremifié'
Dans le monde hifi, l'expression "giant killer" attire autant l'oeil qu'une immense enseigne néon "Peep Show" sur la Ste-Catherine! Encore plus que "Saint Graal" (qui définirait la pièce audio ultime), le "Giant Killer" (David dans un monde de Goliaths boursouflés à la caisse enregistreuse), attire; c'est cette pièce d'équipement audio qui offre, pour un prix accessible au mélomane normal, une performance audio digne des plus grands.
Car ne nous le cachons pas, l'audio est un domaine épouvantablement subjectif, en même temps qu'un luxe s'adressant au sens esthétique. Bref, un terreau fertile pour snobs de toutes catégories, mythes à la vie dure, fumisterie et tape-à-l'oeil. Et comme nous le rappellent avec une constance de bourdon les membres du forum AudioAtrium, on n'écoute pas avec ses oreilles; les yeux dictent, plus souvent qu'autrement, ce qu'on entend. Vous n'avez pas des palpitations en voyant apparaître sur une pièce magnifiquement ouvragée les DCS, CJ, McIntosh et autres marques de fabriques célèbres? Moi, si! Absolument! Fantasme d'ado non fortuné qui approche aux portes du nirvana hifidéliste dans sa vie d'adulte, et qui recherche de vieux frissons dans sa nouvelle peau? Bien sûr!
La haute fidélité haut-de-gamme coûte cher. Trop cher. La musique mérite mieux que cette structure pyramidale de coûts qui la rend si inaccessible. Alors, les giant killers, c'est évidemment ces pavés lancés dans la mare glauque du maintream audio qui dit que plus on paye cher, plus on s'approche des degrés ultimes de performance dans la reproduction musicale. Les Giant Killers sont souvent Chinois et sont en train de balayer le marché d'entrée de gamme en hifi.
Comme je magasine un DAC en ce moment, quelqu'un m'a gentiment prêté un de ces giant killer: le Matrix Mini. Un magnifique petit DAC aux fonctionnalités pratiquement insurpassables à ce prix vraiment très amical: 325$, livré. Hires (24/192). Entrées digitales SPDif, USB (bridé), AES/EBU, Toslink... Sorties RCA ET balancées (!). Et on parle paraît-il d'un vrai circuit balancé. Circuit d'écouteurs. Contrôle de volume. Sortie digitale. En plus il est beau. Très beau. Comme les Chinois ont une conception assez élastique du droit d'auteur, on pourrait dire qu'ils ont généreusement emprunté le design du Bel Canto. Un DAC qui coûte six fois plus cher. J'ai lu quelque part le commentaire d'un audiophile qui disait qu'ils en avaient aussi emprunté la magnificence sonore. Bref, pourquoi payer 2000$ lorsqu'on peut avoir la même chose à 325$? Très bonne question.
Je n'ai pas le Bel Canto, mais je peux vous parler du choc que j'ai eu en écoutant le Matrix Mini au début! Mon vieux Micromega Stage IV et sa puce TDA1305T ont eu un petit choc, disons-le. Ses diodes rouges ont clignoté de désespoir en voyant ma main approcher de son power supply! Quand on vous raconte que la conversion digitale a franchi des bonds dans les dix dernières années, vous pouvez le croire. En terme de résolution, ça frappe. Détails. Des masses de détails, sous la lumière crue des nouvelles puces (AD1955 ici). N'est-ce pas la première chose que nous cherchons, quand nous écoutons une nouvelle pièce d'équipement audio? Est-ce que j'entends plus? Nous sommes tous des comptables désespérés. Nous voulons de la quantité. En terme de quantité, la Matrix est dure à battre!
Comme base à un beau petit système digital, qu'est-ce que vous voulez de plus? Le contrôle de volume digital (90 degrés!) vous dispense d'un méchant pré-amplificateur. Vous pouvez brancher vos écouteurs. Toutes ces entrées et sorties lui permettent de s'insérer dans presque toutes les configurations possibles, même cinéma-maison. Il est beau. Et le magasin e-bay qui les vend s'appelle coolfungadget. Je suis désolé, mais ce truc ne peut pas échouer!
