mardi 22 septembre 2009

Les RÉÉDITIONS les plus attendues, #1 - les Beatles (qui d'autre?) (partie 1)

   

PARTIE 1 - UN PEU D'HISTOIRE

Je ne suis pas original à ce point-là. Peut-être ne suis-je même pas original du tout. Ma réédition la plus attendue de l'automne 2009, c'était évidemment la réédition qui aura entraîné le plus de spéculations, fausses rumeurs, espoirs et prières des 15 dernières années. Et c'est finalement arrivé, le 9 septembre 2009. L'intégrale de la discographie des Beatles, enfin rééditée sur CD, dans deux coffrets, en stéréo et en mono! Ce qui, franchement, aura finalement déjoué les prévisions pessimistes des cyniques.

Les éditions de 1987 


Résumons un peu l'état des choses... C'est en 1987 que les Beatles furent édités pour la première fois en CD (excepté un pressage japonais mythique de Abbey Road, en 1983, rapidement retiré du marché). Utilisant un prototype de convertisseur Sony, le regretté Mike Jarratt et son équipe d'Abbey Road se lancent dans une opération typique de cet âge brun du CD, alors que toute considération sonore et historique est plus ou moins esquivée...

Il faudra que le vénérable George Martin pèse de tout son influence pour que les quatre premiers disques du groupe sortent en mixage mono, plutôt que dans les mixages stéréos primitifs de l'époque (on parle de Please Please Me, With the Beatles, A Hard Day's Night et Beatles for Sale). De plus, Sir George, irrité de réentendre le "wide-panning" de Help! et de Rubber Soul, les remixera en stéréo, resserrant quelque peu l'image stéréo mais utilisant une chambre à écho "digitale" plutôt qu'acoustique, ce qui attirera l'ire des puristes (Seules de très rares éditions canadiennes, pressées au Québec, utiliseront les mixages stéréo de 1965).


Oubliez les critiques audios de l'époque, pas plus clairvoyants qu'aujourd'hui, et qui vantaient la "liquidité cristalline" de leur son ("On the four CD's just issued, the sound is magnificent - solid, crystal clear, beautifully textured and fully detailed. One hears very little in the way of tape hiss or extraneous noise; heard side by side with their equivalent mono Parlophone LP's, the CD's sound, for the most part, as bright or brighter on top, and a good deal richer in the bass." - NY Times); les CDs des Beatles furent immédiatement détestés des audiophiles, qui se sont accrochés à leurs pressages mono anglais, voire aux bizarreries comme ce pressage allemand de Please Please Me (Die Beatles), réputée infiniment plus dynamique que l'édition régulière!


Un catalogue abandonné


Et dès ce jour, le catalogue des Beatles devint cet OVNI étrange dans le paysage industriel de la musique: le catalogue le plus prisé de l'histoire, abandonné en jachère aux pirates, sujet de rumeurs, de spéculations, de tractations infructueuses, et soumise à cette impossible règle de l'unanimité entre les actionnaires d'Apple et EMI, i.e. qu'il fallait entre autres que Yoko Ono et Paul McCartney soient en accord sur quelque chose! Les 30 ans, puis les 40 ans de Sgt Pepper's qui passent sans rééditions; une collection de hits ("1") qui fait date dans l'art de commercialiser un catalogue mais qui, de nouveau, s'attire une haine tenace des puristes audios pour son utilisation massive de Noise Reduction et ses choix EQ typiques de l'ingénieur d'Abbey Road, Peter Mew. Il est notoire que le plus grand regret professionnel de Steve Hoffman fut l'échec de DCC dans une tentative ultime d'en acquérir les droits pour une édition audiophile, qui échoue de justesse dans des circonstances nébuleuses.

Au moins un label pirate, DESS (Dr Ebbett Sound System) s'attire une dévotion maniaque des Beatlesfans par ses transferts numériques des meilleurs vinyles possibles.Sans oublier les éditions Purple Chick, Swinging Pig, Mirror Spock & autres. Le bordel est pris.

Qu'est-ce qui a soudainement changé la donne?

