mercredi 29 décembre 2010

Sur la platine: les premiers sédiments de "Little Wing"

En ce moment, sur la platine...


Jimi, en jeune musicien de session, sur un beau slow rhythm & blues des Isley Brothers, Have You Ever Been Disappointed?... Un beau titre que je ne connaissais pas, bâti sur le patron des plus beaux Otis Redding, et cette tonalité absolument "killer" du jeune Hendrix... De toute beauté...

Quelques minutes plus tard, surprise d'entendre une intro de guitare qui évoque irrésistiblement "Little Wing" sur un autre "slow" de facture plus "Motown", signé The Iceman, qui s'appelle (My Girl) She's A Fox.
Les deux font partie des meilleurs titres du premier CD du coffret quadruple West Coast Seattle Boy du grand musicien.

Je n'ai pas encore exploré ce coffret et ces multiples découvertes, remixages et excavations d’artéfacts sonores, mais ce premier disque, présentant Jimi en tant que musicien de studio, est une brillante idée de Experience Hendrix, la compagnie de la soeur de Jimi, qui "manage" maintenant l'héritage artistique du grand guitariste de Seattle. Allez, on leur pardonne même les étranges remixages des années '80 qui polluent l'excellent Valleys Of Neptune, sortis en mars cette années.

Et on espère une réédition explosive du célèbre concert de 1969 au Royal Albert Hall pour 2011.

J'adore ces coffrets qui nous amènent derrière la scène des albums officiels et explorent tous les sédiments du corpus officiel de grands musiciens. Pour Hendrix, c’est déjà le deuxième coffret, après le formidable Purple Box du début des années 2000. Il y a aussi l'excellent Anthology de John Lennon, la très célébrée Bootleg Series de Bob Dylan.

Si seulement l'art de la réédition pouvait atteindre de tels sommets ici, au Québec.

mercredi 22 décembre 2010

Pink Martini de Noël

Commentaire finalement assez acide d'Alain Brunet sur le dernier Pink Martini, best-seller de Noël de l'année auprès des mélomanes bien-pensants...



Parce que Pink Martini est au bon goût musical d’ajourd’hui ce que le Cirque du Soleil est au… cirque d’aujourd’hui. Ce que Gotan Project est au tango nuevo. Ce que Florence K est aux musiques du monde. Juste assez raffiné pour faire se sentir mélomane des dizaines de milliers de personnes qui ne le sont pas particulièrement. Juste assez tolérable pour que les «snobs» ne passent pas trop de remarques méprisantes lorsque ça flotte au-dessus des canapés et des apéros. Juste assez formaté pour se hisser au top des ventes commerciales sans que l’impression de format ne saute aux oreilles.

Vingt cinq ans plus tôt, il faut dire, cette façon de faire aurait été appréciée par des publics beaucoup plus branchés. Aujourd’hui, le grand public adulte à demi mélomane y voit un signe de bon goût, comme c’est le cas pour les émissions de cuisine haut de gamme.

mardi 21 décembre 2010

Robert Fripp et les femmes...


Hilarant "post" suivant un commentaire (fort pertinent) disant que King Crimson et les femmes ne vont pas ensemble.
I find Larks' Tongues in Aspic Part I very useful in terminating relationships with girlfriends.

If they're particularly stubborn, I move up to Part IV.

... de la business musicale, de l'empire Virgin et Mike Oldfield et de la condition d'artiste...

Faisant un peu de recherche sur les magnifiques rééditions de la 40th Anniversary Series de  King Crimson, que je ne peux que vous recommander chaudement comme exemplaire, ce bout du passionnant journal on-line de Robert Fripp...
10.51    Super Audio Mastering, Monks Withecombe, Chagford, Devon.

Our day began with Simon Heyworth, Mastering Master, indicating the copyright violations on theTubular Bells book… 

… within the new special release package by Mercury UMG; comparable to our own copyright violations with Island UMG & the Keep On Running Island book. Simon was the co-producer ofTubular Bells & supplied several of his photographs, taken at the time, to Mercury UMG for possible inclusion in the book. Simon’s photographs were used without formal permissions being obtained…
… and Mercury UMG are, Simon mentions, in receipt of his solicitor’s letter.
It would be interesting were the business relationship of the time, between Richard Branson & Mike Oldfield, to be made available to informed public debate. It would be interesting were all the managerial relationships of all the main bands of the time to be made public & subject to discussion.  But this is unlikely, often because of gagging orders & other activities that result in this information remaining outside the public arena. However, in his autobiography Mr. Branson explains the necessity of owning copyrights; that is, own the work of other people. And, in that frank account, Mr. Branson gave us a straightforward presentation of one good way to climb to riches: own the work of other people, in addition to owning the fruits of our own labours. 
How the transfers-of-ownership of copyright interests took place, generally & historically, historically is worthy of study & reportage. What! I can imagine innocent DGM visitors expostulating.Managements & record companies unwilling to reveal details of their personal & financial dealings! Surely artists have handed over their work entirely consensually & without any undue influence or disproportionate force being applied to them by their managers & record companies to persuade these artists to submit to the distributive justice being dished out? And happy to do so!
What is not in doubt is that Mr. Branson’s Virgin empire was founded on Tubular Bells; that Mr. Branson made more money at the time from Mike Oldfield than Mike Oldfield, has more money today than Mike Oldfield, and has always had more money than Mike Oldfield – dating from around the release of Tubular Bells.
It is interesting that management & record companies always seem to make more money than the artists whose interests they, nominally, represent. The argument that some artists do well may be true; in which case, look at the distribution of income between artist and management, record company, publisher & agency, and then decide who has done well
Well.
Chaque fois que je lis Robert Fripp, je l'aime un peu plus. Et l'image du Négatron lourdingue qui rendait les autres musiciens de King Crimson fou se complexifie joyeusement.

Ce n’est pas par masochisme que Bill Bruford a laissé tomber fortune et gloire pour suivre Fripp dans son odyssée musicale...

vendredi 17 décembre 2010

Beck et sa semaine de rêve au Ronnie's Scott



L'année s'achève, et pour les critiques du monde entier, c'est le temps de compiler les albums les plus marquants de l'année, d'en publier la liste et d'en découdre avec les mélomanes et autres exégètes de la scène rock, pop ou jazz... mais pour les blogueurs dans mon genre, c'est au contraire le moment d'un plaisir de glandeur: celui de simplement parler d'albums qui nous ont fait tripper dans l'année, qu'ils soient des éditions récentes ou de vieilles choses retrouvées, des découvertes de retardataires ou des choses sans importance qui, pour une raison ou pour une autre, sont devenues chères à notre coeur et à nos oreilles.
Parmi mes coups de coeur de l'année, indiscutablement, une fois n'est pas coutume, un DVD en spectacle: cette prestation "live" ahurissante de Jeff Beck au Ronnie's Scott de Londres, en 2008.


Ah, Jeff Beck... vous connaissez peut-être l'histoire. Deuxième des trois lead guitarist d'exception (le premier étant Eric Clapton, le troisième Jimmy Page) à s'être développé au sein des Yardbirds (1966), mythique groupe de blues-rock anglais, Beck semblait promu à un succès commercial massif lorsqu'il forma en 1968 le Jeff Beck Group,  avec comme "frontman" un charismatique ex-joueur de soccer du nom de Rod Stewart. Mais il apparut bien vite que Beck était un guitariste beaucoup trop excentrique pour se bâtir une carrière de guitar-hero. Le départ de Rod Stewart et de Ron Wood, partis former The Faces, un grave crash en voiture et la mort tragique de Jimi Hendrix amenèrent Beck à réfléchir à ses rapports avec l'industrie et la musique. Sans oublier que la vague anglaise de hard-rock, dont Page est le point focal, le laisse complètement indifférent... Il ne voulait pas ressembler à ça... musicien jusqu'au bout des ongles, et le contraire d'un poseur.

Après un passage à l'ombre, voici Beck qui s'enferme en studio avec le producteur des Beatles George Martin et le claviériste du Mahavishnu Orchestra, Jan Hammer (futur compositeur de l'inoubliable et insupportable thème de Miami Vice), un virtuose des claviers au style absolument unique (jamais vous n'oublierez son son après l'avoir entendu). En deux ans, deux albums de jazz-rock fusion absolument remarquables refont la crédibilité artistique du magicien de la 6-cordes et l'établissent comme le guitariste des guitaristes, le virtuose que les autres regardent avec ahurissement, tant pour sa virtuosité que sa superbe indifférence au succès-à-tout-prix: les albums s'appellent Blow By Blow et Wired, et Beck ne regardera plus jamais en arrière.


