lundi 29 octobre 2007

Le LOUDNESS WAR: un organisme à la défense de la qualité du son

... pour ceux qui ne sont pas au courant....
votre hobby (le hifi) est menacé non pas par les ponctions fiscales du gouvernement ou par le réchauffement climatique (qui pourraient rendre les tubes gênant un jour), mais bien par les COMPAGNIES DE DISQUES
Mais un organisme vient de voir le jour et se porte à la défense des artistes et des amateurs de hi-fi:
TURN IT UP, BRINGING DYNAMICS BACK TO MUSIC

Regardez le brillant petit vidéo didactif qui explique le loudness war:




Le Gala de Félix: célébration de l'immobilisme

Je suis sans doute grincheux, mais le gala des Félix m'a semblé le reflet d'une industrie qui tarde à se renouveler et qui a besoin d'un bon coup de pied au c...

Isabelle Boulay est charmante et les Aïeux infiniment sympathiques, mais malgré tout l'amour que l'on peut porter à Claude Dubois, il est symptomatique que le Félix du meilleur disque pop-rock de l'année soit allé à un disque de reprises.

Peut-être que si l'ADISQ organisait un gala pour célébrer la meilleure musique québécoise plutôt qu'une séance d'auto-congratulation entre membres, peut-être qu'il y aurait beaucoup plus d'électricité dans l'air. S'il s'était mesuré aux Rufus Wainwright, Arcade Fire, Wolf Parade, Martha Wainwright, The Dears et autres suberbes artistes anglophones de chez-nous, je crois que Daniel Bélanger se serait départi de son air blasé en allant chercher ses trophées. Et avec raison. Qu'on le veuille ou non, nos Anglos ont créé ces dernières années des oeuvres musicales dont le rayonnement dépasse nos frontières. Le monde entier sait qu'il y a un fort courant novateur à Montréal. Malheureusement, les gens de l'ADISQ ne sont pas encore au courant.

dimanche 28 octobre 2007

Mon disque de la semaine: la réédition de Caravan de Art Blakey et les Jazz messengers

Vous aimez le hard-bop? Est-ce que quelqu'un n'aime pas le hard-bop! Mélange explosif de viruosité jazz, de swing, de beat tribal, de soul, de blues... Le hard-bop est au jazz ce que le classic rock est au rock: son incarnation la plus carnivore (?). Payez-vous une bonne tranche du hard-bop à son meilleur avec...



Le remaster 24-bits de Joe Tarantino de Caravan de Art Blakey et ses Jazz Messengers est explosif à souhait. Quel disque! Quelle fougue! Freddie Hubbard à la trompette, un tout jeune Wayne Shorter au saxo (très dynamique, avec du Coltrane dans le nez) et le trombone Curtis Fuller ont réchauffé les tubes de mon ampli et m'en ont mis plein les oreilles, propulsés par le drum de Blakey et sa pulsation à la fois sauvage et suave.

Au menu, deux originaux de Wayne Shorter, des thèmes accrocheurs qui nous rappellent qu'à la base, le hard-bop était une musique populaire; trois standards, dont Caravan, de Duke Ellington, qui donne beaucoup d'espace à Blakey, mais aussi deux ballades pleines de sentiments, In The Wee Small Hours of the Morning (prépondérance donnée au trombone de Fuller) et Skylark, où c'est la trompette de Hubbard qui prend (magnifiquement) l'avant-scène; le disque se conclut sur un autre titre original, et un de mes airs de hard-bop préféré, Thermo de Hubbard, très bien nommé, un 7 minutes de combustion rapide.

Ce remaster (de la série Keepnews Collection, du nom du producteur original, avec anecdotes à la clé dans le livret) est une réussite, et si tous les items de la Keepnews Collection ont cette gueule, il y a de quoi se faire une jolie petite collection de hard-bop à un prix vraiment pas cher. Je vous le recommance très fortement!