Alors, pourquoi, après trois jours d'écoute plus ou moins constante, ressentez-vous cette fatigue auditive que vous reconnaissez entre mille? L'impression que dans cette masse de détails, dans toute cette résolution, cette dynamique sans faille, ces basses bien définies, se cache le grain digital, si abhorré!
C'est un peu le supplice de la goutte. Au début, la goutte d'eau est quelque part dans votre champ de conscience, en périphérie, petit irritant secondaire. À l'arrivée, vous n'entendez plus que lui. Son effet est cumulatif. Plus longue la session d'écoute, plus le grain vous apparaît. Y'a quelque chose qui cloche là-dedans. Vous regardez vos câbles, vos enceintes, votre pièce d'écoute non traitée. Allons donc, les reviews disent tous à quel point le Matrix Mini est formidable. Ce ne peut être ça.
Mais oui ça peut. Ça l'est. Putain de grain digital.
Il m'a fallu une longue session d'écoute double pour aller au fond du problème. Il me fallait surtout un point de comparaison.
Vous connaissez legarem? Je ne le connais pas personnellement, mais son nom est relié à plusieurs interventions intéressantes et assez pointues sur différents forums audio québécois. Sa spécialité, si je ne m'abuse: la modification de DACs commerciaux. legarem, me voyant en pleine "quête" audiophile, m'a prêté deux DAC de son cru, dont un Behringer Ultramatch Pro 2496 fortement modifié. Parmi les nombreuses modifications, retenons que tout l'étage de sortie opamp a été éliminé et remplacé par des transfos Jensen. Je n'y connais pas grand chose en électronique, mais dans le fond de mon subconscient, j'ai toujours associé les sorties opamp au fameux grain digital qui me fait tellement grincer des dents. Évidemment, d'autres facteurs entrent en ligne de compte, et les nombreuses modif' de legarem touchent aussi l'alimentation, les puces de réception, les condensateurs, etc.
Au niveau connections, le Behringer legarem me ramène au strict essentiel: entrée BNC, sortie non balancées, prise écouteurs inopérante, LED de niveau inopérant, pas de contrôle de volume.
Je me suis fabriqué un petit playlist audiophile, style nocturne... beaucoup de voix avec accompagnement épuré, un peu de jazz hybride...
Aperçu rapide:
- Holly Cole: Don't Wanna Grow Up. Reprise épurée, piano, contrebasse, voix, de Tom Waits.
- Cassandra Wilson: Lost. Guitare électrique et voix, une grande interprétation, enregistrement très trafiquoté.
- Christian McBride: Spanky. Trio de contrebasses (gauche/centre/droit). Évidemment, un bon test de basse acoustique.
- Roger Waters: Perfect Sense, Part I. Bien sûr, un bon test d'image sonore (soundtsage), avec une mosaïque de détails sonores intéressants. Mais j'aime surtout ce moment où la voix de Roger Waters entre en scène. Sur un système transparent, la voix de Waters est là, dans la pièce, à quelques pieds de vous. C'est un de mes tests préférés pour une source digitale.
- Jordi Savall / Sainte Colombe: Les Pleurs (Version Viole Seule De Jordi Savall). Sonorité acoustique de viole de gambe, enregistrement hyper-détaillé. Et morceau anthologique.
- Bob Walsh: Ma Toune. Performance "live" de Bob Walsh et de sa pièce la plus émouvante. Encore une fois, la qualité de la prise de son de la voix vous donne l'impression d'être sur place. Les harmoniques de guitare sont aussi hyper-détaillées.
- Wayne Shorter: Bachianas Brasileras No. 5. Cette interprétation violoncelle-saxo (avec percus en arrière-plan) de la célèbre Bachianas Brasileras de Villa-Lobos est tout simplement superbe et échappe à toute catégorisation. Jazz, classique, musique du monde? Excellent enregistrement en plus.
- Arvo Part/Gidon Kremer/Keith Jarrett: Fratres. Quoi qu'en pense Claude Gingras, un grand moment musical, et un superbe enregistrement ECM, impitoyable test sonore.
