jeudi 30 avril 2009

Cinq minutes pour faire le tour du monde

Pas de questions. Pesez sur PLAY et ne partez pas. Stand By Me.


Playing For Change | Song Around The World "Stand By Me" from Concord Music Group on Vimeo.

Équipement: des moniteurs de rêve


Pour les amateurs de "hardware":

Steve Hoffman a écrit récemmentr un "post" intitulé I've found the mixing/mastering speaker of my dreams.. les enceintes ATC, SCM-150ASL sont l'objet de sa passion et nul doute qu'à 16 000$ la paire, elles resteront un fantasme dans mon cas. Mais j'aimerais bien les entendre un jour.

Intéressante comparaison de la dynamique entre les versions vinyle et CD du dernier Dylan sur le blogue musical Flowering Toilet... Devinez lequel des deux médiums a droit au mastering le plus dynamique? On va lire ici.

Sur la platine: Les nuits langoureuses (et tranquilles) de Diana Krall... la Passion de Jeff Buckley

Coup dur professionnel, aujourd'hui. Recherché pour ma soirée musicale: apaisement... et pourquoi pas, opulence. Dans le sens monétaire du terme.

C'était mon anniversaire dernièrement, et ma fille, avec qui je partage une passion pour Radiohead et le Robert Charlebois des années boogaloo, m'a offert deux disques, situés aux antipodes dans le spectre sonore: le dernier Malajube (Labyrinthe) sur lequel je reviendrai et le dernier... Diana Krall, appelé judicieusement Quiet Nights.

Ma fille encourage les artistes de chez nous. Elle a toujours eu le coeur à la bonne place!

Et Diane Krall encourage la vente de disques en jazz. L'ex-protégée du label montréalais Justin' Time est aujourd'hui la vedette incontestable de la pléthore des chanteuses regroupées sous le parapluie de plus en plus large et confortable du jazz. Et ce dernier disque, avec grand orchestre, ne risque pas de lui aliéner son vaste public.

Les disques de chanteur avec orchestre ne sont pas toujours des galettes reposantes. Frank Sinatra et Billie Holiday ont offert des albums déchirants (et un peu déprimants) sous cette formule; Diana, elle, nous offre de la langueur, et elle y met tout le considérable goût dont elle a hérité, sans oublier le considérable talent de ses collaborateurs et son joli timbre de voix, avec cette tessiture juste assez rauque pour suggérer qu'on a affaire à une chanteuse qui a goûté à la vie et qui sent les choses.

C'est donc plage langoureuse après plage langoureuse, des standards archi-connus, dans un écrin sonore somptueux, et cette voix qui habite chaque note, sans trop forcer, sans trop de passion, mais avec beauté, avec talent, avec goût... nuit tranquille, on vous l'a dit.

[À comparer, son album de compos avec son Costello de mari, l'excellent The Girl In The Other Room, est presque atonal, tellement on prend soin de nous lécher l'oreille dans celui-ci.]


Un bon mot pour le mixage? Allons-y: je 'suis pas un spécialiste, mais quelqu'un qui réussit à nous faire goûter la somptuosité d'un large orchestre, dans toute sa richesse harmonique, tout en préservant une intimité de chambre à coucher à la voix, sait faire son boulot. Le son est excellent, et c'est pas Doug Sax, au mastering, qui va saboter le boulot!

Un seul reproche à la sensuelle blonde de Colombie-Britannique: était-il nécessaire de nous servir une millionième version (un peu indifférente d'ailleurs) de The Girl Of Ipanema (commodément rebaptisé The Boy... z'auraient dû garder le texte orginal, ç'aurait été plus épicé) et de Quiet Nights de Jobim? On aurait apprécié un répertoire un peu plus surprenant, comme par exemple l'excellente ballade des Bee Gees première époque, How Can You Mend A Broken Heart? servi en bonus ici.




Transition maintenant... on passe à quelque chose de plus substantiel...

C'est entendu. Nous mourons tous un jour. Nous mourons tous, trop tôt. Mais lui est vraiment mort trop tôt. Quel gâchis.

Or, le jour de l'enregistrement de cet album, ce sont les promesses d'un grand avenir qui sont éternisées. Et écouter aujourd'hui Jeff Buckley chanter au Sin-É Café de New York a quelque chose de poignant.