Est-ce le fait que notre Cirque du Soleil a réussi l'impossible deux fois, en mettant tout ce beau monde autour de la même table pour son Love, et en permettant à George Martin et son fils Giles de créer un audacieux mash-up de pièces des Beatles, qui comprenaient entre autres des remix qui prouvèrent une fois pour toutes que les Beatles pouvaient, devaient sonner mieux sur CD? Est-ce un changement de garde obligé chez Apple (R.I.P. Neil Aspinall) qui amena à bord Jeff Jones, le maître d'oeuvre des rééditions Legacy chez Sony, et qui de ce fait est un de ceux qui a permis au catalogue de Miles Davis d'être si bien servi, soniquement et historiquement, dans tous les formats audios?

9.9.09


En tout cas, l'impossible est arrivé. L'alignement des astres, le love-in commercial entre Sir Paul et Yoko the Witch, la débâcle financière de EMI et peut-être un sentiment d'urgence chez les Beatles restants devant la lente disparition du format CD et de leur propre entité biologique... Si ce n'était pas maintenant, ce ne serait jamais.


Et le 9.9.09, la planète rock était de nouveau secouée d'un frisson beatlemaniaque. Tous les CDs des Beatles, réédités en stéréo ET en mono, dans un rematriçage qui, à défaut d'être audiophile, ne pourra jamais être mis dans le même bain que les pitoyables merdes soniques sortis à pleins camions par l'industrie aujourd'hui... Packaging impeccable, éditions soignées, prix stratosphériques, mais on s'en fout. Enfin, enfin, les Beatles, sur CDs dans des versions de si belle qualité que le bon Dr Ebbett annonce sa retraite et que tout le monde et son voisin, soudain, s'intéresse au terme "remastering".

 Sur la platine

Ils ont déjoué toutes les prédictions les plus pessimistes. L'équipe, réunie autour du responsable de projet d'Abbey Road Allan Rouse, a fait traire tous les esprits chagrins qui annonçaient depuis des mois que les remasters seraient sûrement noyés dans la Noise Reduction, compressés à mort et avec un EQ pensé pour malentendants. Réunis en comité (pour éviter la dictature d'une seule paire d'oreilles), les Steve Rooke, Guy Massey... ont réussi au-delà de toutes espérances.

La perfection? D'accord, non... Le léger écrêtage (2 dB?) sur le coffret stéréo, admis d'emblée dès les premiers communiqués de presse, auront alimenté les appréhensions et empêché d'accoler l'étiquette audiophile à ces remasters. Mais nous ne sommes pas ici dans le monde de la musique audiophile, créée pour mettre en valeur nos chaînes! Nous sommes dans le domaine de la musique pop et rock la plus joyeuse, jubilatoire, imaginative, débordante de vitalité et de jeunesse, qui "sonne" même dans un poste AM avec un petit haut-parleur de quatre pouces. La compression est-elle perceptible? A-t-elle favorisé le volume et retiré de la texture à la basse de McCartney? Si vous le dîtes, je vous crois. Mais eh, dans une ère où la musique rock n'est plus qu'un tsunami de décibels sans texture ni relief, qui s'attendait à retrouver autant de plaisir à remettre sur la platine des albums entendus si souvent?

Il y a dans ces rééditions massives des joyaux inattendus. Il y a des révélations. Il y a des éblouissements prévisibles. Et aussi de légères déceptions, qui ouvrent la voie à venir. Voici nos moments préférés jusqu'à maintenant, alors que nous commençons à peine à gratter la surface de ce joyau inestimable.

LA REDÉCOUVERTE: "BEATLES FOR SALE" (1964)



Personne ne l'avait vu venir. L'album mal-aimé des Beatles était supposé être l'album de l'épuisement, du presque burn-out après que la Beatlemania ait tout emporté en 1964 dans la foulée de la sortie triomphale de l'album et du film Hard Day's Night. Impressionné par sa rencontre avec Bob Dylan, John Lennon tombe dans l'introspection et les trois premiers titres de l'album (No Reply, I'm A Loser, Baby's In Black) forment un bloc de folk-songs apparemment moroses. Et puis c'est l'album de la pire pièce des Beatles, une interprétation ringarde de John d'un vieux hit country, Mr Moonlight. La sortie en 1987, sur CD, du mixage mono, compressé à mort, n'allait pas raviver l'intérêt envers le 4e disque des Beatles.