Autres items de la Keepnews Collection:
Full House de Wes Montgomery
Power to the People de Joe Henderson
In San Francisco du Cannonball Adderley Quintet
Chet de Chet Baker
Everybody Digs Bill Evans de Bill Evans

samedi 27 octobre 2007

Reverb digital vs reverb analogue: on s'ennuie des années '70



Expérience d'écoute tout à fait singulière hier soir:

- d'abord, L.A. WOMAN, le dernier disque des Doors, 1970, édition DCC. Les Doors ont fini leur course en beauté avec ce disque inquiet et décadent, nourri de blues et qui se conclut sur l'éthéré Riders on the Storm. Une écoute captivante, "involving", émouvante, où on perçoit très bien dans l'interprétation de Jim Morrison son déclin physique qui s'accélère. Sa belle voix de basse casse de plus en plus; c'est un disque qui permet aux autres musiciens des Doors d'arracher un peu du spotlight. Le son est immédiat, chaud, plein...



- je switche à Nothing Like The Sun de Sting, 1987, édition MFSL. Écoutez j'adore ce disque: les musiciens sont écoeurants et Sting atteint des sommets dans son écriture et dans la richesse des arrangements. Mais mais mais... bon sang... ce disque-étalon de la musique enregistrée DDD des années '80 ne tient pas la route, soniquement, tellement que ça en fait pitié.



Le saxophone de Branford Marsalis doit franchir des murs de digital processing, de reverb artificiel et de je ne sais quoi encore pour se rendre jusqu'à moi; les choeurs semblent s'être réfugiés dans une autre pièce, le snare sonne affreusement synthétique et il n'y a pas d'air entre les instruments... C'est beau, c'est parfait et c'est aussi inanimé qu'un galet sur la plage.

Pour moi, de juxtaposer ces deux disques qui, tous deux, présentent des musiciens au sommet de leur art dans des éditions audiophiles est une illustration sonore presque choquante de la perversité cachée des progrès technologiques.

mardi 16 octobre 2007

Dr House, Thelenious Monk , même combat

J'ai trouvé l'équivalent télévisuel de Thelenious Monk. Dr House. Absolument indispensable à l'esprit moderne! Humour oblique, esprit logique et une drôle de tronche!

Au fait, vous avez remarqué les trop beaux joujoux de House? J'ai cherché sur un site quelqu'un qui pourrait nous dire quelles sont ses goûts audiophiles. J'ai trouvé ceci:

Une table tournante Sota Cosmos, des hauts-parleurs Bella Luna de Dueval (Allemagne), ampli Thor Audio... avec aussi un Joule Electra à la maison...


Enfin un audiophile à la télévision!

29 novembre 1957



Ça se passait le 29 novembre 1957 au Canergie Hall.
Combien seriez-vous prêts à payer pour avoir une machine à remonter dans le temps???

Blue train de JOHN COLTRANE: une écoute frustrante (VIVE LE MONO)


Blue Train est considéré, semble-t-il, comme le premier chef d'oeuvre de John Coltrane comme leader. Enregistré en 1957, c'est à dire immédiatement après avoir résolu ses problèmes d'héroïne, qui lui ont valu son expulsion du quintette de Miles Davis, à l'aube d'un 10 ans de créativité folle.

J'adore Coltrane. S'il était gourou, je communierais à son église. J'étais donc curieux d'entendre le disque pour la première fois. Il y a tant à découvrir en jazz. Aujourd'hui, je me donnais Coltrane. Version Mobile Fidelity, donc audiophile. Rien de moins.

Quelle déception! Pas la musique: c'est du hard-bop à son meilleur, et la pièce-titre est un thème typique du Coltrane à ses débuts comme leader: soul, chaleureux, irrésistible. Mais dans un souci délirant de netteté hi-fi, les gens de Mofi ont décidé d'opérer une stricte séparation stéréo entre les éléments: saxo, trompette, trombone et piano, à gauche tous; basse et batterie à droite. Pas de bavures entre les deux.