Nous sommes en 1993. Il a 23 ans, et il roule sa bohème depuis déjà sept ou huit ans, ayant quitté le confort de la maison familiale en Californie pour se frotter à la vie de la rue. Maintenant, ayant traversé le continent, il se présente, guitare à la main, avec sa belle gueule de poète, dans tous les bouges new-yorkais, donnant deux, trois spectacles par soir, offrant sa musique, sa voix, sa vie à la bohémienne new-yorkaise, en échange d'une bière, d'un café, d'un repas chaud, d'un divan dans un loft. On croirait lire Chronicles de Bob Dylan, 30 ans plus tard. Et tout comme elle avait signé le jeune Bob Zimmerman contre toute attente en '62, permettant à un grand poète de toucher un vaste public, la compagnie de disques Columbia, ayant eu vent de ce jeune homme qui remplissait les cafés et électrisait les clients le long d'interminables concerts improvisés, signe Jeff Buckley, fils du regretté Tim Buckley, disparu prématurément après un parcours météorique dans les années '70.

Mieux encore: faisant preuve d'une intuition magnifique, désireux d'enregistrer Jeff dans son habitat naturel, Columbia détache une équipe d'enregistrement pour aller l'entendre là où il se sent le mieux: dans le minuscule Café Sin-É.

Ce sont donc deux sets au Sin-É qui sont éternisés sur cette Legacy Edition, deux CD et un court DVD en prime. Où le jeune bohème nous livre des versions "unplugged", déjà magnifiques, de ses compos qui gagneront des tonnes d'électricité dans quelques mois, lors de l'enregistrement de son unique album studio, le magnifique, l'inoubliable Grace. Et où Jeff rend hommage à ses inspirations, en les interprétant de cette voix unique, tout autant Robert Plant que Nina Simone, qui reste gravée dans les mémoires: Van Morrisson, Bob Dylan, Leonard Cohen, Led Zeppelin, Billie Holiday et bien sûr, son idole, Nina Simone...

On a le coeur gros en l'entendant évoquer sa propre mort dans "Grace"... ou monologuer sur la "vie trop courte qu'on ne doit pas laisser empoisonner par les hommes qui vivent à l'abri de leurs bureaux" avant de se lancer dans une interprétation vibrante de "Eternal Life", une de ses plus belles pièces. Et puis il chante "Calling You" de la bande sonore de Bagdad Café, et on voudrait que ça ne s'arrête jamais.

Lisez le très beau témoignage d'une amie dans les notes de pochette, reproduits ici... Vous aurez l'ambiance de l'enregistrement, qu'on a eu le bon goût de ne pas essayer de "nettoyer".



Moins de quatre ans plus tard, entre deux sessions d'enregistrement de son second album, pour faire rire les copains, il plonge dans le Mississipi, qui n'a jamais, à ce jour, rendu son corps.

RIP Jeff.

mardi 28 avril 2009

Le nouveau Dylan arrive aujourd'hui...


... et les critiques du monde entier sortent leurs plus belles plumes, ne serait-ce que pour ne pas trop pâlir face à leur sujet. Le barde de Minneapolis, à l'aube de ses 70 ans, continue d'ajouter des strophes à sa riche chronique de l'Amérique, comme une sorte de passeur de songes, de mythes et de légendes dont la terre noire ne finit plus d'être ensemencée par le passé. Dylan n'innove plus depuis longtemps, mais il est devenu plus indispensable que jamais. Au milieu des vendeurs du Temple du rock, les financiers de l'entertainement et les holding financiers qui pillent depuis longtemps la musique pop, il est le trait d'union entre les shouters de blues, les folk singers, Tin Pan Alley, le rock déluré des années '60, le psychédélisme et les egos boursouflés du classic-rock; il a tout vécu de cette fabuleuse épopée de la musique américaine dont il est le poète absolu, sorte de Faulkner en roue libre dont le steam of consciousness semble dorénavant inépuisable...