La carrière de Jeff Beck s'est donc déroulée à l'abri des modes, des succès trop massifs mais aussi des descentes abyssales et stupéfiées de plusieurs de ses frères de route. Apparitions remarquables de musicien de session (écoutez-le opérer sa magie sur Lookin' For Another Pure Love de Stevie Wonder... et c'est à lui que revient la lourde tâche de faire un tant soit peu oublier David Gilmour sur le meilleur Roger Waters, Amused To Death), tournées distancées, on aurait presque pu l'oublier, le ranger dans les "has been" avec les autres anciens demi-dieux de la scène anglaise des années soixante... jusqu'à cette semaine magique au Ronnie's Scott, un petit club de jazz londonien de 250 places, dédié entièrement au jazz acoustique.

L'idée semble audacieuse à Beck lui-même, qui confie sa nervosité dans une entrevue en bonus sur le DVD, lui qui n'aime rien autant que l'anonymat. Or, l'anonymat, dans un petit club de jazz, n'existe tout simplement pas; le public est à quelques pas, et ce n'est pas le public abruti de stades de rock, dopé aux shows de lumière et aux fumigènes de toutes sortes. 

Le quotidien des jazzmen représente pour n'importe quel rocker un défi incroyable. Improviser, bâtir chaque moment de la performance sans autre appui que son âme musicale et ses partenaires de scène... ouf!
Mais évidemment, l'art du jazz, (dérivé de jase... la conversation musicale) est aussi celle de l'écoute, de la générosité, du dialogue... et à notre regard nous est livré des moments inoubliables de complicité musicale entre ce grand musicien et son groupe... d'abord, un évident coup de coeur pour la superbe jeune contrebassiste Tal Wilkenfeld; l'admiration affectueuse que lui témoigne Beck lors de ses sensuels solos (écoutez-la sur Cause We've Ended As Lovers, Stevie Wonder encore) vous remplira les veines... cette fille est "the real thing"...

Ex-membre du groupe de Sting (musicien exigeant s'il en est un), le claviériste Jason Rebello accomplit quant à lui un exploit peu commun: lui qui était un musicien strictement de piano acoustique s'éclate sous nos yeux à triturer ses claviers électriques, créant une personnification de Jan Hammer absolument confondante... Il domine le fameux Scatterbrain de l'époque Blow By Blow avec une sorte de flair dramatique unique... Autre ex-compagnon de scène de Sting, le batteur Vinnie Colaiuta est une machine à rythmes enlevant. Bref... chaque moment de la performance est un plaisir musical total.

Mais évidemment, aussi modeste et joueur d'équipe soit-il, la vedette demeure cet interprète de choc, Jeff Beck... Le regardant imprégner chaque moment de son jeu avec un évident plaisir expressif, créant sans cesse de petits moments de magie, par la sonorité, par l'enchaînement des notes, par la manière sans cesse renouvelée qu'il a de partir en déséquilibre mélodique pour toujours retomber sur ses pattes, par ces moments de pure dérèglement des sens (accord furieux, ou arpèges déchaînés à la limite supérieure de l'instrument)  entrecoupés de solis magnifiquement lyriques (Angel) , Beck se révèle d'abord et avant tout un interprète , au sens le plus noble du terme: donnant vie à des mélodies empruntées de la plume d'autres d'une manière unique; un guitariste tout simplement trop personnel dans son approche pour jouer les dieux du stade plus de quelques secondes. Au contraire, authentique jazzman, il n'est que musique, et on devine quel leader inspirant il doit être pour ses partenaires.

Quant à nous, nous sommes, grâce à la magie du DVD, des témoins privilégiés de moments musicaux qui auraient pu disparaître dans le temps.

Qu'il se lance dans un jazz-rock furieux (Scatterbrain), dans les souvenirs de son passé avec Rod Stewart (le fameux Beck's Bolero) ou dans des interprétations plus lyriques (A Day In The Life des Beatles!),le plaisir est constant. Et nous qui ne sommes pas nécessairement fanas de jazz fusion endurons avec patience la présence occasionnelle des obligatoires vedettes invitées (Joss Stone, Imogen Heap, Eric Clapton) n'attendant que le moment de retourner à l'exubérance instrumentale...

Évidemment, je vous le recommande FORTEMENT!




Life is full...

Life is full of surface noises..
- John Peel


ps pour ceux qui se demandent ce que je fabrique, et pourquoi ce blogue est si désert ces jours-ci, je suis tout simplement en train de redécouvrir ma discothèque, comme ça arrive lorsque vous achetez une nouvelle pièce d'équipement.
Le Metric Halo ULN-2 est le seul responsable.

mardi 23 novembre 2010

La chasse aux vieux bucks est ouverte!


Normalement, j'ai vraiment pas grand chose à f... des critiques cinglantes qui permettent à leur auteur d'étaler un humour saignant, sans égards aux victimes. Mais j'avoue que Jeff Dorgay de ToneAudio m'a arraché des sourires sur son tir groupé intitulé: Boomers Beware: Three To Avoid.


This is blues laxative. If this record doesn't make you lose  your last meal  out of one end or the other, nothing will.

First he killed Genesis. Now he murders Motown. What's next? I shiver to think about what debauchery Collins will attempt in the future.

... as it stands, The Union reminds me of that 60-something guy that finally gets an awesome sports car but is too weary  to drive it at the pace it demands.

À ne pas inviter à la même démonstration de Viagra!




vendredi 12 novembre 2010

Le DIGITAL et les GIANT KILLERS! - Matrix Mini vs Behringer 'Légaremifié'


Dans le monde hifi, l'expression "giant killer" attire autant l'oeil qu'une immense enseigne néon "Peep Show" sur la Ste-Catherine! Encore plus que "Saint Graal" (qui définirait la pièce audio ultime), le "Giant Killer" (David dans un monde de Goliaths boursouflés à la caisse enregistreuse), attire; c'est cette pièce d'équipement audio qui offre, pour un prix accessible au mélomane normal, une performance audio digne des plus grands.

Car ne nous le cachons pas, l'audio est un domaine épouvantablement subjectif, en même temps qu'un luxe s'adressant au sens esthétique. Bref, un terreau fertile pour snobs de toutes catégories, mythes à la vie dure, fumisterie et tape-à-l'oeil. Et comme nous le rappellent avec une constance de bourdon les membres du forum AudioAtrium, on n'écoute pas avec ses oreilles; les yeux dictent, plus souvent qu'autrement, ce qu'on entend. Vous n'avez pas des palpitations en voyant apparaître sur une pièce magnifiquement ouvragée les DCS, CJ, McIntosh et autres marques de fabriques célèbres? Moi, si! Absolument! Fantasme d'ado non fortuné qui approche aux portes du nirvana hifidéliste dans sa vie d'adulte, et qui recherche de vieux frissons dans sa nouvelle peau? Bien sûr!

La haute fidélité haut-de-gamme coûte cher. Trop cher. La musique mérite mieux que cette structure pyramidale de coûts qui la rend si inaccessible. Alors, les giant killers, c'est évidemment ces pavés lancés dans la mare glauque du maintream audio qui dit que plus on paye cher, plus on s'approche des degrés ultimes de performance dans la reproduction musicale. Les Giant Killers sont souvent Chinois et sont en train de balayer le marché d'entrée de gamme en hifi.

Comme je magasine un DAC en ce moment, quelqu'un m'a gentiment prêté un de ces giant killer: le Matrix Mini. Un magnifique petit DAC aux fonctionnalités pratiquement insurpassables à ce prix vraiment très amical: 325$, livré. Hires (24/192). Entrées digitales SPDif, USB (bridé), AES/EBU, Toslink... Sorties RCA ET balancées (!). Et on parle paraît-il d'un vrai circuit balancé. Circuit d'écouteurs. Contrôle de volume. Sortie digitale. En plus il est beau. Très beau. Comme les Chinois ont une conception assez élastique du droit d'auteur, on pourrait dire qu'ils ont généreusement emprunté le design du Bel Canto. Un DAC qui coûte six fois plus cher. J'ai lu quelque part le commentaire d'un audiophile qui disait qu'ils en avaient aussi emprunté la magnificence sonore. Bref, pourquoi payer 2000$ lorsqu'on peut avoir la même chose à 325$? Très bonne question.