On a cette image bizarre en l'écoutant: on voit les trois souffleurs et le pianiste, coincés dans une boîte à sardines transparente à gauche, empilés les uns sur les autres pendant que le bassiste et le batteur, tout à leur aise, rigolent à droite en les regardant. On croirait entendre ces faux-disques stéréo des Beatles de leurs débuts, alors que les ingénieurs de Capitol ruinaient les mixages de George Martin pour faire plus "moderne".

C'est un enregistrement de 1957! Donnez-nous un mono bien mixé!

Je n'ai pas enduré deux pièces. J'ai été mettre Coltrane et Monk en concert. Même année, 1957. C'est mono, c'est lo-fi, mais ça swinge!


PREMIÈRE MISE À JOUR

Lorsque je veux pallier à mon ignorance crasse, je vais trainer dans le forum de Steve Hoffman, c'est le meilleur moyen d'apprendre le degré vertigineux de notre ignorance.

J'ai accusé Mobile Fidelity d'avoir ruiné mon écoute de Blue Train à tort. Le hard-pan qui consiste à localiser les instruments sur des canaux nettement séparés était une pratique courante dans les enregistrement jazz, fin des années '50.

Il semblerait que dans le cas de Blue Train, les bandes maitresses mono sont insurpassables, et que la version stéréo, sortie quelques années plus tard, fut "reprocessé" par l'ingénieur de son de l'époque, Rudy van Gelder, qui préférait adoucir le côté harsh de sa prise de son, en fabriquant un EQ dub (copie "égalisée").

Voici ce que Steve Hoffman, qui a eu accès aux bandes maîtresses pour ses sorties audiophiles 45-tours, avait à révéler dans ce fil de discussion:

As I've said many times, the MONO tape is the best sounding of all. Too bad no one will ever hear it on digital. Why, because it's mono.

Q: I've never heard the mono, Steve. What makes it special - was it a seperate "live" mix?

Well, the two-track "master" is an EQ dub copy with processing. The mono master is a first generation tape.

Q: Rudy didn't make a futzed-with "master" afterwards for the mono, only for the stereo

I guess because the original mono tape was used to make the LP back in 1957. Standard Van Gelder. The "twin-track" version probably sat on Rudy's shelf until years later when they wanted to do a stereo version of it. Rudy probably thought the original tape was too raw and too wide so he did a "mix" from the twin-track with extra EQ, compression, etc. Pretty good sounding but nothing like the mono.
Question: Mobile Fidelity a-t-il opéré à partir du master stéréo, ou du EQ dub utilisé pour les premiers longs jeux stéréo?


DEUXIÈME MISE À JOUR

Steve Hoffman, commentant les versions mono/stéréo de "Blue Train"
It's the same mix, just split. Actually the stereo tape feed sounds better, less distortion and compression. His mono Ampex always sounds to me like the recording head was warn to the nub by this recording date..

So, to crave the mono version of this album? To me, pointless. If you want mono, combine the channels; you will get more dynamic music, less distortion and less echo than the actual mono version from the mono tape.

TROISIÈME MISE À JOUR (22 octobre 07)

Studio de RVG, Englewood, 1960

Bon... Nouvelle journée, nouvelle version de l'histoire. Hoffman, qui est en train de préparer la sortie d'une série de disques vinyle Blue Note des années '50 a partagé ses impressions sur les masters tapes, les méthodes d'enregistrement de Rudy VG et la rage "mono" qui fait grimper les prix des disques mono Blue Note à des niveaux stratosphériques sur E-Bay.

"Engineer Rudy usually has carefully split a band with a horn on the left and a reed on the right, bass and piano in the middle and drums on the right with a nice bleed through to the middle and thick, swirling stereo reverb that encircles the band in a 360 degree angle. This was not done in a haphazard fashion; it was done in a delicate, deliberate manner, well thought out and well balanced for the best stereo impact...