Dès la première pièce, le problème du Matrix est manifeste, surtout en comparaison du son organique du Behringer modifié. Bien sûr, tous les détails y sont, l'image sonore est précise, les tonalités justes, la dynamique irréprochable, la contrebasse solide. Et pourtant, tout se passe dans la voix. Posons la question simplement. Les moments "being there" abondent avec le Behringer; la surprise d'ouvrir soudain grand les yeux, parce que Holly Cole se pose, à quelques pieds. Le Matrix n'atteint tout simplement pas ce niveau de véracité, parce que l'électronique s'entend: légère sibyllance, un certain grain pas naturel. Comment se traduit cette perte de naturel en termes acoustiques? Harmoniques tronquées, distorsion légère? Aucune idée. Mais l'émotion se niche là, dans ce qui sépare les deux. Le Matrix me fait entendre un enregistrement. Le Behringer, parfois, me fait oublier cette réalité élémentaire. Et l'audiophile est un junkie de ces moments.
Aucune pièce musicale ne permettra autant de distinguer les deux pièces d'équipement la dernière, avec Gidon Kremer au violon et Keith Jarrett au piano. Bien sûr, on pourrait arguer que mon idée, à ce point, était faite, et que dorénavant, mon cerveau confirmerait à tout coup ce que mon esprit avait érigé en vérité. Possible.
Mais Frätres commence par cet enragé de Kremer qui massacre ses cordes de violon avec une passion dévorante. 60 secondes d'une intensité rare, suivie d'un délicat dialogue alors que le violon se hasarde dans les plus hautes fréquences, et que le piano avance calmement dans un paysage de vitrail. Vers la 4e minute, Kremer reprend ses arpèges torturés. Vers la 6e, grands accords dramatiques de Kremer, accords plaqués de Jarrett. Et c'est là que les choses se corsent pour le Matrix. Parce que soudainement, le grain digital mêlé aux fréquences agressives du violon finissent par atteindre vos nerfs. Vous n'écoutez plus la musique; vous crispez vos doigts sur l'accoudoir. Ça fait presque mal. Comme de la craie sur le tableau noir. Ce n'est pas parce que quelqu'un écrit PAIX sur un tableau noir qu'il apaisera sa classe; surtout s'il appuie sur les cordes comme un enragé.
Le Behringer, lui, restera musical. Vous sentirez la passion, l'agression, l'énergie folle du tzigane et de ses cordes, mais vous resterez dans une sphère musicale, et vous serez prêts à poursuivre le voyage.
Et ça, cette capacité à rester musical dans ces extrêmes, définit complètement le Behringer par rapport au Matrix.
Maintenant, il est possible que votre système oeuvre pour biffer cette différence. Roll-off dans les aigüs, et "bloom" exagéré dans les "mid", et peut-être ne sentirez-vous jamais les derniers atomes d'agression de Gidon Kremer dans sa passion mystique. Dans ce monde sonore légèrement diffracté, il est fort possible que le Behringer et le Matrix sonnent pareils. C'est là un choix tout personnel et qui ne regarde que vous.
Mais pour répondre à la question initiale: est-ce que le Matrix est un "giant killer"? Non. C'est une petite merveille de DAC, mais il ne sait pas se faire totalement oublier. Comme entrée en matière dans le monde des DAC externe, magique. Comme deuxième DAC, peut-on faire mieux?
Mais pour une véritable expérience audiophile, c'est un peu court. Juste un peu.
P.S. Autres variables du test:
source: sortie RCA du SPDif Module de Asus pour mobo P5GC-MX 1333 /
Logiciel: J.River Media Center v. 15 (avec Replaygain et contrôle de volume digital) /
Ampli: Atma-Sphere S30 Mk. II /
Enceintes: Nirvana 2-voies haute efficacité
lundi 1 novembre 2010
Sur la platine: Paul Bley, le Montréalais qui a ouvert la route à Keith Jarrett
Je ne suis pas souvent parmi vous ces jours-ci. Ceux qui me croisent sur les forums audios savent qu'entre deux contrats éreintants je prépare plusieurs changements dans ma chaîne audio, et que l'écriture a par conséquent pris la voie de traverse pour un temps. Ce qui m'empêche de vous parler des excellents albums que j'écoute en ce moment, le magnifique et automnal Letting Go de Bonnie Prince Billy (William Oldham de son vrai nom, un auteur-compositeur superlatif et mystérieux, qui a donné à Johnny Cash une de ses plus déchirantes interprétations tardives, l'émouvante I See A Darkness), ou ce magnifique coffret quadruple de Otis Redding, le chanteur préféré de Peter Gabriel (vous ne faîtes pas le lien? Écoutez un après l'autre Washing of the Water de l'archange, puis Try A Little Tenderness de Otis, et vous aurez tout compris sur l'admiration profonde de l'un pour l'autre)...