Non, on ne s'attendait pas à ça. Pour ce titre, excusez-moi, oubliez le mono. Courez acheter le stéréo. C'est carrément spectaculaire, comme une toile qui aurait été voilée par la fumée d'un incendie, et restaurée amoureusement dans ses vraies couleurs. L'équipe d'Abbey Road a dépoussiéré le canevas, fait reluire la patine, ravivé les couleurs, rafraîchi les textures. La finesse instrumentale, enterrée dans la version mono, ne cesse de nous surprendre dans la précision cristalline de la version stéréo; la conviction des voix (John, qu'on trouvait soporifique sur Rock'n'Roll Music, est en fait déchaîné), la subtilité du travail des orfèvres pop, le beat parfait de Ringo, les lignes de guitare si vivantes de George, tout est bon. C'est un plaisir constant, cette interaction entre des musiciens qui semblent avoir décidé de mettre la pédale douce sur la folie des hit-parade et de se faire plaisir en créant une pop perméabilisée par le folk et le rock'n'roll des années '50. Chaque fois que j'écoute Ringo (plus sympa que jamais) et George (décontract' et parfait) se répondre musicalement dans Honey Don't, j'ai l'impression d'être dans le studio, à regarder deux copains surdoués se payer une pinte de bon temps. Du bonbon! Beatles for Sale est la redécouverte de cette série exceptionnelle. Steve Hoffman nous l'avait bien dit: c'est un des disques des Beatles qui sonne le mieux, mais en stéréo seulement!

LA PERFECTION: "RUBBER SOUL" (1965)




J'ai découvert ce que plusieurs plus clairvoyants savaient déjà. Que Rubber Soul était un immense disque pop, peut-être le meilleur disque pop de tous les temps.

À ce moment précis de leur histoire, les Beatles sont à l'apogée de leurs forces collectives. Ils ont dépassé le stade de la Beatlemania et, à l'aide de leurs fidèles complices, le producteur George Martin et l'ingénieur Norman "Normal" Smith , ils sont bien décidés à raffiner leur art déjà immense de la composition et de l'arrangement.

John, responsable de la plupart des hits de la Beatlemania, raffine ses thèmes et fait déjà montre de cette profondeur et de cette acuité qui en feront plus tard cet espèce de supra-conscience de sa génération: jamais son art de la rock song ne sera plus grande que dans ses contributions à cet album: Norwegian Wood (première apparition de la sitar indienne), The Word, Girl ("tit tit tit tit") et, évidemment, In My Life, la perfection faite pop; mais voilà que Paul, conforté par le succès tout frais de Yesterday, eh bien Paul il étend ses ailes et il se met à pondre des pièces formidables, servi par sa culture musicale plus grande que les autres. Son apogée viendra un an plus tard, sur Revolver, mais en attendant il reprend la veine folk-rock de I've Just Seen a Face dans I'm Looking Through You et pond le formidable "opener" de l'album, Drive My Car, un hit total.

14 pièces, 35 minutes de bonheur pop. Les bardes de musique progressive n'arrivent pas à donner autant de bonheur musical en 70 minutes de pompe instrumentale. Vous voulez entendre un superbe mixage mono?  Il vous faut cet album. Les timbres instrumentaux sont si frais, si vivants qu'on a envie de mordre le disque. Et, bonheur, à la demande pressante des membres de l'équipe de remastering, Apple a accepté de coller au disque mono le mixage stéréo original de 1965, renié par George Martin, mais qui est l'équivalent d'entendre les Beatles en version pré-mixage. C'est un album formidable et un remastering remarquable!





Dès la première semaine, il s'est vendu, aux États-Unis seulement, pas moins de 568 000 copies des albums individuels des Beatles! Mieux encore, 38 000 coffrets, aux prix entre 200$ et 300$,  ont trouvé preneur, dont 12 000 coffrets MONO qui, théoriquement, n'intéressent que les audiophiles les plus maniaques; coffret qui en est déjà à sa première réimpression. Une semaine, un marché, les USA. À l'ère du téléchargement. La déferlante est impressionnante. Y a-t-il un marché pour la musique de qualité et les remasterings soignés? Espérons que l'industrie musicale a pris bonne note! Car enfin, qui n'avait pas déjà acheté ses albums des Beatles préférés sur CD depuis 1987?






Aucun commentaire:

Publier un commentaire