Don't believe the legend, believe the tapes. Trust Steve on this...

As I wrote in the other thread and as I keep trying to explain to the folks, certain cues are lost when RVG stereo tapes are folded down to mono. Also, all of the out of phase information that occurs when recording live CANCEL OUT in L+R mono. They vanish, poof! Nobody knows this more than RVG himself. The monos were good enough for a 1961 Webcor phonograph but just because that sound was a compromise back then doesn't mean we are stuck with it now. The actual stereo (binaural) tapes reveal a sonic panorama "time machine" back to the past. We are lucky to have such a clear record of such amazing music.

If you must hear it in mono, get a double Y chord and combine the channels of your turntable to L+R. Problem solved. But don't gyp yourself and miss out on the fantastic lifelike stereo image that RVG created; it's quite wonderful for that time (or any time)".
Alors, Blue Train, version Mobile Fidelity?
S'agit-il de EQ dub ou de bandes stéréo de 1ère génération?
La version mono, qui n'existe pas commercialement, est-elle la meilleur, soniquement parlant, ou provient-elle de bandes stéréos réunies, avec tous les problèmes mentionnés plus haut?

À force d'user le soleil, on en oublie la musique. Alors je vais me contenter de gentiment "tilter" mes Nirvana vers ma chaise d'écoute, de me caler dans le soft spot et d'en profiter! Au diable le reste!

(Ah! Divin! Et quelle qualité sonore! Finalement, en stéréo, c'est très bien, très très bien. Bien que... ce trombone ne vous sonne pas étrangement doux... EQ dub????? Aaaargghh...)



RVG et sa Scully


Les différentes versions de Blue Train de Coltrane en vente:

  • la réédition, dans la série des remasters RVG qui, paraît-il, est pénible par ses choix EQ
  • the Ultimate Blue Train en CD, avec prises alternativces et contenu multimédia. Apparememnnt une amélioration sur le RVG. Possiblement discontinué.
  • une édition vinyle stéréo de Blue Note, 11$... à éviter
  • une édition vinyle stéréo 200 g de Classic Records, 30$
  • une édition vinyle mono 200g de Classic records, 30$
  • une édition SACD stéréo de Blue Note, 16$, à éviter à cause d'un EQ "brillant"
  • une édition HDAD stéréo de Classic Records, (24/92 et 24/192), 20$, très bonne paraît-il
  • une édition vinyle 45-tours stéréo de Classic Records, 50$!!!, ultime version actuelle semble-t-il
ADDENDUM (6 février 2009)
La version SACD de Analogue Productions, masterée par Steve Hoffman et Keivn Gray, ets maintenant sortie et s'imposerait comme la version digitale de référence.
Commentaires ici...

lundi 15 octobre 2007

THELENIOUS MONK QUARTET with JOHN COLTRANE


L'histoire commence en octobre 1956. Le quintette de Miles Davis est à son sommet, les quatre enregistrements Prestige qui vont assurer leur perrénité dans le panthéon jazz (Workin', Steamin', Relaxin' Workin' with the Miles Davis Quintet) sont enregistrés... Mais malgré l'équilibre exemplaire musical de la formation, tout ne va pas pour le mieux à l'interne: le bouillant saxophoniste ténor, si contesté par certains, mais défendu par Miles, John Coltrane, est un drogué.

Un soir d'octobre, après un concert, Miles frappe son jeune protégé; le pianiste iconoclaste et grand-prêtre du bebop, Thelenious Monk assiste à la scène et s'offusque; il offre immédiatement un emploi à Trane. Ce ne fut pas pour tout de suite. Mais ce serait pour bientôt.

Peu après, Davis dissous son quintette; Coltrane rentre chez lui, il chasse ses démons à la manière la plus difficile (cold turkey) et se lance dans une débauche de répétitions, un workaholisme forcené, qu'il accompagne d'un spiritualisme retrouvé.