Je n'ai pas le Bel Canto, mais je peux vous parler du choc que j'ai eu en écoutant le Matrix Mini au début! Mon vieux Micromega Stage IV et sa puce TDA1305T ont eu un petit choc, disons-le. Ses diodes rouges ont clignoté de désespoir en voyant ma main approcher de son power supply! Quand on vous raconte que la conversion digitale a franchi des bonds dans les dix dernières années, vous pouvez le croire. En terme de résolution, ça frappe. Détails. Des masses de détails, sous la lumière crue des nouvelles puces (AD1955 ici). N'est-ce pas la première chose que nous cherchons, quand nous écoutons une nouvelle pièce d'équipement audio? Est-ce que j'entends plus? Nous sommes tous des comptables désespérés. Nous voulons de la quantité. En terme de quantité, la Matrix est dure à battre!

Comme base à un beau petit système digital, qu'est-ce que vous voulez de plus? Le contrôle de volume digital (90 degrés!) vous dispense d'un méchant pré-amplificateur. Vous pouvez brancher vos écouteurs. Toutes ces entrées et sorties lui permettent de s'insérer dans presque toutes les configurations possibles, même cinéma-maison. Il est beau. Et le magasin e-bay qui les vend s'appelle coolfungadget. Je suis désolé, mais ce truc ne peut pas échouer!

Alors, pourquoi, après trois jours d'écoute plus ou moins constante, ressentez-vous cette fatigue auditive que vous reconnaissez entre mille? L'impression que dans cette masse de détails, dans toute cette résolution, cette dynamique sans faille, ces basses bien définies, se cache le grain digital, si abhorré!

C'est un peu le supplice de la goutte. Au début, la goutte d'eau est quelque part dans votre champ de conscience, en périphérie, petit irritant secondaire. À l'arrivée, vous n'entendez plus que lui. Son effet est cumulatif. Plus longue la session d'écoute, plus le grain vous apparaît. Y'a quelque chose qui cloche là-dedans. Vous regardez vos câbles, vos enceintes, votre pièce d'écoute non traitée. Allons donc, les reviews disent tous à quel point le Matrix Mini est formidable. Ce ne peut être ça.

Mais oui ça peut. Ça l'est. Putain de grain digital.

Il m'a fallu une longue session d'écoute double pour aller au fond du problème. Il me fallait surtout un point de comparaison.

Vous connaissez legarem? Je ne le connais pas personnellement, mais son nom est relié à plusieurs interventions intéressantes et assez pointues sur différents forums audio québécois. Sa spécialité, si je ne m'abuse: la modification de DACs commerciaux. legarem, me voyant en pleine "quête" audiophile, m'a prêté deux DAC de son cru, dont un Behringer Ultramatch Pro 2496 fortement modifié. Parmi les nombreuses modifications, retenons que tout l'étage de sortie opamp a été éliminé et remplacé par des transfos Jensen. Je n'y connais pas grand chose en électronique, mais dans le fond de mon subconscient, j'ai toujours associé les sorties opamp au fameux grain digital qui me fait tellement grincer des dents. Évidemment, d'autres facteurs entrent en ligne de compte, et les nombreuses modif' de legarem touchent aussi l'alimentation, les puces de réception, les condensateurs, etc.



Au niveau connections, le Behringer legarem me ramène au strict essentiel: entrée BNC, sortie non balancées, prise écouteurs inopérante, LED de niveau inopérant, pas de contrôle de volume.

Je me suis fabriqué un petit playlist audiophile, style nocturne... beaucoup de voix avec accompagnement épuré, un peu de jazz hybride...
Aperçu rapide:

  • Holly Cole: Don't Wanna Grow Up. Reprise épurée, piano, contrebasse, voix, de Tom Waits.
  • Cassandra Wilson: Lost. Guitare électrique et voix, une grande interprétation, enregistrement très trafiquoté.
  • Christian McBride: Spanky. Trio de contrebasses (gauche/centre/droit). Évidemment, un bon test de basse acoustique.
  • Roger WatersPerfect Sense, Part I. Bien sûr, un bon test d'image sonore (soundtsage), avec une mosaïque de détails sonores intéressants. Mais j'aime surtout ce moment où la voix de Roger Waters entre en scène. Sur un système transparent, la voix de Waters est là, dans la pièce, à quelques pieds de vous. C'est un de mes tests préférés pour une source digitale. 
  • Jordi Savall / Sainte Colombe: Les Pleurs (Version Viole Seule De Jordi Savall). Sonorité acoustique de viole de gambe, enregistrement hyper-détaillé. Et morceau anthologique.
  • Bob Walsh: Ma Toune. Performance "live" de Bob Walsh et de sa pièce la plus émouvante. Encore une fois, la qualité de la prise de son de la voix vous donne l'impression d'être sur place. Les harmoniques de guitare sont aussi hyper-détaillées.
  • Wayne ShorterBachianas Brasileras No. 5. Cette interprétation violoncelle-saxo (avec percus en arrière-plan) de la célèbre Bachianas Brasileras de Villa-Lobos est tout simplement superbe et échappe à toute catégorisation. Jazz, classique, musique du monde? Excellent enregistrement en plus.
  • Arvo Part/Gidon Kremer/Keith Jarrett: Fratres. Quoi qu'en pense Claude Gingras, un grand moment musical, et un superbe enregistrement ECM, impitoyable test sonore.
Dès la première pièce, le problème du Matrix est manifeste, surtout en comparaison du son organique du Behringer modifié. Bien sûr, tous les détails y sont, l'image sonore est précise, les tonalités justes, la dynamique irréprochable, la contrebasse solide. Et pourtant, tout se passe dans la voix. Posons la question simplement. Les moments "being there" abondent avec le Behringer; la surprise d'ouvrir soudain grand les yeux, parce que Holly Cole se pose, à quelques pieds. Le Matrix n'atteint tout simplement pas ce niveau de véracité, parce que l'électronique s'entend: légère sibyllance, un certain grain pas naturel. Comment se traduit cette perte de naturel en termes acoustiques? Harmoniques tronquées, distorsion légère? Aucune idée. Mais l'émotion se niche là, dans ce qui sépare les deux. Le Matrix me fait entendre un enregistrement. Le Behringer, parfois, me fait oublier cette réalité élémentaire. Et l'audiophile est un junkie de ces moments.


Aucune pièce musicale ne permettra autant de distinguer les deux pièces d'équipement la dernière, avec Gidon Kremer au violon et Keith Jarrett au piano. Bien sûr, on pourrait arguer que mon idée, à ce point, était faite, et que dorénavant, mon cerveau confirmerait à tout coup ce que mon esprit avait érigé en vérité. Possible.

Mais Frätres commence par cet enragé de Kremer qui massacre ses cordes de violon avec une passion dévorante. 60 secondes d'une intensité rare, suivie d'un délicat dialogue alors que le violon se hasarde dans les plus hautes fréquences, et que le piano avance calmement dans un paysage de vitrail. Vers la 4e minute, Kremer reprend ses arpèges torturés. Vers la 6e, grands accords dramatiques de Kremer, accords plaqués de Jarrett. Et c'est là que les choses se corsent pour le Matrix. Parce que soudainement, le grain digital mêlé aux fréquences agressives du violon finissent par atteindre vos nerfs. Vous n'écoutez plus la musique; vous crispez vos doigts sur l'accoudoir. Ça fait presque mal. Comme de la craie sur le tableau noir. Ce n'est pas parce que quelqu'un écrit PAIX sur un tableau noir qu'il apaisera sa classe; surtout s'il appuie sur les cordes comme un enragé.

Le Behringer, lui, restera musical. Vous sentirez la passion, l'agression, l'énergie folle du tzigane et de ses cordes, mais vous resterez dans une sphère musicale, et vous serez prêts à poursuivre le voyage.

Et ça, cette capacité à rester musical dans ces extrêmes, définit complètement le Behringer par rapport au Matrix.

Maintenant, il est possible que votre système oeuvre pour biffer cette différence. Roll-off dans les aigüs, et "bloom" exagéré dans les "mid", et peut-être ne sentirez-vous jamais les derniers atomes d'agression de Gidon Kremer dans sa passion mystique. Dans ce monde sonore légèrement diffracté, il est fort possible que le Behringer et le Matrix sonnent pareils. C'est là un choix tout personnel et qui ne regarde que vous.

Mais pour répondre à la question initiale: est-ce que le Matrix est un "giant killer"? Non. C'est une petite merveille de DAC, mais il ne sait pas se faire totalement oublier. Comme entrée en matière dans le monde des DAC externe, magique. Comme deuxième DAC, peut-on faire mieux?