Extrait d'une critique, celle du Telegraph anglais:

"Some people they tell me I have the blood of the land in my voice," sings Bob Dylan on I Feel A Change Coming On. If so, it is a land that is almost shattered: hard-lived and careworn, yet stoic and even darkly humorous in the face of the inevitability of struggle. It is, above all, rich with ambiguity, located in the cracks between high idealism and base corruption. Dylan is the greatest poet songwriter of the modern era. In his 68th year (on his 33rd studio album) we continue to pay revenant attention, even though he wheezes and croaks, offers up Tin Pan Alley rhymes and oft-used melodies. Together Through Life is a beautifully played collection of antique blues pop."
I have the blood of the land in my voice... Que voulez-vous ajouter après ça? Espèce de Grand Corbeau va! 4 étoiles dans le Guardian, 4 étoiles dansle All Music Guide, même chose dans Rolling Stone.

lundi 27 avril 2009

Makin Whoopee, sur les Beatles

Le forum de Steve Hoffman, sur lequel doit apparaître une douzaine de fils de discussion sur les Beatles par jour a complètement explosé depuis l'annonce, tellement espérée, de la sortie des remasters, le 9 sept 09. Et en ce moment, un fil particulièrement hilarant demande aux Beatlemaniaques quelles sont les pièces qui ont accompagné leurs ébats amoureux (pour paraphraser le OP: making whoopee)...
Réponse hilarante de "hello people":
Misery
It Won't Be Long
Not A Second Time
I Should Have Known Better
et le poster zebop de répondre à son tour:

I'm a Loser
Fool on the Hill

I was alone at the time...

Ne venez pas vous dire qu'on ne vous tient pas au courant des choses importantes.

Sur la platine: le Keith Jarrett Trio, Sinead O'Connor, la dernière production de Daniel Lanois


Il y a bien longtemps que je ne me suis pas arrêté pour écrire quelques lignes...

Rien à dire, rien à écouter. Même pas envie. Une pause pour livrer quelques guerres de la vie quotidienne, de la vraie vie.

Quand je regarde Obama et ses guerres à lui, je vois un super-héros. Pas de farces. Je pourrais même pas lacer ses chaussures.

Et puis j'avais débranché mes enceintes principales, pour toutes sortes de raisons logistiques. Mon système des dernières semaines, activé en travaillant, consistait en une carte Audigy branché à un ampli Denon 250 des années '80 et mes vénérables Rogers LS 3/5a. Bonjour la compression sonore!

Je vais vous dire: hier, j'ai pris le temps de rebrancher quelques éléments et de replacer mes enceintes à leur position optimale; malgré les tubes affaiblis de mon Atma-Sphere et l'utilisation d'un modeste Oppo 981 comme source, j'ai retrouvé le plaisir sensuel et esthétique de la musique. Mieux: le plaisir spirituel; cet indéniable pouvoir, si élusif à la recherche scientifique, si facile à trahir par nos mots, qu'a la musique.

Vous avez lu l'entrevue avec Olivier Sacks dans la Presse du dimanche? Passionnant. L'être humain et son étrange musicophilie. Son rapport à ce langage sans véritable sens qu'est la musique. Il faut que je lise le dernier livre de ce réjouissant neurologue qui avait écrit le passionnant L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau.

Si l'être humain a vraiment une part de Dieu caché quelque part dans sa masse adipeuse, comme certains le pensent et comme d'autres l'espèrent, faut la chercher dans les zones excitables par la beauté, la musique, la littérature, la poésie.

Bon, et ces albums qui sont venus titiller ma zone musicophage hier?

D'abord, déjà un 4e disque live tiré des concerts 2001 du Keith Jarrett Trio. Peacock, DeJohnette et Jarrett tiennent le flambeau des grands standards visités avec respect, lyrisme, muscle, profondeur, depuis 25 ans. Ici, de nouveau, des standards archi-connus. Pourquoi le grand, l'immense compositeur de Facing You et de l'impro des concerts de Cologne (Köln Concert) fait-il autant de standards en "live"? Parce que, dira-t-il à un journal de LA,
"We know how musical these songs are...Jazz musicians don't have to always break down doors: there's music inside the rooms too."
Et la musique, enfermée dans les portes cloisonnées de ces standards, ils la trouvent, la magnifient, la spiritualisent, nous l'apportent dans des architectures toujours passionnantes, tendues par l'explosif DeJohnette (et qu'est-ce que les ingénieurs ECM savent saisir une batterie!) et emportées au septième ciel par l'inusable Keith Jarrett.

On peut préférer l'esprit plus moderne d'un Brad Mehldau et ses audacieux choix de standards modernes (Radiohead, Nick Drake, Beatles, Paul Simon). Mais ces live du Keith Jarrett Trio sont comme une célébration de liberté musicale, de virtuosité et de respect de l'histoire du genre. Pour ma part, qui ne fait que gratter la surface de l'immense héritage de Jarrett, chaque nouveau disque demeure un grand moment.