En avril, il rejoint Thelenious Monk. Et apprend peu à peu, dans son appartement, le répertoire étrange, irrésistible, du plus excentrique compositeur de thèmes des fifties.

Monk. Le nom est étrange; la musique est irrésisitible. Mais elle avance bizarrement, à coups de sauts de puce; en cassant les dégradés tonaux; diffractant la tonalité; si le terme cubisme évoque quelque chose en jazz, ça pourrait référer à Monk. Si loin du blues chaleureux, incandescent, qui sous-tend la musique de Coltrane, et tout le mouvement du hard-bop auquel on l'associe.

Monk est angulaire, il avance selon une logique oblique, la sienne; il est au jazz ce que les Talking Heads sont au rock; une sorte de manière d'avancer de côté, la gueule souriante et avec une sorte d'intelligence d'enfant et un swing d'enfer. Il faut l'entendre jouer du piano: ces espèces d'anti-solos brusques et déréglés.

Si Miles et Trane sont la glace et le feu, Sphere Monk serait un cube de glace fondant dans un alcool raffiné, et qui tangue à la surface.

Coltrane vit donc sa renaissance, en 1957, nouvellement libéré du joug de l'héro, ayant redécouvert Dieu et un partenaire moins rigide, plus généreux en la personne de Sphere Monk. Et un soir de 1957, le thelenious monk quartet, avec John Coltrane à l'avant-plan, se produit au Canergie Hall.

C'est cet enregistrement qui a été redécouvert par miracle dans les voûtes de la Librairie du Congrès il y a deux ou trois ans, et qui a été réédité par Blue Note, remportant tous les polls de rééditions de l'année.

It's a gas, comme disent les Anglos. En six mois, Coltrane a assimilé la musique de Monk et peut maintenant la porter avec sa puissance de souffle si caractéristique; c'est encore un Trane première manière, celui qui fait des sheets of sounds comme disait un certain critique; des trombes d'arpèges qui coulent autour de la tonalité, en en épuisant toutes les possibilités, mais sans jamais perdre le thème de vue, mais sans jamais en être l'esclave; et dans le cas de Monk, on sait ce que valent ces thèmes: surprenants, et inoubliables à la fois. Seul cuivre, il porte le poids de l'expression mélodique.

Derrière lui, Monk est le même pianiste que d'habitude: saccadé, traçant sa ligne dans des silences soudainement heurtés par un accord plaqué. Moi je le trouve fatigant comme pianiste, Monk. Mais Dieu que sa musique est allumante. Et avec Trane en avant, qui la triture, il y a de quoi balancer de la tête. Et puis, il y a ce drummer, Shadow Wilson, pas sûr qu'il ait survécu à son époque, mais enfin il mène le train avec fougue et il est bien enregistré.

Deux sets, neuf pièces, un témoignage d'époque. Miles Davis va vite récupérer le prodige et ensemble ils enregistreront bientôt l'ultime chef d'oeuvre des fifties, Kind Of Blue. En attendant, Trane aura eu une liaison courte et intense avec un être étrange. Thelenious Monk.

Thelenious Monk Quartet with John Coltrane at Canergie Hall.

Blue Note. 2005. 0946 3 35173 2 5

mercredi 10 octobre 2007

En rotation... Radiohead, The Doors, Sonny Rollins

Pour ces premières vraies nuits d'automne, en rotation sérieuse...


Radiohead. In Rainbows.

La planète audiophile s'est donné rendez-vous aux petites heures de la nuit sur le site Web de Radiohead, pour le lancement Internet le plus attendu de l'histoire: In Rainbows vient de naître.. Au-delà de l'approche "pay what you want" et de la déception généralisée lorsqu'on a réalisé que les MP3 distribués sur le site ne pesaient que 160 kb/s, le lancement d'un album de Radiohead demeure une affaire sérieuse pour tous les amateurs de rock. Surtout après 4 ans d'attente.