Mais pour une véritable expérience audiophile, c'est un peu court. Juste un peu.

P.S. Autres variables du test:
source: sortie RCA du SPDif Module de Asus pour mobo P5GC-MX 1333 / 

Logiciel: J.River Media Center v. 15 (avec Replaygain et contrôle de volume digital) / 
Ampli: Atma-Sphere S30 Mk. II / 
Enceintes: Nirvana 2-voies haute efficacité

lundi 1 novembre 2010

Sur la platine: Paul Bley, le Montréalais qui a ouvert la route à Keith Jarrett

Je ne suis pas souvent parmi vous ces jours-ci. Ceux qui me croisent sur les forums audios savent qu'entre deux contrats éreintants je prépare plusieurs changements dans ma chaîne audio, et que l'écriture a par conséquent pris la voie de traverse pour un temps. Ce qui m'empêche de vous parler des excellents albums que j'écoute en ce moment, le magnifique et automnal Letting Go de Bonnie Prince Billy (William Oldham de son vrai nom, un auteur-compositeur superlatif et mystérieux, qui a donné à Johnny Cash une de ses plus déchirantes interprétations tardives, l'émouvante I See A Darkness), ou ce magnifique coffret quadruple de Otis Redding, le chanteur préféré de Peter Gabriel (vous ne faîtes pas le lien? Écoutez un après l'autre Washing of the Water de l'archange, puis Try A Little Tenderness de Otis, et vous aurez tout compris sur l'admiration profonde de l'un pour l'autre)...

Enfin bref, j'écoute beaucoup de musique, mais très peu d'albums. Et ce soir, au gré des choix spontanés sur le serveur, rien ne m'a paru plus beau que l'ultime Mondsee Variations de Paul Bley...

Un disque qui, ultimement, me résiste. Difficile, parce que somme, et que moi, je suis plutôt déficitaire. Un peu déficitaire de l'attention, et que ce disque, les Mondsee Varations, demandent toute votre intellect et votre coeur. Somme d'une vie consacrée au piano, d'un Montréalais qui approche les 80 ans (dur à croire) et qui a marqué le piano jazz.

Les plus potineux d'entre vous ont déjà remarqué qu'il partage le patronyme de Carla Bley, la géniale et rouquine arrangeure-compositrice, qu'il aurait rencontré alors qu'elle vendait des cigarettes au Birdland. Presque trop jolie anecdote. Paul Bley a aussi fait ménage avec Annette Peacock, une des femmes les plus fascinantes que vous n'entendrez jamais sur disque. Mettez la main sur X-Dreams, et vous comprendrez que le David Bowie des grandes années la voulait dans son groupe. Mais je m'égare. Encore.

Paul Bley était aux avants-gardes de la révolution free-jazz avec Ornette Coleman, ceci expliquant peut-être cela: cet anonymat relatif dans lequel beaucoup de protagonistes de l'inécoutable mouvement des années soixante sont plus ou moins tombés. Disons qu'on ne les voit pas souvent dans notre vénérable Festival de Jazz.

C'est pourtant au sein de la très respectable et lumineuse étiquette ECM que Paul Bley va tracer un chemin dans lequel pourront s'engouffrer à sa suite plusieurs générations de pianistes, Keith Jarrett en tête. L'étiquette était toute jeune, on est en 1971, le pianiste n'a pas encore 40 ans et il offre, avec Open, To Love, 43 minutes de piano solo, sans cadres, sans swing, juste la liberté de créer des paysages rythmiques et sonores qui seront la quintessence du label plus tard. La présence de compos de ses femmes (dont la magnifique Ida Lupino de Carla Bley) ne nuit pas. Le Facing You de Keith Jarrett allait suivre peu de temps après, et ECM ne regarderait plus jamais en arrière.

Bley non plus, qui ne renouvellera à peu près jamais le cadre du piano solo, laissant le chant (sic) libre à d'autres. Jusqu'à ce disque. Les Mondsee Variations. Enregistré en 2001, lors d'un Festival en Autriche, pour ECM justement... Voyez,ça fait la boucle. Les Mondsee Variations sont 10 impros et 55 minutes de piano solo qui renvoient, comme un miroir, l'écho de son Open, To Love, avec sans doute moins de lyrisme et plus de méditation, plus de questionnement métaphysique, de silences abstraits et d'emportements genre fin-de-vie. C'est pas une oeuvre facile. Ce sont dix pierres polies par une vie au piano, à exprimer la gamme des émotions compliquées qui nous traversent et des peurs métaphysiques qui nous envahissent.

Et on pourrait causer longtemps, comme j'ai tendance à le faire sur ce blogue. Mais ce soir, quand la 10e Variation a joué sur mon serveur, au milieu de plein d'autres choses, c'était comme le moment, pour que ça connecte, pour que chaque note, chaque jeu sur le temps, chaque tressaillement des touches me parle... me fasse sentir la mortalité, les amours fatigués, et l'automne qui fait comme une huile grise sur nous. Comme si la BP nous avait pissé dessus. Un dialogue croisé entre deux êtres reliés par le fil ténu d'un CD rippé. C'est fou ce que la musique peut faire.

Est-ce que c'est beau, ce disque? Mets-en que c'est beau. Mais c'est la vraie beauté: pas l'aguicheuse, ni la romantique. C'est la beauté minérale de l'âge. Et elle est pas toujours facile à aimer.

lundi 25 octobre 2010

Let's talk about WAF...


Les blogues sont-ils l'aventure littéraire la plus extraordinaire depuis l'invention de l'imprimerie?
Surfant sur la toile sans véritable but, voici un blues, sur un blogue croisé au hasard... http://twogoodears.blogspot.com/
Let's talk about WAF: when I showed the two ways system pixes with the kilim, now in my studio;-), she also moaned about... "we were happier" or "I was able to keep plants in music room"... and, sadly, she was right!
The tears, sincere, came as I well remembered that years... yes, I already was VERY fond of music and audio, ONLY younger, having regular sex and sport - Crosscountry skying, Rollerblades, bike three-four times a week and offroad motorbiking, every weekend, doesn't matter winter or summer, after job... also playing a lot with friends, at least one time a week.
Now, twenty or so years after, ALL is reduced: the above and my savings which shortened due to heavily investing in audio, more and more, as a never ending story.
Only dimensions of my audio system increased... 
Why? I have several friends who had completely similar experiences than mine... WHY do we ALL get nuts?
Feeling fine with a 50hz-15Khz system - more or less the ears average hearing capabilities - or trying to copycat bats and their hearing;-)?
Going (someway) further and further, needing to go "beyond": is it in DNA or is it (a sort of) illness?

mardi 19 octobre 2010

samedi 16 octobre 2010

Les remix de GENESIS: des commentaires fort intéressants

On aime bien Blogger comme éditeur de blogue, mais faut admettre que ce n'est pas le plus puissant, ni le plus facile à configurer. J'aimerais bien savoir comment mettre les "Commentaires" les plus récents bien visibles, sans égard à quel article les a motivés.

Toujours est-il qu'il y a une série de commentaires très fouillés sur les remix stéréo de Genesis que j'ai commentés il y a un bon bout de temps. Si ça vous intéresse, je vous invite vraiment à les lire, parce qu'on a affaire à un vrai spécialiste de l'oeuvre du groupe.

http://fredhammersmith.blogspot.com/2008/02/massacre-la-tronconneuse-genesis-remix.html

mercredi 29 septembre 2010

SUFJAN STEVENS: RÉVOLUTION?


Si vous fréquentez quelque peu ce blogue, vous savez déjà que j'ai un amour sans bornes de la musique. Que c'est pour moi une plongée extraordinaire dans l'âme humaine, dans ce qu'elle a de plus créative, de plus enthousiasmant. C'est pas mêlant, on écoute la musique et on se dit qu'il y a de l'espoir pour l'espèce humaine.

Pourtant, après peut-être 35 ans d'écoute musicale active, il faut bien l'avouer, notre intérêt devient plus... académique? La musique et notre âme sont ce vieux couple, pleins d'habitudes, de rituels, de conventions, et parfois on soupire après nos frissons d'adolescence, alors que tout ce monde était nouveau pour nous.
 Notre oreille s'aiguise, mais alors qu'on voudrait se laisser toucher plus profondément, on n'y arrive pas. Car voyez-vous, 35 ans d'albums, ça vous laisse des sédiments dans l'âme auditive, une sorte de croûte épaisse qui ne se laisse plus transpercer très facilement.