Enfin bref, j'écoute beaucoup de musique, mais très peu d'albums. Et ce soir, au gré des choix spontanés sur le serveur, rien ne m'a paru plus beau que l'ultime Mondsee Variations de Paul Bley...
Un disque qui, ultimement, me résiste. Difficile, parce que somme, et que moi, je suis plutôt déficitaire. Un peu déficitaire de l'attention, et que ce disque, les Mondsee Varations, demandent toute votre intellect et votre coeur. Somme d'une vie consacrée au piano, d'un Montréalais qui approche les 80 ans (dur à croire) et qui a marqué le piano jazz.
Les plus potineux d'entre vous ont déjà remarqué qu'il partage le patronyme de Carla Bley, la géniale et rouquine arrangeure-compositrice, qu'il aurait rencontré alors qu'elle vendait des cigarettes au Birdland. Presque trop jolie anecdote. Paul Bley a aussi fait ménage avec Annette Peacock, une des femmes les plus fascinantes que vous n'entendrez jamais sur disque. Mettez la main sur X-Dreams, et vous comprendrez que le David Bowie des grandes années la voulait dans son groupe. Mais je m'égare. Encore.
Paul Bley était aux avants-gardes de la révolution free-jazz avec Ornette Coleman, ceci expliquant peut-être cela: cet anonymat relatif dans lequel beaucoup de protagonistes de l'inécoutable mouvement des années soixante sont plus ou moins tombés. Disons qu'on ne les voit pas souvent dans notre vénérable Festival de Jazz.
C'est pourtant au sein de la très respectable et lumineuse étiquette ECM que Paul Bley va tracer un chemin dans lequel pourront s'engouffrer à sa suite plusieurs générations de pianistes, Keith Jarrett en tête. L'étiquette était toute jeune, on est en 1971, le pianiste n'a pas encore 40 ans et il offre, avec Open, To Love, 43 minutes de piano solo, sans cadres, sans swing, juste la liberté de créer des paysages rythmiques et sonores qui seront la quintessence du label plus tard. La présence de compos de ses femmes (dont la magnifique Ida Lupino de Carla Bley) ne nuit pas. Le Facing You de Keith Jarrett allait suivre peu de temps après, et ECM ne regarderait plus jamais en arrière.
Bley non plus, qui ne renouvellera à peu près jamais le cadre du piano solo, laissant le chant (sic) libre à d'autres. Jusqu'à ce disque. Les Mondsee Variations. Enregistré en 2001, lors d'un Festival en Autriche, pour ECM justement... Voyez,ça fait la boucle. Les Mondsee Variations sont 10 impros et 55 minutes de piano solo qui renvoient, comme un miroir, l'écho de son Open, To Love, avec sans doute moins de lyrisme et plus de méditation, plus de questionnement métaphysique, de silences abstraits et d'emportements genre fin-de-vie. C'est pas une oeuvre facile. Ce sont dix pierres polies par une vie au piano, à exprimer la gamme des émotions compliquées qui nous traversent et des peurs métaphysiques qui nous envahissent.
Et on pourrait causer longtemps, comme j'ai tendance à le faire sur ce blogue. Mais ce soir, quand la 10e Variation a joué sur mon serveur, au milieu de plein d'autres choses, c'était comme le moment, pour que ça connecte, pour que chaque note, chaque jeu sur le temps, chaque tressaillement des touches me parle... me fasse sentir la mortalité, les amours fatigués, et l'automne qui fait comme une huile grise sur nous. Comme si la BP nous avait pissé dessus. Un dialogue croisé entre deux êtres reliés par le fil ténu d'un CD rippé. C'est fou ce que la musique peut faire.