10 pièces, tout juste 42 minutes: on se croirait revenu au temps du vinyle. Radiohead a vieilli et a maturé. Une sorte de majesté sereine a succédé à l'angoisse paranoïaque distillée à plein volume dans Hail To The Thief, leur précédent opus. 10 vraies chansons, pourrait-on ajouter, 10 performances du band dans son ensemble; pas de bidouillage électronique, de sculpture sonore abstraite, d'explorations auditives binaires. C'est l'album le plus immédiatement engageant, au niveau mélodique, du groupe depuis leur second, celui qui les a révélé à la planète rock, The Bends.

Comme le mentionnait un internaute du forum de Steve Hoffman, c'est comme si le groupe recommettait The bends, mais avec la palette sonore étendue par l'expérience des 4 derniers albums, 4 chefs d'oeuvres quant à moi.

La voix de Thom Yorke demeure émouvante de cette espèce de vulnérabilité d'ado halluciné; mais plus que jamais il en contrôle la musicalité.

Seule déception: pour la première fois depuis OK Computer, le groupe ne défriche aucun monde nouveau; explorant des planètes familières, le dernier Radiohead plaît immédiatement, ce qui n'est pas nécessairement leur norme. Le disque se fichera-t-il aussi profondément dans la peau que les autres? Aura-t-on envie de commander le package de luxe (2 CDs, 2 vinyles, 1 booklet) en décembre, après l'avoir écouté en boucle pendant six semaines?



The Doors - The Doors (1967)

1967 fut une année-charnière dans l'histoire du rock, dans l'histoire de la contre-culture, dans l'histoire de la jeunesse contemporaine. Une année qui a vu les Beatles produire deux albums-kaléidoscopes qui ont changé notre conception de l'album, comme entité artistique (Sgt Peppers, Magical Mystery Tour); qui a vu l'entrée en scène, avec deux albums lui aussi, d'un alchimiste de la 6-cordes qui entamait un spectaculaire et trop bref parcours, Jimi Hendrix.
Cream
atteignait son sommet avec Disraeli Gears, Pink Floyd se lançait en orbite, encore illuminé par le génie psychédélique de Syd Barrett; le Velvet Underground lançait sa banane à la figure du art-rock. Non, vraiment, 1967 fut une année comme le rock n'en a plus jamais connu. Une véritable révolution.

Et puis, il y eut l'apparition d'un autre météore: Jim Morrison et les Doors ouvraient les portes de la perception, à grand renforts de LSD, de mysticisme primitif, de références à la spiritualité indienne. Des textes qui sentaient le sable, le désert nu et brûlant, l'alcool et la douleur de vivre, le sexe et la mort; une voix chaude de ténor qui vous hypnotisait, sur les arabesques dessinées par Manzarek aux claviers. Les Doors avaient un son inoubliable, une naïveté décadente et une pulsation de mort qui évoquent Rimbaud, mais un Rimbaud marchant d'un pas dansant et halluciné sur les traces du rock et du blues le plus graveleux.

J'ai vu pour la première fois la semaine dernière le film The Doors de Oliver Stone, avec Van Kilmer qui, avec panache, resssuscite le roi-lézard dans toute sa fougue délinquante. Difficile de ne pas ressentir d'empathie pour ce gosse pourri de talent, arrogant à l'exême, qui ne cherche qu'à en finir avec la vie, mais le fait avec un tel art de la bacchanale, un tel panache, que l'on ne peut que le suivre, qu'admirer, même en sachant de quelle désolante façon l'épopée de Morrison va finir.

The Doors, le premier album, version DCC (pour plus de chaleur analogique) ou version remasterée 1999 (pour plus de verdeur) n'a rien perdu de son pouvoir incantatoire. Chaque pièce déballant son théâtre noir, avec détours par la comédie musicale bauhaus (formidable version du classique de Kurt Weill, Alabama Song) et le blues (Back Door Man) jusqu'à l'explosion violente de The End ("We want the world and we want it now!"), qui depuis Apocalypse Now de Coppola représente mieux qu'aucune autre pièce l'autre versant du rêve hippie: le désespoir d'une génération ayant enclanché son processus d'auto-destruction.

