jeudi 3 janvier 2008

Keith Jarrett: le jazz libre

Ah oui, la vie est dure, on peut le dire. Nos chemins sont parfois des sauts de puces entre les obstacles, ou de pénibles sessions d'esquive... des tentatives de dialogue qui échouent, des aspirations qui ne trouvent plus leur écho, des spirales dans le malentendu, des dialogues ratés, avec des entrées de scène laborieuses et des sorties trébuchantes. Ah oui, nous sommes de petites imperfections dans le film chaotique d'un scénariste apparemment absent au drame.

C'est probablement lorsque la vie m'épuise émotionnellement que j'apprécie le plus les enregistrements live de jazz. Pourquoi? Probablement à cause de la liberté de pensée du jazz, parce que la voix du musicien y est la plus proche du dialogue libre, cris, chuchotements, déroulement de la pensée en circonvolutions avec dialogues incessants; transformation libre des thèmes qui se débarassent de leur carcans pour de longues minutes, étirant toutes leurs possibilités. Le jazz est la musique de la parole, de l'expressionnisme. Et bien sûr, presque tout le jazz a dans son ventre un fond de blues, un terreau de douleur qui communie avec la douleur.

Ce soir était donc un soir de jazz, et j'ai choisi l'enregistrement du trio de Keith Jarrett, Gary Peacock et Jack DeJohnette au Blue Note de New York pour aller ailleurs voir si j'y étais. Pour le plaisir de la complicité presque parfaite de ces trois vieux routiers qui portent à la fois un puits de sagesse et une fraîcheur de communication remarquable.

Et même si j'avoue que pour un soir de déprime l'énergie manique de Keith Jarrett peut être difficile à prendre, il faut bien avouer que la 4e plage (You Don't Know What Love Is/Muezzin) est un absolu de communication télépathique entre musiciens, un 20 minutes où tout se dissout pour se mettre au pas de la pulsation de DeJohnette, dans les conversations à voix basses de ces trois vieux mages qui ont vu neiger...

C'est un disque ECM, ce qui signifie, bien sûr, un excellent son; mais dans le contexte d'un live dans un club new-yorkais (et le Blue Note n'est vraiment pas grand), la réverbération si associée à l'étiquette allemande est absente et, par exemple, le son de la batterie est particulièrement punchée et ne manque pas d'impact.

(Aparté: j'aime bien la stéréophonie et la préfère au multi-channel; mais dans le cas d'un enregistrement live, particulièrement dans un petit club, je trouve toujours surréel que les applaudissements viennent de l'avant, alors que je suis dans l'audience! Dans ces moments, l'ambiance de moniteurs arrière me manque.)

Keith Jarrett At The Blue Note - Saturday- June 4th, 1994 - 1st Set
ECM 1577

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