Est-ce que c'est beau, ce disque? Mets-en que c'est beau. Mais c'est la vraie beauté: pas l'aguicheuse, ni la romantique. C'est la beauté minérale de l'âge. Et elle est pas toujours facile à aimer.
Enfin bref, j'écoute beaucoup de musique, mais très peu d'albums. Et ce soir, au gré des choix spontanés sur le serveur, rien ne m'a paru plus beau que l'ultime Mondsee Variations de Paul Bley...
Un disque qui, ultimement, me résiste. Difficile, parce que somme, et que moi, je suis plutôt déficitaire. Un peu déficitaire de l'attention, et que ce disque, les Mondsee Varations, demandent toute votre intellect et votre coeur. Somme d'une vie consacrée au piano, d'un Montréalais qui approche les 80 ans (dur à croire) et qui a marqué le piano jazz.
Les plus potineux d'entre vous ont déjà remarqué qu'il partage le patronyme de Carla Bley, la géniale et rouquine arrangeure-compositrice, qu'il aurait rencontré alors qu'elle vendait des cigarettes au Birdland. Presque trop jolie anecdote. Paul Bley a aussi fait ménage avec Annette Peacock, une des femmes les plus fascinantes que vous n'entendrez jamais sur disque. Mettez la main sur X-Dreams, et vous comprendrez que le David Bowie des grandes années la voulait dans son groupe. Mais je m'égare. Encore.
Paul Bley était aux avants-gardes de la révolution free-jazz avec Ornette Coleman, ceci expliquant peut-être cela: cet anonymat relatif dans lequel beaucoup de protagonistes de l'inécoutable mouvement des années soixante sont plus ou moins tombés. Disons qu'on ne les voit pas souvent dans notre vénérable Festival de Jazz.
C'est pourtant au sein de la très respectable et lumineuse étiquette ECM que Paul Bley va tracer un chemin dans lequel pourront s'engouffrer à sa suite plusieurs générations de pianistes, Keith Jarrett en tête. L'étiquette était toute jeune, on est en 1971, le pianiste n'a pas encore 40 ans et il offre, avec Open, To Love, 43 minutes de piano solo, sans cadres, sans swing, juste la liberté de créer des paysages rythmiques et sonores qui seront la quintessence du label plus tard. La présence de compos de ses femmes (dont la magnifique Ida Lupino de Carla Bley) ne nuit pas. Le Facing You de Keith Jarrett allait suivre peu de temps après, et ECM ne regarderait plus jamais en arrière.
Bley non plus, qui ne renouvellera à peu près jamais le cadre du piano solo, laissant le chant (sic) libre à d'autres. Jusqu'à ce disque. Les Mondsee Variations. Enregistré en 2001, lors d'un Festival en Autriche, pour ECM justement... Voyez,ça fait la boucle. Les Mondsee Variations sont 10 impros et 55 minutes de piano solo qui renvoient, comme un miroir, l'écho de son Open, To Love, avec sans doute moins de lyrisme et plus de méditation, plus de questionnement métaphysique, de silences abstraits et d'emportements genre fin-de-vie. C'est pas une oeuvre facile. Ce sont dix pierres polies par une vie au piano, à exprimer la gamme des émotions compliquées qui nous traversent et des peurs métaphysiques qui nous envahissent.
Et on pourrait causer longtemps, comme j'ai tendance à le faire sur ce blogue. Mais ce soir, quand la 10e Variation a joué sur mon serveur, au milieu de plein d'autres choses, c'était comme le moment, pour que ça connecte, pour que chaque note, chaque jeu sur le temps, chaque tressaillement des touches me parle... me fasse sentir la mortalité, les amours fatigués, et l'automne qui fait comme une huile grise sur nous. Comme si la BP nous avait pissé dessus. Un dialogue croisé entre deux êtres reliés par le fil ténu d'un CD rippé. C'est fou ce que la musique peut faire.
Est-ce que c'est beau, ce disque? Mets-en que c'est beau. Mais c'est la vraie beauté: pas l'aguicheuse, ni la romantique. C'est la beauté minérale de l'âge. Et elle est pas toujours facile à aimer.
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