La transition suivante paraît brusque? Pas tant que ça... Rien de tel qu'une discussion sur le Steve Hoffman Forum pour vous donner l'envie de renouer avec un disque oublié... l'annonce de la sortie d'une édition double Deluxe de I Do Not Want What I Haven't Got, le disque-phare de la superbe Sinéad O'Connor, a donné lieu aux spéculations habituelles sur la qualité sonore du remastering, qui sera sûrement "compressed with squashed dynamics and disastrous EQ", une sorte de mantra obligatoire chaque fois qu'une annonce similaire est faite. Un membre s'est quand même risqué à dire que, selon lui, l'édition originale "sounded like garbage". Réaction stupéfaite des autres... et pour cause!

Rendons justice au mastering original canadien, pressé entre autres chez nous chez Cinram (VKW-41759): ce disque sonne magnifiquement et Sinéad, alors toute jeune, et seule aux commandes (compos et production) a bâti un grand disque rock, surprenant dans ses arrangements, et d'une sincérité qui fait presque mal dans ses textes et ses interprétations mordantes. Avec en prime une des meilleures compos de Prince (le grand hit "Nothing Compares To U"). Est-ce que le rock peut être vraiment meilleur que ça? Mettez The Last Days of our Acquaintance sur la platine, fermez les lumières et pleurez un peu l'amour qui fait mal. La voix de Sinéad, avec tous ses défauts, des déraillements, des tics, transmet plus de douleur humaine que vingt "torch ballads" de Céline. Voilà, c'est dit. Écoutez-la, plus récemment, sur 100th Window de Massive Attack. Ou sur Harbour de Moby.

Ce disque, le 2e de la jeune femme fut le zénith d'une carrière qui s'est un peu perdue dans la controverse par la suite. La jeune femme a trop de sincérité pour notre époque d'hypocrisies mal assumées. Étrange de rencontrer ces artistes immenses en personne. J'ai eu la chance de rencontrer Sinéad en tournée de presse à l'époque. Précédée de sa réputation sulfureuse, elle intimidait tant et si bien les journalistes et les glaçait de réponses courtes dites d'une voix de souris que la conférence de presse était presque silencieuse. Ce qui a donné la chance à des journalistes moins ferrés (dont votre humble serviteur) de lancer toutes les questions qui leur passaient par la tête. Et elle, de répondre doucement, brièvement, ses grands yeux de vénusiennes bien plantés dans les vôtres, timide volcan qui ne demandait qu'à exploser sur scène, au Spectrum, le soir même.

Le disque se clôt sur une grande mélopée a capella. I do not want what i haven't got, chante-t-elle. Est-ce bien vrai? J'ai malheureusement l'impression qu'une telle âme d'artiste sincère et totale ne trouve jamais totalement le repos.

Comment finir sur un peak émotif après tant de belles violences? Sur un disque tout neuf, complètement inconnu, et qui porte une prestigieuse signature à la production, celle de Daniel Lanois. le disque s'appelle Mercy, l'artiste et son groupe se nomment Rocco DeLuca and the Burden et si ce disque ne fait pas un tabac auprès des amateurs de rock, c'est que le rock est mort ou l'industrie qui le supporte.

Rocco, joueur de dobro, a probablement été nourri au biberon en écoutant le déchirant Grace de Jeff Buckley et lui emprunte ses envolées dans les hautes notes; une manière de nous donner à goûter à la fois à la force sensuelle du rock le plus emporté et la fragilité la plus profonde de l'âme humaine (sa voix falsetto, toujours au bord de la cassure). La production de Lanois, raffiné, riche, cordes et poussières et bohème et nuits longues, est plus raffinée que jamais, mais magnifiquement préservée au mastering (contrairement à tant de ses disques, dont ceux de U2): il y a dans ce disque une poésie qui rappelle Leonard Cohen, un spleen qui creuse son foret dans le ventre comme un disque de Elliott Smith, une sorte d'aveuglement poétique à la Buckley et une beauté sonore comme seul Lanois en fabrique. Que dire de plus? J'aime ce disque, profondément. J'espère que vous l'aimerez aussi. Ce serait comme boire la même auge de sang noir. Mercy.