samedi 16 janvier 2010

Chef d'oeuvre mineur: Wise After The Event de Anthony Phillips


On peut se demander commnent s'est senti Anthony Phillips pendant les années '70, alors que ses amis de Genesis passaient de l'anonymat au statut de fers de lance de la musique progressive britannique. Après tout, il avait largement contribué à forger l'identitié du groupe sur Tresspass. Son influence se fait encore nettement sentir sur Nursery Cryme même si Steve Hackett a déjà pris le relais. Il y a dans le son du Genesis d'alors une douceur pastorale, presque une aquarelle couchée sur 6-cordes, qui doit beaucoup à Phillips.

Mais enfin, il y a sûrement des tonnes de raisons pour ne pas entreprendre une carrière dans le cirque rock pour un individu raisonnable. Néanmoins, la parution en 1977 de l'album The Geese and the Ghost , fruit du travail de nombreuses années de Phillips, avec l'aide de Mike Rutherford, fut l'occasion de se rappeler que Genesis était tout un terreau de talents rares. La réception fut excellente; c'était comme un aperçu de la voie qu'aurait pu prendre Genesis avec un Peter Gabriel moins ambitieux et avec un guitariste moins expressionniste. Et c'est un  Anthony Phillips plein de confiance qui s'enferme dans un studio pendant un mois, en 1978, pour pondre un joli petit chef d'oeuvre, en mode mineur.


Cet album, Wise After The Event, il y a facilement 30 ans que je ne l'ai pas entendu. Parce qu'enfin, ce disque, il n'est plus qu'un petit astérisque dans l'encyclopédie du rock britannique, une note en bas de page du chapitre Genesis; ce n'est pas le disque que l'on sort lorsqu'on file "prog". Et pourtant, je me suis rendu compte que je n'avais rien oublié, 30 ans plus tard: rien oublié de ces mélodies sinueuses, pleines de la jolie complexité d'un orfèvre à l'ouvrage. Rien oublié du climat pastoral, terriblement vivant, de cet album qui, je ne sais pas pourquoi, peut-être pour son côté bricolé, bordélique, me rappelle le Ram de Paul et Linda McCartney. Et puis, il y a ce son si particulier, forgé par Phillips avec l'excellent producteur Rupert Hine (qui a le don d'aller chercher le meilleur des artistes: Howard Jones et son Human's Lib, le Private Dancer de Tina Turner, The Getaway de Chris De Burgh), spirales de guitares mixées serrés dans une sorte de vapeur métallique au milieu de laquelle émerge la voix de Anthony Phillips: une voix fragile, pas toujours très juste, toujours au moins doublée, sans grande texture, et pourtant, je ne sais par quel moyen, terriblement expressive, des centuples de fois plus expressives que la voix de Steve Hackett, pour donner un exemple.

C'est un petit voyage que je vous recommande, peut-être une fois l'an, lorsque la nature semble cruelle (comme cette semaine bon sang), et le rock pesant et sentencieux. C'est un disque qui respire l'optimisme, la naïveté, l'amour de la guitare et des mélodies un peu fouillées. Un disque très éloigné de Genesis, un disque qui ne ressemble à rien d'autre, même pas à The Geese and the Ghost. Un prog gentil, pas prétentieux pour deux sous.

[Côté son, rien pour écrire à sa mère: mixage presque mono, et l'édition double avec démos et mix alternatifs sent le EQ-dub à plein nez: presque pas de basse... si vous avez le vinyle, écoutez-le plutôt, il doit être meilleur]

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