Disons-le plus simplement: on ne se laisse plus beaucoup surprendre.

Ah! Entendre A Day In The Life de nouveau pour la première fois! Planer au son de The Great Gig In The Sky après avoir décollé en orbite autour du Dark Side of the Moon. Prendre un pouce la nuit entre deux ville et entendre Glassworks une première fois, hypnotique, obdésant. Le solo de Hackett dans Firth Of Fifth, quelques notes de pure feelin', quelque soit le sens de ce mot qui ne veut rien dire, mais qui veut tout dire. Sunday Bloody Sunday, la voix de Bono, la guitare de The Edge. How Soon Is Now et la voix torturée de Morrissey. La voix de Björk. Bref... voyez le topo.

La dernière fois que j'en ai pris plein la gueule, c'est, comme plusieurs autres personnes, en 1999, quand OK Computer m'a fait sonner les tympans. Onze ans depuis. Onze ans, c'est long. Pas mal de nuits à revivre de vieux frissons! On les approfondit peut-être; en réalité, on en creuse le même sillon qui s'émousse peu à peu.

Combien de fois le rock peut-il encore se réinventer? Combien d'albums ont vraiment changé les règles du jeu? Synthétisé leur époque et indiqué, par une approche novatrice de la production, du songwriting et de l'interprétation, la voie à suivre? On rêverait de revivre les première écoutes de Sgt Pepper's en 1967, ou de Dark Side of the Moon en 1973.

Longue intro. Plus fort que moi. Fast-Forward. J'aimerais déjà être le 12 octobre. Pour voir comment le monde va accueillir l'ahurissant nouvel album de Sufjan Stevens. Pour voir le Jour 1 de l'âge de l'Adz.

Car rien ne nous a préparé à ça. Ni son formidable Come and Feel The Illinoise (#1 de l'année 2005 sur le site qui collige les critiques du monde entier Acclaimedmusic), 2e tome de son ambitieux (et avorté) projet de réaliser un album par état américain, ni même son excellent EP (60 minutes quand même!) All Delighted People, sorti il y a à peine un mois.

J'avais pour projet de vous parler de ce EP, justement. Deux semaines que je mijote le texte dans ma tête. Des brides de phrase me venaient et repartaient. Je voulais vous parler de mon affection totale pour ces 60 minutes de folle équipée. Vous parler de ce foisonnement d'idées folles d'arrangements qui font tanguer le bateau ivre de la pièce d'ouverture pendant 11 périlleuses minutes (et qui ont semble-t-il dégoûté une certaine Laura Snapes du New Musical Express, qui a écrit une critique assassine sans trop s'attarder au reste)... un peu comme ci le créateur génial - mais avec quelque chose d'indiciblement  juvénile de Illinoise - avait pris du coffre, de la confiance et pas mal de ganja depuis cinq ans.  Je voulais vous parler des trois merveilleuses ballades folk au coeur du EP, au mélodisme magnifique, épuré, avec des arrangements d'une délicatesse et d'une beauté comme il s'en entend peu. Je voulais parler de cet art mélodique précieux, qui n'a rien à voir avec celui d'un McCartney, génie de l'air qu'on retient; ce sont plutôt des thèmes qui se prêtent à la transformation, la variation à l'infini; les pièces s'étirent, les thèmes sont répétés, triturés, psalmodiés, suggérés... jamais ils ne lassent, car ils sont servis par les transformations infinies d'un alchimiste génial.

Je voulais surtout vous parler des solis de guitare complètement tordus qui électrisent le disque; surtout, surtout ceux des 17 minutes hallucinantes de Djohariah, une élégie incroyablement émouvante à sa soeur Djohariah et aux mères seules en général, qui clôt le disque. Tour de force qu'il est difficile de décrire: faut le vivre (magnifique essai sur la pièce ici)!

Alors, oui, je voulais vous causer de tout ça. Jusqu'à ce matin, alors que dans ma boîte aux lettres électronique, je reçoit de Asthmatic Kitty (le label de Stevens) un lien vers le nouvel album, The Age Of Adz, en vente chez tous les bons disquaires à compter du 12 octobre. Devant les kilomètres (nombreux) qui m'attendent, et les inévitables bouchons montréalais, je télécharge, grave... démarre.

J'en ai pris plein la gueule. Une fois. Deux fois... Trois fois. Trois fois 80 minutes. Je ne fais plus ça. Pas à mon âge. Pas dans cet agenda fou. Jamais je ne m'astreins à écouter le même albums trois fois de file!

Hypnotisé. Submergé, noyé par ce torrent d'images sonores, de réfractions électroniques, de grooves lourds nappés de choeurs féminins, de glissando de violons, et toujours ces nappes de bruits électroniques qui rebondissent dans tous les sens. Collage après collage après superposition. Une oeuvre en dizaines de couches qui ne cessent de se métamorphoser, presque libres de gravité, et pourtant; centre de gravité il y a: c'est à la 3e écoute que j'ai vraiment entendu ce que je craignais manquant, les mélodies. Des thèmes à la Sufjan Stevens. Des mélodies qui supportent la répétition à l'infini.

Si le EP était toutes guitares électriques (ou électroniques?) sorties, le LP, lui, est un encyclique de l'électronique. Et du multi-pistes. Autant Sgt Pepper's ne pouvait naître qu'avec la magie du studio des ingénieurs d'Abbey Road et que Dark Side fut l'apothéose d'une certaine conception du son (même studio d'ailleurs!), autant l'Age of Adz appartient à son époque, celle de l'édition digitale à l'inifini, du collage, des fragments atomiques séparés et réassemblés. Chaque pièce est un voyage sonore, et on ne sait jamais vraiment où on va. Ce disque est du délire.

Et il y a les pièces, qui se cachent derrière tout ça. Référence directe à Kid A et aussi à Nine Inch Nails dans Too Much, probablement la meilleure pièce du disque, avec un bridge instrumental absolument merveilleux, qui m'a pris à la gorge dès que je l'ai entendu, et qui se met à gagner en intensité sans que vous vous en rendiez compte; c'ets ce que je veux dire par être surpris.Off guard. Au moment où je l'ai entendu, j'avais la conviction de ne jamais avoir entendu rien d'aussi beau. Ce qui est ridicule, bien sûr. Sauf que c'est là le pouvoir de la musique qui vous transperce soudain: de vous faire vivre le moment, totalement.

Je pourrais parler de la beauté poétique de Vesuvius.  Je pourrais en tartiner des pages encore. Je vais couper court un peu.

Il y a, en clôture, 25 minutes qui viennent faire culminer les 50 minutes d'ascension qu'elles précèdent. Je ne sais pas si Impossible Soul a le souffle pour devenir le Supper's Ready d'une génération électro éclatée. Mais ouvrez grand les oreilles parce que des épopées musicales comme ça, il n'y a plus grand monde qui semble vouloir se donner la peine de les construire. J'étais déjà convaincu d'écouter un grand disque avant ça, le premier grand disque de la nouvelle décennie. Mais après avoir entendu cette suite, je me demande si on n'est pas devant une révolution sonore et musicale, annoncée par les Animal Collective, TV On The Radio et autres explorateurs sonores d'aujourd'hui. mais l'âme en plus.

