dimanche 14 juin 2009

1959 Apex Jazz 1ère partie. Brubeck, Miles et Mingus à leurs sommets!


1959, apex du jazz... Ah oui, mais merde j'étais pas né. Heureusement, il y a les rééditions! Heureusement, les disques existent, et cette musique tour à tour mélanco, sombre, euphorique, joyeuse, ludique, et battante peut encore résonner dans notre époque qui en a bien besoin. Écouter du vieux jazz et après écouter, je sais pas moi, n'importe quelle merde boostée aux stéroïdes comme en vomit l'industrie à la pelletée, anxieuse de voir sa merde se changer en or, c'est comme voir une bande de vendeurs du temple envahir le Temple en hurlant JE SUIS À VENDRE! Bon, on se calme.

1959, donc. Le jazz était encore à l'époque une musique populaire. Lire: le free-jazz n'allait pas tout brûler sur son passage, laissant un paysage dévasté, émouvant et beau, mais aussi un peu déprimant et déserté. Cette année-là, 1959, le jazz est à la fois une grande musique savante et une grande musique populaire et trois albums définitifs, tous sous étiquette Columbia, demeurent les fondements de toute discothèque de jazz, aussi rudimentaire soit-elle: Ah Hum de Charles Mingus, Kind of Blue de Miles Davis et bien sûr, le joyeux, ludique, subtil Time Out de Dave Brubeck.

Et, joie ultime, Sony (qui possède le catalogue) lance sur le marché de copieuses rééditions: les 50th Anniversary Legacy Editions.

Bon, Kind of Blue, vous connaissez bien sûr, parce que c'est le premier disque de jazz que vous avez écouté, on en est tous là... Ah Hum, j'y reviendrai, c'est déjà plus viril, les années '60 pointent le bout de leur nez, revendicatrice, et Charles Mingus, contrebassiste qui écrira une autobio intitulée Comme un chien enragé sait marier politique et musique...



Mais le thème inusable, omniprésent de l'année 1959 demeure bien sûr Time Out de Dave Brubeck, entendu dans dix mille compilations et joué dans tous cafés du monde, tellement qu'il est bien possible que vous ayez rangé ça dans le département musique de matante. Il y a dans ce petit morceau tellement de grâce mélodique et de ludisme rythmique qu'on a l'impression d'entendre la bande-son super-futée d'un cartoon. Au milieu de l'époque hard-bop et cool jazz, Take Five fait tache... Radicalement différent du balancement incessant et bluesy du jazz en 4/4, des déclamations viriles des Sonny Rollins et John Coltrane et du blues intense de Miles, il y a ce petit bijou de disque où un pianiste blanc s'amuse à défaire les patterns rythmiques et dialogue sans cesse avec son batteur, ne laissant à l'alto de Paul Desmonds que des apparitions hyper-colorées et caractéristiques, des petits morceaux de bravoure de coyote tombant pour la millième mois de sa falaise, poussé par les accords plaqués du piano de Brubeck.

Que voulez-vous, ce disque est joyeux et ne cache pas sa joie. Blue Rondo a la Turk, Kathy's Waltz, on cache mal son sourire, on a l'impression que Peter Sellers devait écouter ça le matin avant d'aller travailler sur le plateau de la Panthère rose; j'ai l'impression que Brubeck est plus près de Ellington que de Charlie Parker dans son vocabulaire musical, mais ne me citez pas, c'est peut-être une connerie.

Tout à fait surprenant d'entendre ce disque après des doses sévères récentes d'enregistrement de l'omniprésent Rudy van Gelder (qui sévissait partout ailleurs à l'époque, et surtout chez Blue Note): la production de Teo Macero (futur producteur de Miles) , enregistrée par Fred Plaut et Robert Waller, se distingue radicalement des Blue Note, Riverside et autres: enfin un piano qui a du volume et du poids, et ça valait mieux, parce que c'est l'orchestre d'un pianiste quand même, et il ne se contente pas d'être un soutien rythmique. Curieux, quand même, cet écho sur l'alto de Paul Desmonds, et même sur la batterie, qui se disputent le canal gauche. Très très différent de Rudy, qui a le don d'exciter les cuivres, et au son duquel on devient vite accro...

Les remasters de Time Out sont presque innombrables! Un seul serait absolument à éviter: le Columbia Jazz Masterpiece (une série très impopulaire, avec une bordure mauve)...Enregistré sur 3-pistes, Time Out existe en mono (fouillez les bacs usagés de vinyles), en stéréo (recréée à partir du 3-pistes) et en 3-canaux sur un SACD hybride. La version stéréo est contenue dans les bandes originales 3-pistes. Elle fut modifiée (compression & écho) dans un mixdown 2-pistes subséquents. Mais les remasters courants, de l'excellent Mark Wilder, délaissent le 2-pistes d'époque et partent tous du 3-pistes. Alors que le Gold CD SuperBitMap (que j'écoute en ce moment) a été mixé/masteré avec un équipement transistor, Wilder a utilisé de l'équipement à tubes dans les versions plus récentes (Legacy, SACD).

Et qu'en est-il de la 50th Anniversary Legacy Edition? Elle est complétée d'une prestation "live" du Dave Brubeck Quartet au Festival de Newport et d'un DVD docu... manière de plonger dans le genèse d'un des chefs d'oeuvre de cette année pas comme les autres.

Ça vaut le coup? Voici ce qu'en dit le site All About Jazz:

The crown jewel of this edition, however, has to be the bonus disc featuring the same quartet from Time Out in various performances at the Newport Jazz Festival in 1961, '63 and '64. It's hard to describe the thrill of listening to this classic ensemble playing at its very best and to audiences whose enthusiasm equals that of the performers on stage. Highlights include the haunting, noir-ish "Koto Song," as well as Brubeck's magnificent solo work on "Pennies From Heaven."

Bonne écoute!

Excellent résumé
... de la part de Chris, sur le forum Stevehoffman.tv:
Here, here. With all the hype and exposure, it's probably a bit of a victim of its own success as the saying goes, making it easy to overlook what a delightful album it is. Brilliant concept for an album, execution well up to the task. Such melodic work, immesurably important to its success, that belies - to some - the nuts and bolts of the central theme of working with the time. It's also done so much more than its share for winning ears to give jazz a further listen.


Trivia
Teo Macero, futur architecte du très complexe travail d'édition de Bitches Brew a le rasoir agile... On entend nettement un travail d'édition, à 1:51 de Take Five.

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