La sortie de Strange Days, à peine 9 mois plus tard, et à peine moins mémorable, confirmait que l'année 1967 n'appartenait pas qu'aux Beatles et à Hendrix. Les Doors venaient de graver leur nom dans la pierre (tombale) du mouvement hippie.

(À noter qu'une version remixée et multi-channel, et corrigeant une historique erreur de vitesse de déroulement de bande est sortie cette année, dans le coffret Perception, oeuvre de l'ingénieur de son d'origine, Bruce Botnick. Très curieux d'entendre cet album glauque et incantatoire en vitesse accélérée! Et la version mono sera rééditée en vinyle d'ici la fin de l'année 2007)




Sonny Rollins. Saxophone Colossus. 1956.
Prestige (OJC), mastering de 1988. OJCCD-291.

Depuis que j'ai lu quelque part que la série de CD Prestige OJC (Original Jazz Classics) des années '80 valaient leur pesant d'or au point de vue sonore, je les traque chez les disquaires usagés; j'ai renoncé à remplacer mes anciennes éditions par des versions remasterées, parfois SACD et ne m'en porte que mieux.

L'attrait des nouveautés technologiques peut être trompeur. Mon SACD asiatique de Waltz for Debby (Bill Evans) a beau donner une plus belle présence à la contrebasse de Scott LaFaro et étendre la plage de fréquences, le piano d'Evans n'a pas le punch, le mordant, la vivacité caractéristique de mon vieux OJC, que je pensais vendre, et auquel je suis plus attaché que jamais. Je ressors mes vieux Chet, Sonny Rollins, Bill Evans et autres poussiéreux albums mal séquencés et redécouvre leur indéniable punch, révélé par mon nouvel ampli à tubes Atma-Sphere, qui s'impose de plus en plus comme le plus beau cadeau d'audiophile que je me suis jamais fait (merci André, où que tu soies, je bois à ta santé et m'enivre de sons grâce à toi).

Bref, aujourd'hui, traînant dans les merveilleux rayons de jazz de la Bouquinerie, rue Mont-Royal, je tombe sur un disque que j'ai eu en vinyle, mais que je n'ai jamais pu apprécier à sa juste portée, et qui justement porte le label OJC dans ce pressing de 1987: Saxophone Collosus, de Sonny Rollins, l'album qui a imposé en 1956 le jeune ténor comme l'incarnation virile du bop, comme Coleman Hawkins avait été celle du swing, vingt ans auparavant. De retour à la maison, je le met immédiatement dans la platine. Et ça part...

Le son. le son, les amis. Le saxo de Rollins qui gicle des torrents de swing viril au micro, comme si on y était. Un son mono, avec tout ce que ça peut supposer de punch, de dynamique, de focus. Avec de brusques irruptions des peaux martelées par Max Roach, dont le style se marie si bien à celui de Rollins. Dur de décrire le son de Rollins: un son dur, ouvert, incisif, bon, oui, viril, mais aérien, genre joueur de rue sur-dynamité, mais avec quelque chose aussi de l'élégance racée de Lester Young. On est à mille lieux des transes spirituelles de Coltrane, le ténor de demain, qui va bientôt attirer sur lui toute l'attention. Pour l'heure, c'est Rollins le jeune maître, et ce disque est de la dynamite, de l'art tout en puissance. Et au soutien harmonique, comme en contre-point stylistique, le style élégant, raffiné, de Tommy Flanagon au piano, un homme qui découpe le temps au ciseau, ayant l'élégance de ne jamais se presser, et qui réussit à swinger en même temps.

5 pièces qu'on écoute très très fort.