Vous vous devez de prêter l'oreille. Parce qu'un disque comme ça, c'est rare.

samedi 25 septembre 2010

Cratère sur ma rue


Depuis un mois, il y a un gros cratère noir dans ma rue.
C'est comme une nuit qui s'est trouvé une résidence, juste de l'autre côté de chez-moi, là où j'aimais niaiser, niaiser le temps quant il tire sur ma laisse.
Ma fille et moi avions passé une matinée ensoleillée ensemble. Match de soccer, où elle avait marqué, café et chocolat chaud au Starbuck, petite saucette au pet-shop; ma fille est une vraie libellule, et y'a rien comme se promener avec elle au soleil, ça vous fait des ailes de vitrail qui vous éblouissent et vous étourdissent. Et puis on est entré se reposer un peu. Après tout, c'est samedi.
Mais du salon, ma libellule m'a lancé un cri inquiet.
Papa, y'a deux policiers armés qui sont rentrés chez Pierre.
Ma petite regarde souvent de l'autre côté de la rue. Inquiète. Inquiète pour Pierre.
Une autre voiture de police. Une ambulance. Fuck. Pierre vient de tomber dans le trou noir.
Je sors, en ordonnant à ma petite de ne pas bouger. L'ambulance se met de reculons dans l'entrée. Les policiers ont rangé leurs guns. Le dispatch au 9-1-1 a eu peur, parce que la douce de Pierre était incapable de parler au téléphone, alors que Pierre venait de tomber dans le cratère.
Mon pote sur un stretcher.
Les sirènes qui nous cisaillent les oreilles.
Ma voisine me fait un signe sans équivoque.
Mon pote ne remontera jamais de ce trou-là.
Et depuis ce jour, le cratère, de l'autre côté de la rue. Impossible de ne pas le regarder, ce trou qui s'est invité.
Alors Pierre, est-ce que tu l'as revu, le film de ta vie à l'envers? Quand la Grande Faucheuse s'est penchée à ton oreille et t'a dit: Arrête, je t'amène avec moi, tes souffrances sont finies... as-tu eu le temps de tout goûter à nouveau, une dernière fois? L'amour de ta douce, les joints de la fin - pour alléger tes souffrances écoeurantes - la pancréatite, le coma et la résurrection... et puis les années d'avant, avant que je te connaisse, la grosse vie, les mauvais compagnons, la bouteille un peu trop tutoyée, la soirée folle qui s'est terminée dans un lampadaire pour une certaine célébrité parmi vous, les vinyles détruits par une douce qui n'était pas si douce, et ce joint partagé avec un certain apache-black aux doigts interminables et au talent prodigieux à Woodstock... cette partie de touch-football chez ton ami Laporte, une heure avant qu'un commando ne vienne détruire une famille, un homme et tout espoir de la gauche québécoise... les années soixante... et avant ça, l'enfance turbulente... il y avait encore, dans les derniers jours, dans la morsure imbuvable du mal, un grain de malice d'enfant turbulent, accroché dans ton sourire... Gamin jusque dans tes derniers retranchements.
Pierre n'a pas eu une vie monotone.
Ça crée un trou encore plus grand.
Une des dernières soirées passées ensemble, on l'a passé à jouer de la musique ensemble, entre non-musiciens, avec nos douces, les joints de la compassion (pas le Club, il venait d'être fermé par les intégristes bien-pensants) et le héros de Pierre, celui qui l'a aidé à passer à travers les dernières semaines, Santana... Soirée de canicule dans cet été de canicule. Le doc lui avait dit: Passe un bon été, pis on se revoit en septembre... On va t'arranger ça en septembre...
Le temps s'est arrêté en août.

dimanche 12 septembre 2010

Sur la platine: les couleurs et le temps rythmé de Debussy




Il y a un âge où on aime les choses floues, les choses qui réverbèrent, les chromatismes acidulés, le sol informe, la neige glacée, la nuit très noire et le temps élastique. Moi, c'était du temps de mon CEGEP. Le monde avait à cet âge quelque chose de poétique qu'aucune merde du quotidien ne pouvait achever; elle pouvait seulement lui mettre une cape mélancolique, une sorte d'aura émotionnelle douloureuse pas complètement détestable. C'est qu'on les ressent drôlement, les choses, à ces âges-là!

Et donc, c'est dans cet âge et dans cette ouverture de la tête et des oreilles, qu'un jour, entrant chez Musique d'Auteuil à Québec, j'entends pour la première fois les Préludes de Debussy, joués par Arturo Benedetti Michelangeli (juste le nom, ça en jette, hein?).

C'est au même âge que j'ai découvert Philip Glass, Erik Satie, Terry Riley, un tas d'autres choses. Alors, les Préludes, leur espèce de précision et d'élégance raffinées de haïku, leur liberté rythmique, le jeu constant des dynamiques et des tons, l'espace réverbérant que leur a ciselé les ingénieurs de Deutsche Grammophone, tout ça ne pouvait que me plaire, que dis-je, me faire planer.

J'ai toujours retenu ce nom, Michelangeli. Et lorsque, quelques cycles de vie plus tard, j'ai finalement acheté le cycle complet sur CD, je m'attendais à retrouver le même monde étrange de "cathédrale engloutie", de "pas sur la neige" et de "vent dans la plaine" (tous les noms très mallermiens de Préludes).

Mais le temps avait passé, l'âme pris quelques baffes et l'époque n'était plus vraiment à l'ouverture devant les miniatures informes dessinées par le piano trop raffiné de Debussy, ce génial coloriste de l'ivoire. Qu'est-ce que je me suis ennuyé à essayer de retrouver cette magie... Le monde de Debussy, d'informe, était devenu opaque, inconsistant, comme si je la voyais à travers une vitre sale.

Maintenant, expliquez-moi ce mystère, typique de la vie de mélomane. Ce soir, j'ai eu envie de les écouter ces Préludes. Une impulsion. Une humeur. Un délestage de tout ce qui est logique, efficacité. J'ai redonné le piano à cet Italien au nom grandiloquent, j'ai fermé les lumières, les tubes, qui réchauffaient depuuis trois jours, avaient finalement une raison de le faire.

Et soudainement, Les Préludes ont retrouvé leur touche cristalline. Leur beauté chromatique, leur poésie rythmique. Même les noms ne sonnaient plus aussi ringard. Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir. Pourquoi pas.

Ce doit être l'automne qui approche. L'été s'achève. Si vous êtes jeunes, c'est un peu la mort des amours estivales. Si vous êtes un peu plus vieux, c'est le deuil de voir vos enfants quitter un peu plus le monde si incroyablement magnifique de l'enfance.

En tout cas, ce disque magique mais à la beauté subtile, je vous le recommande. Prenez le temps. Il va peut-être se dérober à vous la première fois. Mais il ne le fera pas tout le temps.

(Et pour me faire pardonner cette digression tout à fait informe, [sans doute dans le ton de Debussy, génie en moins!], quelques infos sur Michelangeli qui semble être tout un pistolet! Tiré de site http://sostenuto.piano.free.fr/A.B.Michelangeli.html
Arturo Benedetti Michelangeli est né le 5 janvier 1920 à Brescia (Italie) et mort le 12 juin 1995 à Lugano (Suisse)
Le personnage de Michelangeli prêtait souvent à des controverses. Il était souvent considéré comme un être fantasque, prêt à raconter toutes sortes d'histoires à son sujet. Il se déclarait notamment le descendant de Saint-Francois d'Assise. Le mythe qui tourne autour du pianiste, la rumeur, et la fascination ont pendant près de 50 ans attisé les foules du monde entier et ont fini par créer une icône qui n'avait pas toujours un lien avec la réalité. Michelangeli poss&eacutedait un charisme envoûtant grâce auquel il subjuguait son auditoire.La force de séduction du pianiste n'est plus à démontrer et le côté paradoxal du personnage réside dans son &eacutetonnante attitude vis à vis du public et de la presse. Particulièrement froid, distant et résérvé, la critique est exécrée par cet homme hautain et si sûr de lui. Mais il déchaîne les passions, on le trouve si fascinant. Michelangeli n'aimait pas divulguer sa vie privée.
Pourtant, on sait qu'il a donné son premier récital à 5 ans, qu'il a obtenu un diplôme de piano à 13 ans, et qu'il a même suivi des cours de médecine pendant 5 années sans jamais obtenir le diplôme. En 1938, il participe à un concours de piano à Bruxelles dont le jury comporte quelques personnalités du monde musical comme Artur Rubinstein. Michelangeli y sera classé en septième place et l'histoire raconte que Rubinstein lui-même a contribué à rétrograder le pianiste italien. Mais en 1939, c'est la consécration. La célèbre expression de Cortot qui suit la victoire de Michelangeli au Concours de Genève "c'est le nouveau Liszt, il rend le piano plus fluide !" le porte en triomphe et l'annonce comme l'un des plus éminents ambassadeurs du piano transalpin. Son interprétation des Préludes de Debussy reste une référence en matière de contrôle des masses sonores, d'analyse des phrases, de perspective impressionniste.
Sviatoslav Richter, qui n'avait pas le compliment facile, le jugeait "Incritiquable" tant son approche de la musique lui semblait profonde.

mercredi 28 juillet 2010

Meilleur que OK COMPUTER???


