lundi 30 mai 2011

Ray LaMontage au St-Denis: No-Frills Ray! [AJOUTS]

http://teezayyy.deviantart.com/art/Ray-Lamontagne-42438441

Intéressante soirée au St-Denis hier, avec le plus stylé et lumineux des folk-singers modernes, Raymond LaMontagne, troubadour du New Hampshire ayant grandi au Maine, tout près d'ici.

Dans le quatuor des barbus aux voix de cendres qu'il forme (bien involontairement) avec Bonnie "Prince" Billie, Bon Iver et Samuel Beam (Iron & Wine), Ray LaMontagne est mon préféré.  Je n'ai qu'un album de l'homme, Till The Sun Turns Black, mais je connais peu de disques plus envoûtants, plus majestueux dans leur poignante musicalité: compos aériennes, arrangements luxuriants, et cette voix qui comprend plus d'harmoniques qu'un choeur bulgare... il y a dans son art une luminosité d'aurore, et une musicalité dénuée de toute gimmick, de tout artifice: c'est profondément émouvant. Un peu comme si Nick Drake avait survécu à son spleen et avait trouvé la sérénité... et une inspiration folk américaine.



L'histoire de l'homme est tout aussi intéressante que son art: se détournant de la musique à cause d'un père musicien violent qui a éventuellement abandonné sa famille, le jeune Ray se réfugie dans la forêt pour lire de la littérature fantastique. Employé d'une manufacture de chaussures, il se réveille un matin au son d'une pièce de Stephen Stills, ce magnifique guitariste et folk-singer, et comprend instantanément que sa vie a changé. Il se réconcilie avec son ADN musical et se met au travail.

Et nous voici, quelques années plus tard, à avoir rempli le Saint-Denis (sold-out!) pour cet artiste effacé, absent des ondes radios, et pourtant récipiendaire d'un Grammy, doté d'une voix unique et d'une vision artistique tout aussi unique. Dont l'art est si précieux qu'il a trouvé son chemin, simplement, "old style", à force de tournées et de disques; le lit d'un ruisseau s'est creusé et est devenu rivière.

Et donc, nous étions nombreux à l'attendre impatiemment, et il a fallu effectivement s'armer de patience; ce n'est pas un, mais deux "premières parties" qui ont précédé le folk-singer.


Au lever de rideau, une dynamique jeune Mexicaine de 25 ans, ex-actrice de telenovela , Ximena Sariñana, seule avec son clavier, son ordi et un batteur décidé à lui donner tout le support nécessaire. Difficile de ne pas la trouver sympa: elle a fait taper du pied ceux qui ont bien voulu l'écouter: beat vitaminé, des arrangements futés aux claviers, et une voix puissante et expressive qui rappelle vaguement une Sinéad O'Connor qui broirait de l'Ecstasy plutôt que du Pain Noir. Sans trop se laisser démonter par un public en plein transit, elle nous a donné cinq ou six chansons bien envoyés, avec en finale, seule au piano, une "torch song" assez émouvante, façon Fiona Apple. Je l'aime bien, allez, je vous invite à écouter son clip. Elle a failli gagner un Latin Grammy l'an dernier, et je me dis que peut-être en entendrons-nous beaucoup parler dans le futur. Et pourquoi pas? Une Björk sud-américaine ne ferait pas de tort au paysage musical, non?


En seconde partie, il faut honnêtement le dire, la très dynamique chanteuse de Seattle Brandi Carlile a fait tout un tabac. Allait-elle refaire à Ray le coup qu'avait fait Melissa Etheridge à Bruce Hornsby il y a plusieurs années dans ce même théâtre, en lui volant son public? Peut-être pas, mais miss Carlile a une voix magnifiquement texturée, des musiciens complices, un solide sens de la scène et un folk-country-rock bien foutu. Sentant le public réceptif et le flattant dans le sens du poil (You're such great listeners!), elle s'est lancée dès la troisième pièce dans un numéro complètement "unplugged" qui lui a valu une ovation. Variant bien le rythme et les ambiances, très à l'aise, on a cru un moment qu'elle allait s'incruster (deux rappels!) et s'est arrangée pour qu'on se rappelle d'elle.  Rien de foudroyant ou d'indispensable, mais du solide, du pro, du senti. Avis aux ambitieux: la jeune femme n'est pas signée! Bizarre quand même. On peut dire qu'en fait de premières parties, Ray a du goût!




Mais on était là pour Ray...

Et passé 22 heures, Ray nous a finalement gratifiés de sa présence. Une présence toute différente de miss Carlile: se plaçant en périphérie du demi-cercle de musiciens, le corps tourné non pas vers la salle mais vers son "band", Mr LaMontagne n'a rien d'une bête de scène ou de l'entertainer, et tout de l'artiste qui s'appuie d'abord et avant tout sur la musique.  Sa voix évidemment splendide, sa présence musicale, la solidité évidente de ce groupe, les Pariah Dogs, voilà tout ce qu'il fallait pour remplir le St-Denis de bonnes et généreuses "vibes". À un fan qui voulait entamer la conversation, il avoue placidement: Talking is not really my style... Sobriété voulue (et d'ailleurs, pas un mot de français), mais interprétation sentie. 

Ray a quand même raconté une expérience d'enregistrement récente, dans une immense grange sans électricité ni eau, mais grandiose et lumineuse qu'il aurait donc acquéri, où il a enregistré deux nouvelles pièces qu'il nous a joués. Et l'écoutant raconter, avec un plaisir évident, ce moment passé à faire de la musique avec son "band", on imagine très bien son quotidien. On le voit très bien, entrer dans le grand espace vide de la grange, se tourner vers son band, taper le rythme au talon et remplir la salle d'accords de guitare et de sa voix lumineuse... Et on comprend que, public ou pas, la musique permet à Ray LaMontagne d'entrer dans un espace sacré, dans une dimension intérieure qui rendent son art unique, et son country-folk incroyablement stylé.

(D'ailleurs, on peut croire sans peine que le prochain Ray est déjà sur le liste d'achats de chaque spectateur au spectacle, tant la première des deux nouvelles pièces interprétée était superlativement émouvante).

Un mot rapide sur le groupe, les Pariah Dogs: un guitariste, une bassiste, un batteur, un joueur de lap-steel coiffé d'un couvre-chef à la Stevie Ray Vaughn. Solidité à tous les niveaux (bien que la sono ait transformé la basse en one-note bass), batterie à la fois fluide et solide, et une lap-steel exactement à mi-chemin entre la terre et le ciel, pas si loin des ambiances cinématographiques de Daniel Lanois, avec sans doute une assise country plus affirmée. Un groupe aussi à l'aise dans le folk céleste que dans un rock plus carré ou dans un blues-rock bien gras (dans lequel l'ami Ray nous a fait entendre de l'harmonica juste assez sale).  Avec un groupe aussi solide et soudé, Ray LaMontagne peut aller à la guerre.

Alors, voilà. Moins de 90 minutes plus tard, c'était fini. J'ai vu Ray LaMontagne, et je vous dirais qu'il ne vous donnera guère sur scène plus que sur ses disques. Mais quand notre musique atteint ce niveau de qualité, ce n’est peut-être pas nécessaire.

No-Frills Ray est son surnom, dorénavant.

Voilà à quoi ça ressemble...




Allez, parce que je vous aime bien, un lien vers un blogue très intéressant où vous pourrez entendre un duo entre Ray et une jeune artiste du nom de Rachael Yamagata. Avouez que c'est joli. Je parle de la musique, bien évidemment. Da...

http://luxilluminates.com/wp-content/uploads/2009/11/Rachael+Yamagata.jpg

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