Dans le genre hyperbolique, on peut difficilement faire mieux aujourd'hui...
La BBC vient de faire une critique dithyrambique du nouvel opus de nos Arcade Fire...
Lisez la conclusion:
it’s important to remember that Arcade Fire’s journey from underground obscurity to chart-topping acclaim has been at a trajectory decidedly different to many a music industry heavyweight, more happy accident than orchestrated intent. Emerging from a previously unexplored beyond, their story has always been theirs alone to tell. And The Suburbs is their most thrillingly engrossing chapter yet; a complex, captivating work that, several cycles down the line, retains the magic and mystery of that first tentative encounter.
You could call it their OK Computer.
But it’s arguably better than that.
Si cette conclusion s'avère justifiée, il sera permis de parler de Arcade Fire comme du groupe rock anglo-saxon le plus important des années 2000.

mardi 27 juillet 2010

Dylan mono... WOW!

Par contre, pour faire contre-poids au billet aigre-doux précédent, reconnaissons à Sony leur travail pratiquement impeccable concernant l'héritage de Bob Dylan. On parle de la magnifique série Bootleg Series, bien sûr. On parle des rééditions exemplaires sur SACD. Et maintenant, un an après les Beatles, on parle d'un coffret mono pour l'automne.





Each album in “The 8-CD set of Dylan’s earliest albums in mono” will have a paper sleeve and the set will be in a slipcase, with a booklet, including liner notes by Greil Marcus. The albums will be from “Bob Dylan” to “John Wesley Harding” and it is believed that all are being freshly mastered for this release, using first issue copies of the mono LPs for reference, in order to ensure that they get the sound to match that on the albums when they were first released. Back at that time, albums were principally mixed for mono release, with less care and attention being paid to the stereo mixes, and many collectors prefer the mono versions. None have been issued officially on CD in mono before, although mono bootleg CDs are not unknown.

Ah, si seulement, maintenant qu'il en assurent la garde, l'héritage de Hendrix pouvait hériter du même respect...

Hires or not hires: ou comment l'industrie du disque se tire dans le pied 123e partie

Ah je les adore...
Aux premières lignes des geignards anti-Internet.
L'industrie du disque.
Oui, oui, cette industrie incapable de gérer son hallucinant patrimoine culture avec ne serait-ce qu'un peu de discernement;
cette industrie qui n'a jamais hésité à tromper sa force vive, les musiciens, et son sang, les mélomanes.

C'est sur un fil de discussion de l'excellent site Computer Audiophile
et il y est question de la version haute résolution de Love Supreme, le chef d'oeuvre de John Coltrane, apparemment restaurée à partir des élusives bandes maîtresses originales, sûrement un des items les plus mythiques de l'histoire du jazz.

Toujours est-il qu'on y apprend que le site de fichiers digitaux haute-résolution HDTracks a dû faire tout un ménage dans sa discothèque, après que l'ingénieur de son Bruce Brown, qui prépare les conversions  SACD => FLAC, ait découvert qu'une partie non négligeable du catalogue SACD était de faux fichiers haute-résolution.

Bruce at Puget Sounds, who does the transfer for HD Tracks from SACD, has said that they have recently realized that many SACDs are derived from 24/44.1 masters that are simply upsampled to 88.2 for SACD production. Apparently this is very common in the SACD catalogue.

Le clou de la nouvelle, c'est la ratio. Car après vérification systématique d'un grand nombre de SACD, quel ratio de faux l'ami Bruce aurait-il découvert?


  1.   10%
  2.   25%
  3.   33%
  4.   50%
Dîtes un nombre, allez!
Et si ce n'est pas le chiffre le plus élevé, vous vous trompez!!!

Incroyable!

dimanche 11 juillet 2010

Vélo dans la canicule, Arthur H et Jonsi en sono



C'était une ride délicieuse au couchant. Point de départ: le magnifique petit village de Mystic, niché dans un coin retiré près de Bedford. Sur la sono, une drôle de bibite: le premier disque solo de Jonsi, chanteur de Sigur Ros.

Je ne connais pas beaucoup les Islandais Sigur Ros. Je les assimile au courant post-rock, genre Godspeed U Black Emperor, en version plus légère, plus lumineuse. À cause, entre autres, de cette voix elfique étrange de Jonsi.

Les Islandais sont des drôles de moineaux paraît-il, vivant des journées de plusieurs mois, férus d'art la nuit, de plein air le jour. Ça ne peut créer que des esprits libres, à la Björk, pour moi l'artiste majeure des 20 dernières années en musique pop. Eh bien, à l'écoute de son disque, on ne peut que conclure que JONSI est aussi un esprit libre, vivant carrément sur une autre planète.


Son premier disque est un curieux mélange de batterie à l'avant, martelant les rythmes, de cette voix falsetto forte et d'arrangements tantôt flyés, tantôt grandioses. On croirait par moments un Hobbit monté sur ressorts, avec un côté sucré halluciné, et par moments un volcan en lente éruption, comme dans le sublime Tornado.



Je vous dis pas l'effet de cette musique sur une petite route de campagne vallonnée, avec le soleil couchant qui vous aveugle et un héron perché là-haut sur son arbre, qui regarde pensivement St-Armand et qui se demande à quoi peut bien penser Foglia à cette heure-là.

Une fois l'effet de surprise des deux premières pièces passées, on se laisse gagner par cet univers singulier, qui ne semble référer à rien d'autre qu'à ses propres lois. Jonsi n'est pas facile à prendre au premier abord. Et il est inutile de l'écouter sur une chaîne haute-résolution, le mastering ayant opéré un petit massacre sonore. Mais c'est un créateur pop en train de jeter les bases d'un son si singulier que vous pourriez bien le mettre en boucles pour les moments ultra-lumineux.  

Et il vous faudra que je vous parle de Mystic Rhumba, le bien-nommé disque solo piano-voix de Arthur H, dédié à Llhasa, que j'écoute en quittant Mystic (ce qui n'était pas du tout planifié) et qui, dans ses 4 premières pièces, touche trois fois au sublime... Ce diable d'homme, ce saltimbanque de l'émotion, ce Tom Waits dégingandé et si français, peut parfois trop en mettre, parfois trop nous la jouer bizarre. Mais quand il nous fait un Nancy et Tarzan, un Bo Derek, quand il chante les femmes, la beauté, de sa voix rauque un peu tout croche, seul au piano, dans un château plein de chandelles et pensant à notre dolorosa disparue (conditions réelles d'enregistrement du disque paraît-il), ben que voulez-vous, c'est si beau que j'en ai le coeur qui se serre et que je chante (très faux et très fort) par-dessus. Je suis ton Tarzan, ton Zorro, ton cow-boy, ton zéro, ton grigi, ton bad boy, ton Spider-man, oui, Nancy...


Et dans ce cas-ci, le son est fantastique Audiophile.

jeudi 8 juillet 2010

Original Master Tapes... Or Not? (The Sequel)

Eh bien l'expression "From The Original Master Tapes" est appelée à devenir obsolète. Car si Audio Fidelity eux-mêmes ne l'emploient plus, qui le fera?




J'ai employé une expression un peu forte pour décrire le récent imbroglio de AF, pris, disais-je, "la main dans le sac" pour emploi de "dubs" pour la création d'une édition audiophile de Simon & Garfunkel. Eh bien, la controverse qui a fait rage par la suite a amené l'étiquette à retirer la mention de ses célèbres rééditions. Et c'est celui par qui l'expression a été consacrée, l'ingénieur de son Steve Hoffman (célèbre pour avoir retrouvé, au milieu d'un fatras de rubans oubliés, la véritable bande maîtresse de Highway 61) qui nous recommande de ne pas en faire trop de cas. Dans une véritable partie de ping-pong avec les visiteurs de son forum, il explique la décision de Audio Fidelity ainsi:




The artwork is done in advance, way, way, way before mastering. That is why AF took off all disclaimers in the first place. It's just not possible to look into the future while typesetting, sorry. (...) 
How many times can I tell you guys that the art is printed long in advance? Then, it needs to BE APPROVED by the major record label. That usually takes MONTHS as well. They have the last word on what is to be printed. Do I gotta spell THAT out for you? (...)
Keith, the vault search is the last thing that is done before mastering. Months have gone by since the art was typeset and printed.
Is this not understandable?
10 years ago it was different. All those people have retired and the pencil pushers are in charge now. Do you think Sony Music will put on one of their discs: "Oh, we threw out this tape 25 years ago and are using a dub copy, dig it".
No, they won't and they won't and won't. (...)
George, 80 to 90 percent of the music in your record or CD collection is mastered from a dub. I doubt you could tell the difference. Heck, going from a 24 track tape to a 2 track tape is dubbing it. Or, what do you think two songs that run together are? They blend them by dubbing (Sgt. Pepper, Santana, Band On The Run, etc.)
You want to eliminate almost all of your collection because you are worried about pedigree? Better sit down first and take a breath...
You are not making any sense. (...)
The only pure recordings I have ever worked with are live to mono (like a Bill Haley) or live to two-track (like Art Pepper Meets The Rhythm Section). Everything else is NOT first generation. Heck, anything recorded after 1963 is not. So, we get the closest we can and go with it, it's usually tons better than what the majors use. Still, a master tape is not the Holy Grail (just listen to HOTEL CALIFORNIA raw if you want to be shocked). Everything is a copy, either from a multi or from a work part or whatever. 
The words MASTER TAPE simply mean that THIS IS APPROVED FOR DISK CUTTING (OR DISK "MASTERING").
Doesn't mean it's going to sound wonderful. Usually it doesn't. The master tape is itself a work part. Played back "raw" is usually a disappointment, like watching "straight" footage from a movie shoot. The thing comes alive in the tweaking (mastering) which is what I do.
I haven't heard the new Stevie Wonder but it was cut from the MASTER which is a dub. (Say "master" like Dr. Evil sez "Laser", use your fingers and everything.)
This MASTER is a master not because I'm calling it that but because it was the only tape EVER USED IN CUTTING THIS ALBUM. Nothing else was used ('cept maybe a dub of this). So in essence it's the real deal. Doesn't matter if Stevie has the work parts, nothing was ever cut from his tape. Do you see? A master is only a master if it was ever used to MASTER ANYTHING. Stevie's tape wasn't. Stevie probably has 50 different mixes of YOU ARE THE SUNSHINE OF MY LIFE and 200 other songs sitting around. So what? None of them was ever used to master anything. (...)
You guys are way too puritanical in your approach.
Take Paul McCartey's RAM or VENUS & MARS. Those "final masters" are dubs. Heck, VENUS & MARS was redubbed just to add a layer of compression. That third generation tape was then labeled MASTER. Should we never listen to it again? No. Do we dig that album? Sure. Do we care that it is technically a dub? We shouldn't.
OK OK. We get the point.
Still... 
Lui qui s'est fait  l'avocat No 1 de l'utilisation des bandes maîtresses d'origine, pourquoi soudainement tourner le dos à cette conception simple?



Once again, the master tape is the original approved version. You go further back and it's only work parts that need to be massaged. Don't like that except in certain cases. The master tape is the real deal. You probably forget that for every master tape there are many dubs of THAT master that have been used over the years to "master" stuff. What we do is go back as far as we can and eliminate those EQ Dubs and copies. We want the real deal. Hopefully it still exists. In a few cases, it's worn out, lost or dumped. If the album is an important one it can still be worked on with alternate cutting material. It's either that or settle for some really bad sounding older CD's.
Audiophile labels try and make the best sounding versions of favorite and beloved albums. Sometimes the process isn't all fun and games. The end result is worth it though. If I can improve the sound compared to what is already out there, if I can crank it without my ears bleeding, restore lost dynamic range or remove old grating EQ moves, I'm a happy camper.

Les propos de Steve Hoffman ont par la suite été censurés... sur son propre forum!!!
Ainsi est donc révélé le secret honteux: Audio Fidelity ne peut plus utiliser l'expression From The Original Master Tapes parce que ça se trouve à faire ombrage aux rééditions des majors! Vous l'avez lu ici!

samedi 3 juillet 2010

COLLISION FRONTALE ENTRE LOU REED ET MONTRÉAL CE SOIR!

C'était certainement un des spectacles les plus intrigants du Festival de Jazz cette année. Mais en m'installant dans la salle remplie de la salle Wilfrid-Pelletier à 19h30, j'étais loin de me douter que le concert serait terminé, sous les huées, 75 minutes plus tard, laissant un Lou Reed ravagé quitter la salle d'un pas incertain, quelques pas derrière une Laurie Anderson visiblement furax et un John Zorn écartelé entre les deux conjoints.

Quelle étrange réunion entre trois des fers de lance de la scène musicale new-yorkaise, dans sa diversité infinie de mouvances. Un rocker-songwriter increvable qui aura traversé les années de débauche et d'errances pour arriver intact dans la soixantaine, la performer la plus célèbre de l'histoire et le saxo le plus azimuté du jazz actuel, réunis pour un concert de musique improvisée qui aurait certainement eu plus de chance de rencontrer son public au Festival de Musique Actuelle de Victo.
Pourtant, quant à moi, la soirée avait assez bien commencé. C'est Lou Reed qui part le bal, et il installe d'emblée une ambiance de noise-rock assez lourde, qui a dû rappeler à ses vieux fans de durs souvenirs: ses Metal Machine Music..  Et c'est sur ce drone plus près de Fripp ou d'un Michael Brooke atteint d'accès de violence que le saxo de Zorn peut commencer à souffler, couiner, crier, hurler et le violon de Laurie Anderson de construire ses architectures sonores...

Ce qu'il y a de magnifique en musique improvisée, c'est de voir à quel point les personnalités peuvent s'exprimer et se compléter, sans censure. Reed s'impose par sa violence, la rage intérieure des ambiances qu'il crée: son barrage sonore est une armure ou une toile de fond, un sfumato dense, lourd, plombé... de l'autre côté de la scène, Laurie Anderson (que j'avais vue en 1984 au Spectrum, et dont j'avais complètement oublié le jeu de violon) semble constamment trouver, au coeur de la tempête, une architecture naissante, une cohérence, un rythme, que son violon vient souligmer; quant à John Zorn, au centre, pied sur une chaise, alto en bouche, c'est le lyrique, le volubile, l'emporté, l'animé. Les trois semblent se compléter parfaitement, et je peux dire que, sincèrement, je goûte chaque seconde.

Mais c'est loin d'être le cas de tous. Et je soupçonne le public de Lou Reed, en premier lieu, d'assez peu goûter ces architectures sonores décousues. Dès la fin d'une première impro, peut-être 12 minutes, les huées fusent (et moi qui croit naïvement que ce sont des Lou, pas des Bouh!) et les rangs s'éclaircissent. Et ça repart: piqué dans son orgueil, peut-être blessé, le vieux Lou, qui a survécu à l'héroïne, à Andy Warhol et à quatre décennies new-yorkaises, ce qui n'est pas rien, en remet une couche, pendant que Zorn couine comme jamais. Plus agressif, strident, dissonant, le trio remet ça avec une sorte de ferveur noire, et cette fois, une partie du public devient nettement plus sonore. Une bagarre passe à un cheveu d'éclater derrière moi. Un spectateur crie: It's A Disgrace! Un autre: Play Some Music. Zorn répond: If you don't think this is music, then get the f*** out of here.. Les gens se lèvent par dizaines et quittent. La soirée prend une mauvaise tournure.

La suite est à l'avenant. Reed, qui tourne de plus en plus le dos au public, essaie de diriger du geste sa douce, et semble lui inspirer un solo  tout à fait poétique (voir clip plus bas), mais il a dû se passer quelque chose entre eux, car après un morceau ma fois assez réussi, Reed se lève, visiblement harassé, fait mine de griffer Laurie, Zorn embrasse l'un, embrasse l'autre, mais n'arrive visiblement pas à les ramener sur la même longueur d'onde et le trio quitte en désordre, devant un public de plus en plus clairsemé et clairement abasourdi.

Ils viendront le temps d'un rappel; mais visiblement, le coeur de Lou Reed n'y est plus; il tombe dans la redite, le trio se rend difficilement au bout de ses idées, la soirée finit d'avorter et mes voisins me regardent, alors que les lumières se rallument: Is it over? Already???

La scène a quelque chose de cruelle. Au début du show, je ne pouvais manquer de m'émerveiller de la durabilité de Lou Reed: qui, à l'écoute de Heroin, en 1967, aurait pu se douter que ce junkie se rendrait à 68 ans, et continuerait de faire de la musique, et de la musique signifiante, 40 ans plus tard? Mais ce soir, ce "survivor", ce dur à cuire n'a pu vaincre une minorité bruyante et mal renseignée et est tombé dans le ring.



[AJOUT] Ouf... Patrick Gauthier ne les a pas ratés sur le site ruefrontenac. Mais il avoue être un fan du Lou Reed de Transformer. Peut-être ceci explique cela. Multipliez par peut-être 300 ou 400 spectateurs qui ont réagi de la même manière.

Parmi les fils de discussions les plus intéressants sur le sujet: http://www.stevehoffman.tv/forums/showthread.php?t=221093